On change de camp !
<<Chapitre précédant<< Sommaire >>Chapitre suivant>>Chapitre 5— Je ne vois pas comment nous pourrions y arriver. La sentence et, pis encore, le ton sur lequel elle était prononcée, acheva de serrer le cœur de Leia. Ce qu’elle voyait n’avait aucun sens. Mon Mothma avait toujours été l’âme de la Rébellion, la plus déterminée de ses fondateurs. Elle avait personnifié à merveille le combat mené contre l’Empire pendant près de trois décennies. Pour la jeune princesse d’Aldérande, elle avait été un modèle, une voie à suivre. Et voilà qu’elle semblait avoir perdu espoir. Sa force de conviction avait laissé place à la mélancolie. Assise derrière un bureau de verre blanc, dans la lumière crépusculaire qui baignait cette pièce où des tapisseries aux armes de la Nouvelle République avaient été installées à la va-vite pour masquer les symboles impériaux, elle se morfondait face à son incapacité à gérer la crise actuelle. S’il s’était agi d’une invasion impériale ! Là, elle aurait sans doute retrouvé son tempérament, mélange de flegme et de détermination. Elle serait redevenue Mon Mothma, telle que la galaxie la connaissait. Mais le mal était différent, cette fois. L’agression ne venait pas de l’extérieur. C’était la Nouvelle République elle-même qui était malade, qui connaissait sa première grande crise gouvernementale. Certes, les Impériaux y étaient étroitement mêlés. Les victoires simultanées de Kuat et de Bilbringi avaient marqué l’opinion. Mais le plus grave était la capture de l’amiral Ackbar, le Commandeur Suprême de la Nouvelle République, en qui Mon Mothma avait placé son entière confiance. Leia, amie de longue date de l’officier MonCal, déplorait également cette perte… Comme la plupart des partisans du jeune régime. Cependant, les conséquences de cette défaite dépassaient largement le champ personnel, ou même stratégique. Gial Ackbar était encore vivant, et il existait un espoir – mince, certes – qu’il puisse un jour reprendre son poste… Seulement, d’ici là, la Nouvelle République devait lui désigner un remplaçant. C’était là que la situation s’était passablement compliquée. Dans la hiérarchie de la Nouvelle République, l’officier occupant la seconde place après Ackbar était le sullustéen Sien Sovv. Il ne s’était guère distingué sous la Rébellion, mais avait gagné, après Endor, une réputation de bon organisateur ainsi que le prestige d’un commandant victorieux en raison de la défaite qu’il avait infligée à l’arrogant Sander Delvardus, lorsque le « Suprême Général » avait tenté de conquérir Sullust. À la suite de cela, Sovv avait rapidement gravi les échelons, jusqu’à devenir amiral aux commandes d’une des quatre grandes flottes de la Nouvelle République. Les mauvaises langues disaient qu’il devait plus cet avancement à ses liens avec le conglomérat sullustéen SoroSuub, fournisseur de la flotte, qu’à ses propres talents… Et c’était une hypothèse que Leia ne pouvait pas totalement repousser. Sian Tevv, dirigeant de la compagnie et représentant de la planète au sein de la Rébellion depuis l’époque de la bataille de Yavin, était très doué pour soutenir ses protégés. Bien sûr, le fait que Sovv passe devant nombre d’officiers plus expérimentés que lui – Carlist Rieekan, Crix Madine ou Hiram Drayson – avait fait grincer quelques dents. Mais il avait créé un certain consensus. Au sein de la flotte, il n’avait guère de rivaux, car personne n’imaginait confier le poste à l’amiral Firmus Nantz, qui s’était attiré de nombreuses antipathies. Parmi les autres éventuels prétendants, Rieekan était vu comme trop proche de Leia, et Drayson comme l’homme de confiance de Mon Mothma. Quant à Madine, malgré son implication depuis bientôt dix ans au service de l’Alliance Rebelle, il devait encore composer avec son ancien rôle d’officier impérial, qui lui valait quelques inimitiés. Sovv avait donc recueilli plusieurs soutiens de poids, dont celui de Borsk Fey’lya. C’est alors qu’un autre candidat s’était déclaré, quelqu’un dont les prétentions ne pouvaient être écartées d’un revers de la main. Ni plus ni moins que le co-fondateur de l’Alliance Rebelle et ex-sénateur de Corellia, Garm Bel Iblis. Représentant