C’était en 2012, elle avait 19 ans. « J’ai fait une amnésie traumatique quand je suis sortie de chez lui », raconte Alice sur Twitter. Depuis quelques semaines, les témoignages affluent sur les réseaux sociaux pour dénoncer violences et agressions sexuelles dans les coulisses du monde du théatre.
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« Je débutais. J’y connaissais rien. J’avais envie d’apprendre. Ce metteur en scène s’est servi de mon inexpérience pour me faire miroiter un bel avenir pro, des rencontres exceptionnelles, pour m’attirer dans son lit et devenir odieux. Ça doit cesser », témoigne également cette comédienne.
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Sophia Antoine, comédienne depuis une vingtaine d’années, elle aussi a décidé de témoigner sur Twitter. « Mon parcours est jalonné d’agressions sexuelles, de remarques sexistes », affirme-t-elle.
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#MeTooTheatre, la fin de l’omerta
« On reçoit par mail ou sur les réseaux des centaines de témoignages, qu’on prend avec beaucoup de soin et de précautions. On n’est pas là pour lancer une chasse aux sorcières, l’objectif est qu’on se rende compte de manière quantitative de l’ampleur du phénomène et qu’on réagisse. », confie Agathe Charnet, cofondatrice du collectif MeToo Théâtre sur France Info lors du rassemblement organisé samedi 16 octobre place du Palais Royal, près de la Comédie Française et non loin du ministère de la Culture à Paris.
Ce soir, je n’ai pas les mots pour parler du #metootheatre et encore moins pour remercier toutes les personnes du collectif, celles qui ont témoigné et enfin celles qui me soutiennent. On se retrouve bientôt pour d’autres action. On le changera ce milieu théâtral. C’est promis.
Plus de 200 femmes, autrices, comédiennes, scénaristes étaient présentes. Sur leurs pancartes, on pouvait lire « Il m’a violée, vous l’applaudissez », « Violeur connu, violeur quand même », « Agresseurs, hors de nos théâtres », ou encore « Notre colère n’est pas une comédie « . Sur un camion-estrade, lectures et témoignages se sont succédés.
#METOOTHEATRE Mon professeur de théâtre : « Et bah voilà Sarah ! Qd tu te tiens droite on voit que tu as de beaux seins ! »Mon directeur de recherche en arts du spectacle : « Sarah ? 24 ans et enceinte ? ! Tu sors à peine de l’école et ta carrière est déjà. terminée »
« On demande une enquête au niveau national pour que des chiffres soient posés. Parce que les chiffres et les statistiques, c’est indiscutable. Et pour qu’on mesure également l’ampleur de ce phénomène dont on est témoins tous les jours dans nos milieux », explique une membre du collectif, qui réclame également « un système de parité au sein des programmations, au sein des institutions pour que le rapport de force puisse changer ».
« Violée pendant le premier confinement »
Le 7 octobre dernier, Marie Coquille-Chambel poste un message sur son compte twitter : « J’ai été violée par un comédien de la Comédie Française pendant le premier confinement, pendant que je faisais un malaise. Il est toujours membre de la Comédie Française, même si la direction est au courant d’une plainte déposée ». qui anime une chaine youtube sur le théatre, enflamme très vite les réseaux sociaux. En moins de vingt-quatre heures, plus de 6 000 témoignages déferlent. « J’invite toutes les personnes harcelées sexuellement, agressées ou violées dans le milieu théâtral à témoigner avec le hashtag #MeTooTheatre », poursuit-elle dans un deuxième tweet, lui-aussi largement partagé.
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En juin 2020, la youtubeuse avait déjà secoué le milieu du théatre lorsqu’elle avait porté plainte. Elle avait déclaré avoir été frappée à trois reprises et menacée de mort par un acteur de la Comédie-Française. Le comédien, qui était son ancien petit ami, a été finalement condamné en juin 2021 à six mois d’emprisonnement avec sursis pour ces menaces de mort. On ignore si cette affaire est liée au témoignage posté par la jeune femme. « Je crois que l’omerta n’est plus possible dans le théâtre et je refuse qu’une autre puisse subir de telles violences », a-t-elle encore indiqué sur son fil twitter.
Tribune, scandales et démissions
Depuis le déclenchement du mouvement #MeToo, en 2017, plusieurs scandales ont secoué le milieu du théâtre français. Au printemps, des dizaines de personnes avaient manifesté devant les locaux du Cours Florent à Paris pour dénoncer le « silence » de la prestigieuse école privée de théâtre face à des abus présumés de certains de ses professeurs, affirmations contestées par l’institution. Sous la pression publique et d’une grève du personnel appelant à sa démission, le directeur du théatre des quartiers d’Ivry a quitté son poste, éclaboussé par une affaire de viol présumé. Une enquête préliminaire pour viol a été ouverte contre le metteur en scène, Michel Didym, ex-directeur du théâtre de la Manufacture de Nancy. Prévu en novembre à Lyon, son nouveau spectacle est pour l’instant reporté. Dans un courrier de plusieurs pages adressé à la justice, que le journal Libération s’est procuré, une jeune femme, Alice, l’accuse de l’avoir violée en 2012.
la ministre a répondu sur France Inter : « Je n’ai pas à intervenir dans la gestion de La Colline. Je regrette que Bertrand Cantat ait été invité néanmoins ». La ministre a aussi fait valoir « la liberté de la création » et a souligné que le patron de la Colline, Wajdi Mouawad, ne pouvait « pas être accusé de la moindre complaisance en ce qui concerne la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ». Le spectacle Mère sera joué du 19 novembre au 30 décembre à Paris.
Les membres du collectif #MeTooTheatre ont lancé un compte Instagram pour recueillir d’autres témoignages. Avant que ne résonnent les trois coups, de nouvelles actions sont prévues, pour que le rideau ne retombe pas sur des violences sexuelles trop longtemps tues dans ce milieu.