Méthodes pédagogiques : 2 erreurs à éviter


votre conviction sur ses bienfaits peut vous amener à faire 2 erreurs que je vais vous montrer dans cet article. Quelle est la solution ?  Je vous montrerai une approche en 4 étapes.

Vous comprendrez alors pourquoi les effets positifs escomptés de votre méthode peuvent être fortement réduits, voire devenir néfastes pour certains élèves.

 

Dans un lycée de Picardie,  une enseignante fait un petit exposé devant une vingtaine de ses collègues sur  une  nouvelle méthode pédagogique qu’elle a utilisée dans une classe expérimentale  l’année dernière.  Je suis présent. Et je vois que l’enseignante  croit en sa méthode. Elle est enthousiaste. D’autant que les élèves se déclarent tous satisfaits  : enquête de satisfaction (à main levée) à l’appui.  Les résultats scolaires semblent suivre  : la moyenne de la classe est en augmentation significative. Mais des disparités, parfois prononcées, gâchent un peu le tableau : si certains élèves ont bien progressé d’autres (une minorité certes) ont fait du surplace, voire ont nettement régressé (pour 2 élèves). Cela chagrine un peu notre enseignante.

Que s’est-il passé ? Mystère. Notez bien cela, on y reviendra.

Ce point négatif est vite gommé par l’approbation des collègues enseignants. Tous sont convaincus. La généralisation de l’expérience à d’autres classes semble être une évidence.

»

Ils m’indiquent  profiter d’une pause un peu plus longue que d’habitude : ils attendent que leur enseignante, qui fait sa présentation, reprenne les cours. Ils font partie de cette classe expérimentale. …Intéressant !

Je ne peux me retenir de leur dire qu’ils ont bien de la chance d’avoir une prof aussi passionnée,  qui essaie d’aider ses élèves avec une méthode pédagogique plutôt novatrice.

L’expression peu enthousiaste de leurs visages sème le doute dans mon esprit. Devant la moue dubitative d’un des jeunes, je lance : « J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? »

Il me répond  : « Elle est de bonne volonté, mais sa nouvelle méthode nous embrouille. ».

« On fait comme notre prof le veut, mais au final, on est obligé de reprendre les notes de cours » rajoute un autre. « Moi, je m’en sors grâce aux tutos Youtube », renchérit un troisième. Bizarre. Ces élèves ont l’air sérieux pourtant.  Visiblement, la réalité ne semble pas aussi enthousiasmante.

Est-ce à dire que l’enseignante fait fausse route ? Bien sûr que non.  Sa méthode est tout à fait pertinente. Elle a pris le soin de faire une expérimentation. Sauf que dans sa démarche, elle commet 2 erreurs.

 

Erreur n°1 – La même méthode pour tous  !

 

Sa première erreur est de croire  que si la nouvelle méthode pédagogique fonctionne très bien pour elle-même, cela fonctionnera bien pour tous les élèves de sa classe. Notez le biais cognitif de projection (croire qu’autrui a la même  perception du monde que soi). Ce qui est vrai pour moi l’est aussi pour les autres. 

Or chacun apprend différemment. Sauf si vous êtes enseignant ou formateur dans le supérieur, il est  rare d’avoir une classe homogène, où les élèves ont la même façon d’apprendre.

Que s’est-il passé dans la classe expérimentale de l’enseignante ?

La nouvelle méthode pédagogique fonctionne très bien pour les élèves pour qui elle correspond bien à leur façon d’apprendre c’est-à-dire leur profil d’apprentissage. Ces élèves ne peuvent qu’être satisfaits.  Les résultats scolaires devraient suivre. Et pour les autres élèves ? La nouvelle méthode pédagogique ne changera rien, ne sera d’aucun effet, voire aggravera les difficultés. Je vous promets une explication un peu plus loin.

Mais pourquoi ces élèves en difficulté n’ont-ils rien signalé ?  Très bonne question. Là aussi je vous demande de patienter un peu.

