la mairie piétonnise le quartier des Chartrons, après des concertations avec les riverains


À partir du 15 novembre, le quartier des Chartrons ne sera accessible en véhicule motorisé que pour les résidents, les livreurs et les commerçants.Le «Marais bordelais» va-t-il perdre son âme ? Les habitants des Chartrons seront bientôt les seuls à pouvoir traverser ce quartier prisé en voiture. Le 15 novembre, dix bornes automatiques seront activées sur les cours Xavier Arnozan, Portal, de Verdun et de la Martinique, ainsi que le long des quais des Chartrons. Une nouvelle étape de la «reconquête de l’espace urbain» voulue par la municipalité écologiste. Un projet d’envergure, mais qui ne convainc pas encore les riverains et les commerçants.Plus de 18 hectares sont concernés par ce nouvel aménagement, s’ajoutant aux 40 hectares déjà piétonnisés dans le centre-ville de Bordeaux. Cet agrandissement des zones réservées aux mobilités douces vient «répondre aux attentes de l’ensemble des riverains», précise Pierre Hurmic, le maire de Bordeaux. Avec la mise en place de ces bornes automatiques, «les Bordelais pourront se promener en toute sécurité», se réjouit l’édile, qui précise que «ce n’est pas une lubie», mais un aménagement qui «s’inscrit dans l’air du temps».À VOIR AUSSI – Vincent Trémolet de Villers: «L’écologie urbaine est fondée sur des termes affreux»À lire aussiExtinction de l’éclairage public : Bordeaux met en œuvre son plan de sobriété énergétiquePour Anne, habitante de longue date des Chartrons, cette piétonnisation n’est toutefois pas vue d’un aussi bon œil. «Cela fait perdre un peu plus l’âme du quartier, qui s’est vraiment trop boboïsé», déplore-t-elle. Cette riveraine redoute que l’accès limité aux véhicules fasse «fuir les derniers brocanteurs et artisans qui vendent leurs pas-de-porte à prix d’or à des concept stores». Elle craint également d’être la cible de «comportements désagréables et stigmatisants» lorsqu’elle sera amenée à prendre sa voiture.

Un «statu quo» entre les antiquaires et la mairie

«Beaucoup de riverains ont peur qu’on perde l’identité du quartier, qui est assez magique», affirme Raphaël Pipat, antiquaire de la rue Notre-Dame. Cette artère emblématique, au cœur du nouveau quartier piéton, comporte de nombreux antiquaires, inquiets pour leur avenir. «Je trouve que tout a été mis en place trop vite», déplore Raphaël Pipat. «Même s’ils vont nous donner des horaires aménagés et un accès privilégié, ça va vraiment nous compliquer la vie.» Pour ce marchand, «les commerçants n’ont pas été assez consultés».Pourtant, après plusieurs réunions avec Bernard Blanc, le maire de quartier, un compromis a été mis en place pour leur permettre de continuer à pratiquer leur métier dans de bonnes conditions. Vincent Onchalo, lui aussi antiquaire, admet qu’un «statu quo» a été trouvé avec la mairie. La piétonnisation est maintenue mais l’accès pour les antiquaires est élargi, «dans des conditions meilleures que celles prévues à l’origine», avec notamment un accès par digicode.Bernard Blanc précise avoir voulu «répondre aux attentes de l’ensemble des riverains». L’activation des bornes, prévue début novembre, a d’ailleurs été décalée de deux semaines pour laisser aux habitants du quartier «le temps de se préparer», et de s’inscrire sur le site de la ville pour bénéficier de leur accès permanent au quartier. Pour les riverains, «zéro changement» à prévoir à partir de novembre, notamment grâce à un système de lecture automatique des plaques d’immatriculation.À lire aussiL’aéroport de Bordeaux-Mérignac cherche à se réinventerPierre Hurmic rappelle en outre qu’il n’est «pas question d’interdire les activités économiques dans les quartiers piétons», mais au contraire «de les favoriser». Mettant en avant le lien entre marche à pied et sérendipité (le fait de découvrir ce qu’on ne cherche pas), l’élu écologiste présage que la marche et le vélo permettront aux Bordelais et aux touristes de mieux découvrir la ville.La place du marché des Chartrons doit elle aussi faire l’objet d’un aménagement. Une concertation publique est en cours. C’est le seul endroit du quartier où des places de stationnement pourraient être supprimées, afin de donner plus de place aux mobilités douces et à de la végétalisation. À deux pas de la halle des Chartrons, Thierry Brit, patron du bar Notre Dame, regarde ces changements avec bonhomie. «J’attends de voir, je critiquerai plus tard», confie-t-il.À VOIR AUSSI – «C’est attristant de voir le nombre de contraintes qui pèsent sur l’usage de l’automobile», déplore Carlos Tavares