d’un secteur de premier plan, ennemi personnel de l’Empereur, Bel Iblis était célèbre avant même la fin de la Guerre des Clones. La perte de sa famille, tuée par les agents impériaux, et sa réputation de jusqu’au-boutiste lui avaient attiré une certaine sympathie. Surtout, c’était un tacticien d’un talent rare, capable de remporter la victoire face à des forces bien plus imposantes que les siennes. Ce n’était pas pour rien que la défense de Coruscant lui avait été confiée, au moment où la Nouvelle République s’attendait à ce que la prochaine attaque de Thrawn s’y déroule. Le général, fidèle à lui-même, s’en était pris directement à son rival pour le poste. Sovv, disait-il, avait fait preuve de stupidité en se repliant juste avant l’assaut sur Tangrene, lorsqu’il avait appris les défaites de la Nouvelle République sur Kuat et Bilbringi. Lui, Bel Iblis, avait détruit cette même base quelques années plus tôt, avec seulement trois cuirassés dépassés sous ses ordres. Avec une flotte telle que la sienne, Sovv aurait pu créer une tête de pont dans les régions impériales, s’en prendre au Secteur Corporatif et s’assurer que l’Empire ne puisse pas trop profiter de la victoire. Des arguments pertinents qui avaient rencontré un certain écho chez les militaires, et bien au-delà. Le tonitruant Corellien disposait d’un charisme que n’avait pas le Sullustéen, avec sa mauvaise maîtrise du Basic. Des voix s’étaient élevées pour appuyer sa candidature, divisant jusqu’au Conseil Provisoire. C’est là que s’était joué le dernier acte du drame, la veille, lorsque la réunion censée assurer la nomination de Sovv avait échoué, faute d’accord à la majorité des deux-tiers. Mon Mothma avait mal pris l’affaire. Elle avait soutenu le Sullustéen au début de sa campagne, sans voir arriver les protestations. Sa propre inimitié avec Bel Iblis n’avait rien arrangé. Les deux fondateurs de la Rébellion, aussi orgueilleux l’un que l’autre, étaient toujours à couteaux tirés malgré le retour du Corellien dans le giron néo-républicain. Elle souhaitait toujours la nomination de Sovv, mais, à présent, disait-elle… Elle ne voyait plus comment y arriver. — Peut-être avez-vous des idées sur la question ? Leia ne répondit pas immédiatement. Elle avait son opinion sur la question, bien sûr. Garm était pour elle une figure familière… Et il était surtout indéniablement plus talentueux que Sien Sovv. Mais comment l’exposer à Mon Mothma ? — Les deux camps ne vont pas se réconcilier dans l’immédiat, commença-t-elle. Les partisans de l’amiral Sovv accusent ceux du général Bel Iblis de soutenir les ambitions personnelles d’un homme plutôt que la bonne cohésion de la Nouvelle République, tandis que dans l’autre sens… Nous savons ce qu’il en est. Nous aurons du mal à les convaincre de soutenir l’autre camp. En revanche, nous pourrions proposer un troisième nom. — Lequel ? — Le général A’baht. Je ne le connais pas beaucoup… Mais on m’a rapporté beaucoup de bien à son sujet. Il s’est montré des plus efficaces depuis que nous avons perdu Gial. C’est un vétéran disposant d’une longue expérience, qui s’est battu sur Endor aux côtés de l’Alliance et a repoussé l’Empire de son système avec des forces largement inférieures à ce dont disposaient les Impériaux. Il est réputé pour sa compétence et a toujours combattu l’Empire, ce qui devrait plaire aux soutiens de Garm. Et ceux de l’amiral Sovv ne pourront pas l’attaquer sur ses objectifs politiques, puisque c’est nous qui le proposerions. Mon Mothma secoua la tête avec tristesse. — Je ne pense pas que ce soit envisageable. Il a rejoint la Nouvelle République bien trop récemment pour cela. Et Dornéa a beau être un système prospère… Ce n’est pas Corellia, ou Sullust. Nous sommes encore trop faibles pour nous priver du soutien de mondes aussi prospères en écartant leurs candidats d’un revers de la main. — Corellia n’a pas rallié la Nouvelle République, remarqua Leia. Le Diktat est plutôt proche de l’Empire. — C’est vrai, acquiesça la présidente du Conseil Provisoire sans quitter du regard sa conseillère. Le sous-entendu était clair : « le général Bel Iblis n’est pas un bon candidat, lui non plus ». Leia s’en