XAVIER LISSILLOUR Je viens d’une famille où les enfants sont choyés. J’ai toujours été proche de mes parents, et en particulier de ma mère, qui s’est arrêtée de travailler à la naissance de mon premier frère. Elle était femme de ménage dans un hôpital, mais les conditions sont devenues de plus en plus compliquées, et mon père, cheminot, travaillait beaucoup. Ensemble, on jouait aux jeux vidéo – ou plutôt je la regardais jouer. Quand j’étais au lycée, je la collais un peu. Les week-ends et les mercredis, lorsqu’elle rendait visite à la marraine de mon frère, je me joignais à elle et elle se moquait gentiment de moi. Elle me surnommait « le sac à dos ». La relation avec mon père était plus distante, parce qu’il était colérique et moi aussi, mais nous avions quand même de bons rapports. J’adhérais aux valeurs de mes parents. Je n’ai pas souvenir de discorde fondamentale. J’avais avec eux des discussions franches, parfois des disputes, mais elles n’altéraient pas notre lien. Les choses ont commencé à changer lorsque leur couple s’est délité. J’étais en terminale, je voyais bien qu’ils n’étaient pas heureux. Ma mère a eu envie de retourner travailler. Elle a trouvé un emploi comme vendeuse dans lequel elle s’est très vite épanouie. Ils ont fini par se séparer et vendre la maison. « Je ne savais pas qu’on pouvait “casser” avec sa meilleure amie »
Coming out
De mon côté, j’étais très impliqué au lycée, j’adorais les maths, ce qui satisfaisait mes parents : ils ont toujours voulu qu’on fasse des études. Ils me voyaient déjà médecin ! Après le bac, j’ai fait une prépa, et j’ai été admis dans une école d’ingénieurs à Paris. C’est cet été-là que j’ai fait mon coming out, d’abord auprès de ma mère. Elle l’a plutôt bien pris, même si je pense qu’elle a eu peur de ne pas avoir de petits-enfants. C’est une femme très maternelle. A partir du moment où j’ai quitté ma ville pour Paris, je me suis moins confié à elle, parce que je rentrais peu souvent et parce que des tensions émergeaient entre nous. Je me souviens d’une conversation où elle m’a confié qu’elle n’avait pas eu une vie heureuse. Je lui ai dit en retour que, moi aussi, je me suis senti malheureux à certains moments de mon enfance. Elle l’a très mal pris. Elle s’est braquée, comme si je l’accusais, alors que ce n’était pas le cas. Elle me trouvait ingrat. J’ai reçu des messages de ma famille pour me demander d’être gentil avec elle, de ne pas la faire souffrir.
« Pour la première fois, j’ai eu l’impression d’être entouré de gens qui n’avaient pas la même appréhension du monde que moi »
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