Quand vous souhaitez utiliser une nouvelle méthode pédagogique, 2 étapes sont à suivre  :

 

La première étape est de connaître le profil de sa classe.

 

Vous pouvez vous contenter de prendre en compte les profils de compréhension du type  visuel / auditif / kinesthésique.  

  Cette partie est entièrement gratuite. 

Nota – Pour les élèves en école primaire, c’est plus délicat. J’aborde le sujet en fin d’article.

Pour le fonctionnent du test, je vous renvoie à la page pour l’utilisation qui est très simple  : Pour consulter la section sur le fonctionnement du test

 

Exemple de profil d’une classe ( issu de la classe de démonstration du test )

 

La deuxième étape consiste à se  poser les questions suivantes  :

 

1/ Si la méthode fonctionne bien pour moi  (vous l’avez probablement expérimentée) , quel est mon profil  de compréhension ? Visuel ? Auditif ? Kinesthésique ? La méthode fonctionne bien pour quel(s) type(s) de profil(s) de compréhension  ?

2/ Dès que vos élèves ont fait le test, rendez-vous dans votre panneau de gestion. Observez les résultats. De quels profils (de compréhension) est majoritairement votre classe ? Plutôt visuel, auditif ou kinesthésique ? Constatez-vous de grosses différences  avec vous-même ?  Quel type de profil serait désavantagé ?

Vous rencontrez peut-être des élèves qui auront un profil de compréhension qui ne correspond pas ou peu à votre méthode pédagogique. C’est normal. Aucune méthode pédagogique n’est parfaite.

3/ Interrogez-vous sur les adaptations possibles de la méthode pédagogique choisie chez les élèves dont le profil de compréhension ne correspond pas ou correspond trop peu. Comment pourriez-vous aider ces élèves ?

L’enthousiasme peut vite aveugler. Cette série de questions vous aident à rester dans la réalité et à apporter les améliorations dans votre méthode. 

 

Vidéo sur les profils de compréhensions

Vidéo sur le profil de compréhension de type kinesthésique

 

Erreur n°2  : Personne ne proteste, donc c’est « ok » pour tous les élèves

 

Pourquoi les élèves ne signalent-ils pas leurs difficultés ? Nous y voilà. Cette question met à jour un piège classique : celui de croire que les élèves se manifesteront spontanément en cas de difficulté.  Pourquoi ? Il y a 3 raisons à cela :

 

1 Dans le savoir, l’enseignant est l’autorité, c’est lui qui a raison. L’élève ne viendra jamais contester votre savoir. Vous représentez la vérité. C’est surtout vrai pour les classes de primaires ou de collèges. Attention, cela ne veut pas dire qu’un élève ne testera pas ou ne contestera pas votre autorité en matière de respect de la discipline.

quelle qu’elle soit, si vous dites qu’elle fonctionne bien pour vos élèves c’est la vérité : cette nouvelle méthode pédagogique fonctionne bien. Et si un élève ne se sent pas à l’aise avec cette méthode ? Il pensera que le problème provient de lui.

 

pousse  à penser comme le groupe.

Le phénomène de la preuve sociale peut être si  puissant que les sondages d’opinion  sont interdits une semaine avant une élection  : le but est d’éviter que l’opinion du groupe majoritaire (dans le sondage) n’influence les individus d’opinions contraires. 

En 1958, le psychologue social Herbert C. Kelman a mis en évidence trois causes  :

  1. La complaisance  qui permet de ne pas se faire remarquer, de ne pas avoir de problèmes.
  2. L’identification. La personne veut plaire aux membres du groupe. Alors elle s’identifie à lui pour avoir l’acceptabilité sociale. On parle alors d’influence normative.
  3. L’intériorisation. Quand le groupe (qui constitue une majorité) a une haute crédibilité, l’individu s’auto-convainc pour rallier l’opinion du groupe. Il a alors l’impression (fausse) d’adhérer de son plein gré.

