"La tyrannie de la reproduction" : le professeur René Frydman appelle à une réflexion sur l’évolution de la procr�...


je sais à quel point il est merveilleux de voir une femme qui l’a souhaité mettre un enfant au monde Nous sommes en train d’oublier qu’avoir un enfant n’est qu’une possibilitéBien entendu. Sait-on encore que les grossesses naturelles au-delà de l’âge de 50 ans sont rarissimes, alors qu’on nous donne à contempler des stars dans la cinquantaine, resplendissantes, exposant leur gros ventre ou leur nourrisson devant les objectifs ? Elles ont évidemment eu recours à un don d’ovocyte, mais on parle peu ou pas de ce qu’impliquerait pour la société la généralisation de ces pratiques pour procréer à un âge toujours plus avancé. L’illusion est parfaite. Le grand public retient de ces histoires « merveilleuses » que, désormais, tout peut être envisagé. D’ailleurs, de nouveaux carnets roses font le buzz : à 63 ans, l’Italienne Rosanna Della Corte a mis au monde un petit garçon et Mangayamma Yaramati, une Indienne de 74 ans, est devenue l’heureuse maman de jumelles. Un record battu par la dénommée Prabha Devi, 75 ans, qui a donné la vie à un enfant de deux kilos après six mois de grossesse, l’heureux papa étant âgé de 80 ans. Lors d’un congrès en Inde, j’ai écouté, stupéfait, le témoignage d’un homme d’âge mûr, célibataire, qui avait fait appel avec succès à deux mères porteuses en même temps pour être sûr d’être père. Son mobile : faire plaisir à sa vieille maman, qui souhaitait être grand-mère. Aux États-Unis, une certaine Nadya Suleman, qui était déjà maman de six enfants, a trouvé un médecin pour se faire transférer huit embryons issus d’une fécondation in vitro (NDLR : l’éthique recommande pourtant de n’en transférer qu’un ou deux). Après la naissance de ses octuplés, cette « super maman », a été surnommée « Octomom ».

« Toutes ces histoires « extraordinaires » renforcent une confusion entre le désir d’enfant est un prétendu droit impérieux à la parentalité dont on pourrait jouir à n’importe quel moment de la vie. »

mort à 27 ans d’un cancer la « fenêtre de tir » se réduit Les médecins se retrouvent donc de plus en plus souvent devant des femmes en « âge limite » d’un point de vue de la fertilité La difficulté de devenir parent et de conjuguer cela avec une vie professionnelle est un enjeu crucial possibilités de garde etc Il faut aussi accroître la prévention pour préserver la fertilité du stress, plutôt que donner le sentiment qu’aujourd’hui les médecins auront toujours, in fine, une solution à proposer.

« Il y aura un jour aussi des demandes d’enfants clonés, modifiés, augmentés, conçus et développés ex utero… »