voulut de s’être ainsi laissé mener par le bout du nez. Elle soupira et reprit, plus offensive : — Si un troisième candidat est inenvisageable, alors nous devons envisager de soutenir Garm. Je sais quels sont vos différents avec lui, Mon, mais il faut que nous puissions les dépasser. Il a en partie raison sur ce qu’il avance. L’amiral Sovv est contesté dans les rangs. Nous sommes dans la même situation que lorsque les Rogues sont partis pour libérer Thyferra, il y a trois ans : aux yeux de l’opinion, ils représentaient plus l’esprit de l’Alliance que nous. C’est la même chose avec Garm aujourd’hui. Mon Mothma acquiesça doucement, mais Leia sentit qu’elle n’était pas convaincue. — Si nous nommons Garm, reprit-elle, savez-vous ce qui se passera ? On m’accusera d’avoir nommé un humain à la place occupée auparavant par un non-humain, alors même qu’un non-humain était plus légitime pour prendre ce poste. Les cicatrices de l’Empire sont encore trop vives pour que nous prenions ce risque. L’argument était de ceux qui agaçaient Leia, et elle ne se fit pas prier pour le faire savoir. — Alors, que devrions-nous faire ? Confier le commandement de notre armée à quelqu’un de moins compétent, sous prétexte qu’il est non-humain ? Nous ne pouvons pas attribuer des rôles selon les espèces et les origines. Ce genre de raisonnement est dangereux, surtout alors que nous sommes en guerre, à un moment où l’ennemi a repris l’avantage.La présidente du Conseil Provisoire resta silencieuse pendant plusieurs secondes. — Vous avez raison, bien sûr. Mais tous les conseillers ne le verront pas de cette façon. Notre équilibre politique est trop précaire pour que nous risquions une nouvelle crise. Le plus simple serait que le général Bel Iblis accepte de servir comme conseiller de l’amiral Sovv, afin de respecter la préséance de celui-ci. Mais vous savez comme moi qu’il n’acceptera pas. Leia devait admettre que le compromis était raisonnable… et qu’elle était malheureusement du même avis que Mon Mothma. — Peut-être qu’en lui expliquant la situation…— Je connais Garm Bel Iblis depuis plus de trente ans, l’interrompit la Chandrilienne. Il est fier d’être Corellien jusqu’à la moelle. Il a symbolisé leur indépendance pendant la Guerre des Clones, puis sous l’Empire. Il est aussi l’un des plus beaux exemples de leur propension à se montrer têtus jusqu’à l’obsession. Cette fois, le constat fit sourire Leia. — Je pense que Han pourrait le battre à ce petit jeu… L’irruption d’une sonnerie empêcha Mon Mothma de répondre. — Oui ?— Conseillère, votre rendez-vous est arrivé, annonça une voix masculine. Le directeur Malltick des Industries Soro-Mall. — Merci. Faites-le entrer. Leia, ajouta-t-elle en revenant vers son interlocutrice, si vous pensez qu’il y a la possibilité d’inciter Garm à accepter un compromis, faites votre possible… Peut-être que le respect qu’il éprouvait envers Bail Organa l’incitera à écouter sa fille. Mais n’ayez pas trop d’espoir. — L’espoir était la base de la Rébellion, contra la jeune femme avec un sourire. — Et le général Bel Iblis s’en est détourné, rappela Mon Mothma d’un ton ferme. Ces paroles raisonnaient encore dans la tête de Leia lorsqu’elle quitta le bureau de la Chandrilienne. Elle sentait que le nœud du problème était là. Mon Mothma n’avait jamais pardonné à Garm Bel Iblis d’avoir abandonné la Rébellion après la destruction d’Aldérande. Le Corellien l’avait accusée de se prendre pour une nouvelle Palpatine, une insulte des plus offensantes pour celle qui avait défendu la cause rebelle dès le premier jour. Et Leia ne pouvait s’empêcher de garder un peu de rancune pour Bel Iblis, elle aussi. Dans les années difficiles qui avaient suivi Yavin, l’aide qu’un militaire de cette envergure aurait pu apporter se serait révélée précieuse. Certains combats auraient pu mieux tourner… Et elle savait que Mon Mothma pensait de même. Et elle a perdu un fils sur Hoth, songea-t-elle en entrant dans ses appartements. Peut-être pense-t-elle, au fond d’elle, que Jobin serait encore en vie si Garm nous avait apporté son soutien dès le début.Si c’était là la cause de son obstination à rejeter les services de Bel Iblis, Leia