Quand la sexualité vole au secours de la santé mentale. Dans une vidéo diffusée sur la chaîne YouTube de Ben Névert en 2023, la créatrice de contenu Marine LB se confiait ainsi sur son rapport au sexe : « Sur le stress et les angoisses, ça m’aide. Quand tu fais une crise d’angoisse, ce n’est pas ce qui te vient à l’esprit [le fait de faire l’amour, N.
D.L.R.
], mais je sais que si je le fais, ça va apaiser mes angoisses. Sur le moment, je n’ai pas du tout envie de faire ça, mais je sais qu’à la fin, ça va m’aider […] Une fois que tu es dedans, ça te libère. » Qu’en est-il de l’onanisme ? Pourquoi certaines femmes se caressent-elles quand elles sont contrariées, tracassées ou nerveuses ? Le fait de se toucher permet-il de calmer l’anxiété et le stress ? À l’occasion du Mois international de la masturbation, célébré chaque année en mai, Nathalie Giraud-Desforges, sexothérapeute et fondatrice du site Piment rose, a répondu à nos questions.
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Régulation du système nerveux et apaisement
« Il y a ce mouvement de soi à soi, qui peut être présent depuis la toute petite enfance, et qui permet de se rassurer », explique l’experte. « Le fait de s’apporter du plaisir en se touchant, crée de l’endorphine et de l’ocytocine, qui contribuent à faire baisser le cortisol (l’hormone du stress). Le fait de se prendre dans les bras et de se caresser a un effet positif puisque cela permet de réguler le système nerveux autonome, pour retrouver de l’apaisement.
Ce sont des conditions qui permettent de s’endormir, un peu comme un doudou, un coussin, ou même le pouce le faisaient pendant l’enfance. En effet, quand on met le pouce à la bouche, qui est elle-même reliée au sexe, l’autre mouvement peut être de se caresser. Il s’agit donc d’une extension de ce système d’auto-relaxation ou d’auto-apaisement, qui peut remonter à très loin.
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L’importance de la respiration lente et profonde
Néanmoins, ce mécanisme qui peut avoir un effet immédiat, est-il bénéfique sur le moyen-long terme ou uniquement sur le court terme ? « Cela dépend du niveau de stress intérieur, souligne Nathalie Giraud-Desforges. Généralement, le stress est lié à une surexposition du mental, qui anticipe ce qui pourrait aller mal. Plus le mental est présent, plus la caresse sur soi et ses effets peuvent être difficiles à venir.
D’où l’intérêt de combiner l’auto-régulation, la masturbation, le self-love, avec une respiration ample et profonde. Le souffle, qui accompagne les mouvements de la main familiers et connus, amènent à entrer dans une sorte d’état de conscience modifié. Plus on ramène des sensations à son corps, plus on vide son esprit.
Plus on y amène de la respiration lente et profonde, plus on y apporte de la détente, et du moment présent. »
Quand l’absence d’orgasme crée de la frustration
Ce n’est donc pas forcément le point culminant qui conduit à l’apaisement, mais le processus. Tout dépend aussi de l’intention que l’on y met : est-ce que l’objectif est d’atteindre l’orgasme, ou simplement de se relâcher ? « Si l’on n’atteint pas l’orgasme alors que c’est le but recherché, cela peut créer de la frustration et faire augmenter le stress, observe la sexothérapeute.
On peut alors déplacer l’objectif vers le chemin et vers la rencontre avec son corps, les sensations qui montent, la chaleur, les pensées érotiques, pour en profiter différemment. » Il peut aussi être intéressant d’utiliser un vibromasseur. En effet, « la vibration amène quelque chose de mécanique, qui va plus vite, et qui vient donner raison au circuit de récompense à celui ou celle qui recherche l’orgasme.
« On a, donc on s’apaise. »
Le stress et l’anxiété, quels impacts sur la libido ?
Dans la mesure où la santé sexuelle est reconnue par l’OMS, « quand la masturbation est acceptée, cela fait partie d’une boîte à outils, pour s’apaiser de façon autonome, sans être dépendant des antidépresseurs ou autres médicaments qui aident à dormir, estime Nathalie Giraud-Desforges. C’est une façon de prendre en main sa santé mentale, qui passe aussi par le corps.
»En revanche, le stress et l’anxiété n’auront pas le même impact sur la libido, selon les personnes. « On a tous un capital d’énergie sexuelle qui est canalisé de différentes façons. La libido, par la voie du corps et de la génitalité, est l’une des façons de canaliser cette énergie, mais il y en a plein d’autres – le fait d’être absorbé par les réseaux sociaux, d’être concentré sur son travail, un câlin… », explique la sexothérapeute.
« Après un traumatisme, par exemple, les situations peuvent être très polarisées, entre les individus qui vont perdre tout désir et connexion avec leur corps (pulsion thanatos, dans la psychanalyse freudienne), et ceux dont l’énergie sera canalisée vers le vivant (eros). » Par ailleurs, « pour celles qui ne se masturbent pas, ce n’est ni une obligation, ni une nécessité, insiste-t-elle. Il y a d’autres moyens de calmer le stress.
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