Exactement, et ces demandes sociétales s’étendent toujours plus à des sous-groupes qui étaient jusqu’alors exclus de tout projet d’enfant (femmes âgées, femmes seules, femmes nées sans utérus, couples de même sexe…). Il est évident que cette tendance va se poursuivre : il y aura un jour aussi des demandes d’enfants clonés, modifiés, augmentés, conçus et développés ex utero… Doit-on s’opposer à toutes les évolutions en cours ? Je ne le crois pas. Mais en même temps, il faut réfléchir aux limites. C’est possible, j’en veux pour preuve l’interdiction du clonage reproductif dans la plupart des pays. Je plaide pour une grande vigilance et une analyse éthique au cas par cas.Al Pacino et Robert De Niro : Vieux jeunes pères et enfants de vieuxDans une société fascinée par l’avalanche permanente de progrès technologiques, qui demeure perméable à cette vision cartésienne du « génie humain » qui pourra toujours mieux maîtriser la nature, alors que l’idéologie du transhumanisme, de « l’homme augmenté » imprègne des esprits toujours plus nombreux, ne craignez- vous pas de ramer à contre-courant ?Sans doute est-ce une gageure à notre époque de s’écarter de la pensée ambiante, mais peu m’importe. Maintenant, je n’envisage pas de rejoindre prochainement une communauté amish, mon propos ne s’oppose pas au progrès : innover, découvrir, tester, c’est le propre de la médecine. Il serait audacieux de ma part de dire le contraire alors que, pendant quarante ans, je me suis investi dans la technique de la PMA et ses ramifications ou encore dans la greffe d’utérus. Cependant, je crois qu’il faut réfléchir aux risques de dérives qui peuvent s’avérer délétères pour des personnes. C’est ce qu’on a fait en France en interdisant la GPA, c’est-à-dire la possibilité pour des personnes qui en ont les moyens financiers de disposer contractuellement de l’utérus d’une « mère porteuse », évidemment « sélectionnée » pour ses qualités physiques et autres, étroitement « encadrée » afin qu’elle respecte un cahier des charges en termes d’hygiène de vie, et enfin rétribuée afin qu’elle accepte de couver un embryon conçu in vitro qu’elle abandonnera à la naissance. Ainsi, on a fini par comprendre qu’il s’agissait d’une forme d’esclavage moderne qui servait le prétendu « droit » à la parentalité de personnes nanties et les intérêts d’une série d’intermédiaires. L’actualité a d’ailleurs encore dévoilé la face sombre de ce commerce. En Ukraine, un pays où la GPA n’est pas interdite, les enfants nés de mères porteuses n’ont pu, à cause de la guerre déclenchée par l’invasion russe, être confiés à leurs futurs parents adoptifs, des commanditaires originaires de tous les pays, le plus souvent de Chine. Mais comme on craignait que les couveuses s’attachent aux enfants, une démarche affective que leur contrat leur interdit formellement, les nourrissons ont été placés dans des pouponnières en attendant des jours meilleurs. Peu importe les besoins affectifs de ces bébés, le client est roi.

« Des chaînes de cliniques proposent des greffes utérines dans des pays tels que l’Inde, la Malaisie ou la Tunisie, sans indication de l’origine de l’organe greffé ou des conditions de prélèvement »

pour leur faire porter un enfant une seule est retenue avertit une experteLà encore Déjà Avec la peau du scrotum qui enveloppe les bourses, on peut leur créer une cavité (vaginoplastie). Avec le gland du pénis, on crée un clitoris et avec le fourreau de la verge, on reconstitue des grandes et petites lèvres. Cela autorise des rapports sexuels, mais pas encore la possibilité d’être enceinte. L’étape suivante pourrait être le don d’ovocyte et la greffe d’un utérus. Cela fera débat.Bientôt l’homme enceint ?L’idée fait son chemin. Avec l’aide d’une hormone spécifique, certains envisagent de créer les conditions favorables à une grossesse extra-utérine (un embryon déposé dans la cavité abdominale). On connaît pourtant la gravité, voire la mortalité d’une grossesse de ce type lorsqu’elle survient malencontreusement chez la femme. Mais c’est l’air du temps : en février 2022, Apple a lancé l’émoji de l’homme enceint.En février 2022, Apple a lancé l’émoji

Cela fait encore partie du domaine de la science-fiction Cette ectogenèse totale nous ferait plonger de plain-pied dans une variante du « meilleur des mondes » d’Aldous Huxley En fin d’exposé Gardera-t-il un lien avec la machine nourricière, en ressentira-t-il le manque ?

« Il faut donc construire collectivement des balises. Que voulons-nous, que ne voulons- nous pas ? »

mais bien de soi alors, pour que la science ne nous prenne pas de vitesse ?Oui, menons une réflexion collective, à charge pour les spécialistes de vulgariser les tenants et aboutissants des nouvelles connaissances. Mon maître, le professeur Jean Bernard, qui fut un grand humaniste et un résistant au temps de la barbarie nazie, exprimait que « le désir de connaissances de l’homme ne peut être arrêté, seule l’application des découvertes peut être maîtrisée ». Il ne faut donc pas empêcher le progrès mais mieux l’encadrer, avec beaucoup de vigilance, dans une veille permanente, alors que les connaissances progressent désormais de manière exponentielle.