L’Europe avance sur la régulation du monde numérique


Bruxelles veut agir en amont. La Commission a donc listé une série d’obligations et d’interdictions pour les plates-formes dites systémiques, c’est-à-dire celles qui, depuis trois ans au moins, ont été présentes dans trois Etats membres, et dégagé un chiffre d’affaires en Europe supérieur à 6,5 milliards d’euros ou affiché une capitalisation boursière de plus de 65 milliards d’euros. Entre autres, il leur sera interdit d’utiliser les données de leurs clients pour leur faire de la concurrence, comme Amazon est, par exemple, accusé de le faire avec des revendeurs de sa plate-forme. Elles devront aussi permettre aux PME qu’elles hébergent de migrer vers des services concurrents et d’accéder aux données de leurs propres clients. Elles n’auront pas non plus le droit de donner la priorité à leurs propres services dans leur moteur de recherche, comme Google, qui met plus en avant les résultats de Google Shopping.

L’Europe avance sur la régulation du monde numérique

Question des seuils

Vidéo : L’entreprise défenseur du bien commun et de l’intérêt général : un leurre (Dailymotion)

Il y aura néanmoins quelques discussions entre les Vingt-Sept et le Parlement européen sur la question des seuils qui permettent de définir ce qu’est une plate-forme systémique. Les eurodéputés ont, en effet, revu à la hausse les critères de chiffre d’affaires (8 milliards) et de capitalisation boursière (80 milliards), ce qui limite le champ d’application du DMA aux GAFA. « Il ne faut pas tomber dans l’antiaméricanisme primaire », remarque l’eurodéputée Renew Europe, Stéphanie Yon-Courtin. Plusieurs Etats-membres, à commencer par Berlin, ont aussi toujours eu à cœur d’éviter cet écueil, alors que l’heure est à la reconstruction de la relation transatlantique après les années Trump. Thierry Breton  : « Dans bien des cas, l’espace numérique est une zone de non-droit » « Le DMA ne va pas assez loin », juge Stéphanie Yon-Courtin, qui regrette notamment que le sujet des acquisitions prédatrices – que peuvent faire les géants de la Silicon Valley pour tuer la concurrence dans un secteur en devenir – en soit absent. L’élue insiste aussi sur la nécessité de « préciser la gouvernance » qui accompagnera sa mise en œuvre. Le second texte qui doit rendre l’Europe plus souveraine dans le monde numérique donnera sans doute plus de fil à retordre à la PFUE. Il s’agit du Digital Services Act (DSA) dont l’objectif est de réguler les contenus sur la toile. « Ce qui est interdit dans le monde réel l’est aussi dans le monde virtuel », martèle le commissaire au marché intérieur, Thierry Breton, citant les attaques racistes, les contenus terroristes, la pédopornographie ou la vente de contrefaçons. Le Conseil a déjà adopté sa position, le compromis du Parlement européen doit encore faire l’objet d’un vote le 17 janvier.

Principe d’« hébergeur passif »

les eurodéputés prévoient que les PME puissent être exonérées de ces obligations, au motif qu’elles seraient trop lourdes à mettre en œuvre et pénaliseraient ces entreprises. A n’en pas douter, ce sujet sera l’un des ponts durs des négociations entre les deux institutions. La France sera partagée entre son désir d’aller vite et son souhait de durcir le texte. Car pour l’heure, Paris a dû revoir à la baisse ses ambitions sur tout ce qui est contenus illégaux, délais de retrait, ou encore lutte contre la contrefaçon.