Depuis les inondations de ces derniers jours, les plaintes de locataires des logements sociaux affluent auprès des associations d’aide au logement. Une situation qu’elles déplorent mais qui ne les étonne en rien.
Dans l’appartement de Nelcia a Sainte-Marie, une flaque d’eau et de boue stagne depuis trois jours. Vers minuit mercredi soir, alors que de fortes pluies ravageaient l’île et particulièrement l’Est, elle a dû se réfugier chez des proches après que de l’eau se soit infiltrée par la porte et le mur de la chambre de sa fille. « Mes enfants ont 3 mois et 5 ans, on a dû venir me chercher parce que je ne suis pas véhiculée. » Seule famille sinistrée de sa résidence de la Semader, des centaines de ménages déploreraient des dégâts après les intempéries des derniers jours. Jean-Yves Sinimalé, président de la DAL (Association de Droit au Logement), dit avoir reçu personnellement une soixantaine de plaintes, et quant au CNL (Confédération Nationale du Logement), entre l’agence du Nord et de l’Est, on peut en compter plus de cent… et elles continuent d’arriver.
Malfaçons et manque de zones perméables
Pour l’administrateur de la CNL, les causes principales sont les défauts de construction que présentent les immeubles sociaux. Selon lui, bien que les remarques ne datent pas d’hier, les bailleurs auraient du mal à se remettre en question : « Lorsque je fais remonter un suivi, les bailleurs me disent que j’attaque leur personnel pour fuir leur responsabilité. Si c’est un défaut de matériaux, alors à eux de crier au scandale. Mais personne ne le fait, à croire que tout le monde est satisfait dans cette histoire. »
Erick Fontaine déplore également un manque de zones perméables aux abords des logements mais également dans la ville : « Sur un petit territoire comme Sainte-Marie par exemple, la concentration d’immeubles est trop importante et on n’a pas prévu de zone perméable où l’eau puisse être absorbée. Du coup, elle remonte. » Si les bailleurs sont en charge des gouttières et des buses des parkings sous-terrain, c’est à la mairie que revient la charge de celles présentes sur les voiries où l’eau stagnait aussi ces derniers jours. Une dangereuse combinaison qui pourrait être évitée si l’entretien des canalisations était fait correctement : « Un entretien régulier ce n’est pas tous les deux ans. Il faudrait que lors des épisodes de fortes pluies, les bailleurs sociaux prévoient une équipe d’astreinte pour la sécurité des locataires. »
L’eau qui provient des gouttières de l’ensemble du bâtiment est entrée par la porte et le mur de la chambre de la fille de Nelcia.V.)
Une sitation qui va de mal en pis
Le dernier recensement de la CNL rapporte qu’aujourd’hui 91 % de logements de moins de 10 ans présentent des doléances (majoritairement situés sur le territoire nord-est). Les logements touchés n’ont parfois pas trois mois avant que les habitants y découvrent des défauts ou connaissent des dégâts. À ce sujet, une étude a été demandée au Préfet, mais pas de nouvelle pour le moment : « On en découvre tous les jours. Je ne peux pas entendre qu’ils doivent faire vite face à la demande. Peu m’importent les moyens, leur obligation est de livrer un logement sans problème », déclare M. Fontaine.
Lorsque Nelcia a téléphoné à la Semader pour être relogée, on lui a répondu qu’elle n’avait pas de place. Aujourd’hui il y a 80 000 logements sociaux sur l’île, et toujours plus de personnes à loger. Si les bailleurs ne changent pas leur façon de faire, ce sera autant de personnes à reloger. « On ne construit pas un logement pour faire joli, dit Jean-Yves Sinimalé, faire un logement au Port et à Saint-André ce n’est pas les mêmes enjeux : on ne fait pas un sous-sol dans l’Est. » Alors que la saison cyclonique n’est pas terminée, M. Fontaine s’inquiète quant à lui des phénomènes météorologiques qui vont s’intensifier à cause du dérèglement climatique : « On dirait que les gens ont la mémoire courte et ont oublié Hyacinthe. Cela fait longtemps que nous n’avons pas connu d’épisode cyclonique long, mais dans ces conditions nous ne serions pas prêts. »