L’opposition, le mauvais rôle de la politique française


« Nous allons nous battre comme des chiens » : le ton de la rentrée parlementaire est donné dès le 19 septembre par Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste et député de Seine-et-Marne. La nouvelle session parlementaire, qui s’ouvrira le 3 octobre, présente en effet un agenda chargé, annonciateur de débats houleux : projet de loi sur l’assurance-chômage, vote du budget, projet de loi de financement de la Sécurité sociale, discussions sur l’avenir des retraites et le développement des énergies renouvelables… Faute de majorité absolue pour le camp présidentiel, celui-ci se verra contraint de composer avec les différents groupes minoritaires – pour certains très remontés. Une situation unanimement considérée comme aussi inhabituelle que difficile : depuis plus de vingt ans, c’est-à-dire depuis l’instauration du quinquennat (2000) et l’inversion du calendrier électoral (2002), les élections législatives servaient, de manière à peine voilée, à donner au nouveau chef de l’Etat une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Le nombre de sièges obtenus par la majorité présidentielle en juin a donc été interprété comme un « désaveu » des électeurs, un « camouflet », voire une « gifle » à Emmanuel Macron, nouvellement réélu président. Mais pas seulement : certains analystes y ont aussi volontiers lu l’expression du désir des électeurs de ne pas donner toute latitude au chef de l’Etat. En choisissant d’octroyer aux oppositions de gauche, de droite et d’extrême droite une solide représentation au Parlement, ceux-ci leur auraient concédé la mission et la possibilité de contrôler, de limiter, voire d’empêcher l’action du gouvernement et de son camp parlementaire. Quelles qu’aient été les intentions réelles de cette entité hétérogène que sont « les électeurs », le renversement opéré est intéressant : les « perdants » des élections législatives du mois de juin se seraient ainsi vu confier un mandat d’une nature bien particulière. L’attribution d’un rôle spécifique à l’opposition parlementaire, entendue comme les forces politiques opposées au gouvernement et siégeant à l’Assemblée, ne va pourtant pas de soi dans le cadre des institutions françaises. D’abord parce que, si elle est une réalité politique ancienne, l’opposition n’est officiellement reconnue comme un acteur institutionnel à part entière que depuis la révision constitutionnelle de 2008 ; ensuite parce que cette longue absence de statut est le reflet d’une absence de réflexion sur la nature, les droits et le rôle des minorités opposantes plus longue encore. Il vous reste 88.78% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.