pouvait le comprendre, à présent. Elle était mère, elle aussi. Elle entra dans la chambre des jumeaux. L’après-midi était bien avancé et c’était l’heure de la sieste des deux nourrissons, qui allaient sur leurs trois mois. Winter était assise dans un fauteuil à côté d’eux et épluchait des rapports – ou plutôt, elle les enregistrait, grâce à sa mémoire quasi-infaillible. Après des années à infiltrer les rangs de l’Empire et à mener des opérations secrètes, la surveillance de deux nouveaux-nés ne l’occupait pas assez pour qu’elle renonce à se tenir informée des dernières nouvelles. Mais elle n’était pas seule. Il y avait un autre visiteur, observant les jumeaux, appuyé sur le bord de leur berceau. Sa présence ne surprit pas Leia. Elle avait perçu sa présence avant même d’atteindre ses quartiers. Luke Skywalker tourna légèrement la tête et sourit en voyant approcher sa sœur. Il donnait l’impression d’être apaisé, même si Leia sentait quelques fêlures sous son vernis de tranquillité. Des failles qu’elle n’avait pas ressenties jusque lors. Était-ce l’effet de ses pouvoirs qui se développaient peu à peu, ou s’agissait-il d’un changement chez Luke ? Elle n’aurait su le dire. D’un signe de tête, il l’invita à le suivre, ce qu’elle fit après avoir jeté un coup d’œil aux jumeaux, curieuse de ce qu’il pouvait avoir à lui dire. Il la conduisit sans un mot vers le salon, la pièce que Leia préférait dans ses appartements. Niché dans l’une des nombreuses tourelles qui saillaient le Palais Impérial, il offrait, grâce à une immense baie vitrée, une vue panoramique à deux-cent-soixante-dix degrés sur les immenses plaines artificielles de Coruscant et les buildings aux formes gracieuses qui les hérissaient. Le spectacle était particulièrement beau à l’heure du coucher du soleil, ce qui allait encore devoir attendre quelques heures. Mais même pendant le reste de la journée, il était facile de se laisser prendre au jeu de l’observation des interminables files de speeders du trafic aérien ou des vaisseaux de livraison qui approvisionnaient de leur noria incessante ce monde incapable de se sustenter à lui-même. Quand Leia entra à la suite de son frère, une femme observait ce panorama. La Conseillère ne l’avait jamais rencontrée, mais il suffit d’un coup d’œil sur quelques détails – rousse, sportive, approximativement son âge, un sabre-laser à la ceinture – pour deviner de qui il s’agissait. Son premier réflexe fut de se tourner vers Luke pour lui demander des explications. C’étaient là ses instincts protecteurs de mère qui avaient pris le dessus. Luke ne se souvenait-il pas que cette femme, Mara Jade, lui avait avoué vouloir le tuer, à peine quelques mois plus tôt ? Comment pouvait-il la conduire ici, auprès de ses enfants, en sachant qu’elle était autrefois l’un des agents les plus mortels de l’Empereur ? Sa colère devait être palpable, car Luke et son invitée se tournèrent vers elle d’un air inquiet. Mais Leia étant ce qu’elle était, ses instincts diplomatiques reprirent vite le dessus. — Désolé, dit-elle en sachant que son interlocutrice avait parfaitement perçu les sentiments exprimés à son égard. Luke ne m’avait pas prévenue qu’il vous avait invitée ici. Mara Jade la fixa étrangement. — Ne vous en faites pas, je comprends. Elle hésita, et ajouta :— Vos enfants ont de la chance d’avoir une mère prête à les défendre. Leia se morigéna pour sa réaction. Elle connaissait par son frère les grandes lignes de l’enfance de son invitée et aurait dû prévoir cette réaction.— J’ai surréagi, assura la Conseillère. L’effet de la fatigue… Et je dois avouer que je ne m’attendais pas à vous trouver chez moi. À en croire mon frère, vous étiez retournée auprès de votre employeur. — C’est vrai. C’est justement ce qui m’amène auprès de vous. — Karrde a découvert des faits inquiétants, indiqua Luke. Tu devrais écouter ce que Mara a à dire.Leia acquiesça. Revenant à ses devoirs d’hôtesse, elle les invita à s’asseoir. — Je vais faire venir des rafraîchissements pendant que vous me racontez tout ça… 3PO ? 3PO ? La porte qui menait à la cuisine coulissa, mais sans laisser apparaître le droïde de protocole doré. Leia écarquilla les yeux en voyant jaillir de la pièce son mari, un tablier sale autour de la taille. — Han ? Je peux savoir ce qui nous vaut ce nouvel uniforme ? — Oh, crois-moi, chérie, tu ne veux pas que je te raconte cette histoire, lui répondit le Corellien d’un air sombre. Il fronça les sourcils en voyant leurs invités. — Salut, Luke. Mam’zelle, ajouta-t-il avec un signe de tête à destination de Mara. Désolé pour la tenue, mais je suis un peu occupé…— Han, où est 3PO ?— Ah, ne m’en parle pas, de celui-là ! grommela-t-il. Figure-toi qu’il s’est trouvé une nouvelle lubie de spécialiste de l’éducation. Et notre cher professeur, tout pédant comme à son habitude, a décrété que je n’étais pas un bon modèle pour les petits ! Que j’étais incapable de m’occuper d’eux comme il le faudrait !— J’espère que tu ne l’as pas désintégré. — C’est pas l’envie qui m’en manquait, mais je ne voulais pas donner du boulot en plus à Chewie… Il a déjà assez à faire sur le Faucon. Du coup, j’ai voulu montrer à Bouton d’Or que je suis plus que largement capable de préparer le repas des p’tits. Elle fixa le tablier, sur lequel des taches bien fraîches et colorées s’étalaient joyeusement. — Oui, ça saute aux yeux. — Ne m’en parle pas ! Cette catastrophe ambulante… Il m’a suivi en cuisine pour m’assommer de ses conseils. Et il a causé tellement de dégâts que j’ai dû le désactiver pour avoir la paix. — Parfait. Dans ce cas, c’est toi qui vas nous apporter des boissons… Et vite ! Il se raidit sous l’effet de cette saillie, mais ne se rebiffa pas. — D’accord. Une tisane aux fruits sauvages chandrilliens pour toi ? C’était un parfum qu’elle appréciait, mais qui lui rappelait trop Mon Mothma – celle qui le lui avait fait découvrir – pour pouvoir le boire sans arrière-pensées ce jour-là. — Plutôt une concoction corellienne. Avec une touche de brandy. — Un chocolat pour moi, commanda Luke. Si tu as, bien sûr. — L’un ou l’autre, éluda Mara. Han fit mine de tout noter et salua à la manière d’un domestique. Il se tourna vers la cuisine, mais, avant d’y retourner, jeta un dernier coup d’œil à son épouse. — Comment ça s’est passé, avec Mon Mothma ?— Aussi bien que tu l’avais prévu, soupira Leia. Il lui adressa un regard désolé avant de disparaître sans un mot de plus. C’était l’un des côtés qu’elle aimait le plus, chez lui : malgré son côté hâbleur, il savait se montrer plein de retenue quand il sentait que c’était ce dont elle avait besoin. Elle prit place dans le siège le plus proche d’elle. L’assise était confortable et lui rappelait les moments douillets qu’elle y avait passé avec Han… Elle s’y serait volontiers affalée, mais ce n’était pas le moment. — Alors, Mara, quel est le message que vous souhaitiez me faire passer ?— C’est mon patron, en fait, qui souhaitait contacter la Nouvelle République… Mais pas officiellement. — Je vois, lâcha Leia. Elle se demanda avec une pointe d’appréhension dans quel genre de bourbier elle venait de s’embarquer. — Talon Karrde est un contrebandier, n’est-ce pas ? — À la base, oui… Il préfère être qualifié d’homme d’affaires. La contrebande fait partie de ses domaines d’action, mais il a beaucoup d’autres activités légales : la collecte d’informations, l’acquisition de pièces de collection… et le transport de marchandises. — Et des activités moins légales, sans doute… commenta Leia en glissant en regard à Luke. Sa passivité la surprenait. Avait-il si vite oublié que Karrde l’avait retenu prisonnier ? — Quand une occasion se présente. C’est un homme pragmatique. Et prudent. C’est la raison pour laquelle il a évacué Myrkr, quand j’ai contrevenu aux termes de mon contrat avec Thrawn… Il fallut un instant à Leia pour se souvenir que le Grand Amiral avait tenté de faire de Mara Jade son agent personnel auprès du Jedi fou Joruus C’baoth sur Jomark… Sachant qu’elle avait joué un rôle-clé dans la destruction du même C’baoth sur Wayland, « contrevenir aux termes du contrat » n’était qu’un euphémisme. — Karrde a relocalisé ses opérations sur Rishi, poursuivit la jeune femme. Le mois dernier, il a décroché un contrat de fret avec les chantiers de Sluis Van. Les tarifs étaient suffisamment élevés pour l’intéresser.— Nous avons dû les relever pour trouver de nouveaux prestataires après l’attaque du Grand Amiral Thrawn. — Karrde est l’un d’eux. Seulement, la semaine dernière, on lui a signalé que les chargements livrés par ses vaisseaux arrivaient souvent incomplets. Il a mené son enquête et découvert que trois de ses capitaines avaient passé un marché avec un homme peu recommandable : un voleur de vaisseaux du nom de Niles Ferrier. — Ce nom ne me dit rien. — Ce n’est qu’un petit escroc, avec un équipage réduit. Un type sans scrupules qui n’hésite pas à travailler avec les Seigneurs de Guerre impériaux… Si ça paye bien. — Je vois où vous voulez en venir. Qui est le commanditaire ? — C’est bien là le problème. En menant ses investigations, Karrde s’est rendu compte qu’il n’était pas le seul à se faire dérober des marchandises. Plusieurs autres opérateurs ont le même problème et ont diligenté des enquêtes en interne… En recoupant les informations, il a découvert que les chargements partaient vers des mondes-forteresses du Noyau Profond : Hakassi, Kalist VI ou Kampe. Leia comprit aussitôt où Mara voulait en venir. — D’après nos données, ces mondes appartenaient à des Seigneurs de Guerre différents… Les frères Teradoc, Blitzer Harrsk et Sander Delvardus. Des rivaux. Mais ils n’auraient pas adopté la même tactique s’ils ne travaillaient pas ensemble. — Exactement. Elle jeta un coup d’œil à Luke. — Qu’en penses-tu ? — Il se passe quelque chose dans le Noyau Profond. Quelque chose que nous ne comprenons pas. Son visage se durcit. — Je perçois depuis des mois que l’obscurité se renforce… Je pensais que ce sentiment était lié aux agissements de C’baoth. Mais il est mort, et rien n’a changé. — Tu ne crois pas que cela peut être lié au renforcement de l’Empire, à travers cette… « Fédération Impériale » ? — C’est une hypothèse, admit-il. Mais elle ne me convint pas. Mara et moi avons travaillé avec les utilisateurs de la Force missionnés par Poldrei. Ils ne sont pas du Côté Obscur. Ils suivent plutôt une philosophie proche de celle des Jedi… — Mais il y a d’autres menaces qui subsistent, ajouta Mara. Thrawn m’a dit que l’Empereur avait d’autres Mains… Et je sens qu’il disait la vérité. — Donc d’autres utilisateurs de la Force, formés par Palpatine, déduisit Leia. L’un d’eux aurait pu unifier les Seigneurs de Guerre ? — C’est possible, admit Mara. Difficile mais possible. Et il y a les Inquisiteurs… Certains, comme Antinnis Tremayne, ont été entraînés par Vador en personne. Ils représentent tous une menace pour votre Nouvelle République. Leia ne pouvait qu’approuver. Elle se tourna à nouveau vers son frère. — Tu comptes agir ? — Oui, répondit-il avec fermeté. Je vais partir dans le Noyau Profond, et Mara va m’accompagner. Elle connaît les codes impériaux, et a quelques repères dans cette région. Nous nous infiltrerons derrière leurs lignes en suivant les itinéraires des contrebandiers. Avec un peu de chance, nous découvrirons ce qui se prépare. — Quel est votre intérêt dans cette affaire ? demanda aussitôt la Conseillère à l’ex-Main. Vous ne travaillez pas pour la Nouvelle République… — Karrde a horreur d’être floué, répondit-elle. Il veut lui aussi des informations, ainsi qu’un moyen de faire payer Niles Ferrier. Et je suis son employée… Même sans ses sens Jedi, Leia aurait perçu que cette réponse manquait de franchise. Mara voulait peut-être passer pour une simple exécutante sans états d’âme, mais elle était bien plus que cela.— Tu es sûr de toi ? insista-t-elle vis-à-vis de son frère. Vous serez en territoire hostile, sans moyen de nous contacter…— Je sens que c’est ce que je dois faire. À nouveau, il affichait toute l’assurance des Jedi, si bien que Leia se sentit céder. — Très bien… Dans ce cas, que la Force soit avec toi. Il sourit à cette remarque et glissa un regard à Mara. — Elle le sera. Il y avait dans ses yeux bleus une étrange lueur, et Leia eut envie de le prendre à part pour lui poser une dernière question ; mais avant qu’elle ne le fasse, Han fit à nouveau son entrée, un plateau dans les bras. — Les rafraîchissements sont servis !“Plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez loin dans le futur.” – Winston Churchill