 

3 Le profil d’identité de l’élève. L’élève de profil d’identité de type « aimable » est assez sensible à l’effet de groupe en général. N’attendez pas de lui qu’il vous dise spontanément ses difficultés. Il a un fort besoin d’appartenance, plus que les autres. Il aime avant tout faire plaisir pour se sentir accepté. Il aime les relations harmonieuses. Alors n’attendez pas qu’il aille dans un sens contraire, quitte à se mentir à soi-même.

Ces 2 erreurs que nous venons de voir dans la mise en place de toute méthode pédagogique nouvelle, peuvent parfois amener à des effets désastreux chez certains élèves en situation d’échec et renforcer leurs difficultés. Ce n’est pas chose courante mais cela peut arriver. Pourquoi ?  Ils se disent qu’ils devraient connaître des améliorations de leurs résultats scolaires. Avec l’effet de groupe et l’autorité de l’enseignant ils sont amenés à le croire. Or il n’en est rien. Dur constat. Conclusion logique  : c’est bien la preuve qu’ils sont moins intelligents que les autres. Bien entendu, ce raisonnement est faux. Mais chez ces jeunes, au recul insuffisant, cette logique implacable distille son poison dans l’esprit. C’est d’autant plus puissant que c’est totalement inconscient.

 

Les 4 étapes pour introduire une méthode pédagogique

1/ Quand vous avez une méthode pédagogique ou une pratique pédagogique qui fonctionne bien pour vous ou un groupe, ayez à l’esprit qu’elle ne fonctionne pas forcément pour tous.

2/ Considérez le profil de compréhension de votre classe ; type visuel, type auditif, type kinesthésique. Comment ?  En faisant passer le test (1ère partie gratuite) tout simplement.

3/ Avec les résultats, observez pour quels élèves cela peut poser problème. Vérifiez-le dans la classe durant l’utilisation de votre méthode pédagogique. 

4/ Réfléchissez aux adaptations possibles avec l’aide des élèves concernés.

                                Et vous ?

> Selon vous, pour quel type de profil (visuel, auditif, kinesthésique) convient-elle le mieux ?

Indiquez vos réponses dans un commentaire  (cela me permettra d’y répondre).

 

Le prochain sujet – S’adapter aux profils d’apprentissage de tous ses élèves. Est-ce possible ? Comment faire ?

Nota  : l’utilisation du test en école primaire

Cela essentiellement pour  2 raisons.

Premièrement, les élèves de primaires ne sont pas tous capables de comprendre les questions posées avec toutes leurs subtilités (ce qui permet de dégager un résultat fiable).

Deuxièmement, les classes de primaire n’ont jamais été « testées » dans la construction des 7 profils d’apprentissage. D’où la limite d’âge à 11 ans (collège) même si on peut dire qu’en primaire le profil d’apprentissage de l’enfant est déjà établi.

Ceci dit, rien n’empêche d’utiliser le test si vous êtes maître des écoles. Sachez seulement que les résultats resteront imparfaits. Vous aurez une grille de lecture de la classe qui vous aidera tout de même. Ensuite, affinez ce profil de la classe avec votre observation. Observation facilitée par le fait d’avoir toujours la même classe au cours de l’année scolaire.

  1. Imprimez les 10 questions (en statut collégien) du test en profil de compréhension (partie gratuite).
  2. Distribuez le questionnaire aux élèves.
  3. Expliquez chaque question. Laissez les élèves répondre en cochant leur réponse.
  4. Ramassez les questionnaires pour les remplir dans le test.
  5. Ouvrez un compte pour chaque élève avec une adresse e-mail fictive (il n’y a pas de confirmation).
  6. Reportez les résultats papier de chaque élève dans le test.

Si vous avez beaucoup d’élèves, cela peut être fastidieux. Mais faire cette opération une seule fois dans la scolarité en primaire de l’élève suffit. Le profil d’apprentissage ne change pas. Je suis conscient de choquer en disant cela. Pourtant c’est une réalité que j’expliquerai dans un autre article.

Pour les élèves plus petits CP/ CE1, l’utilisation du test s’avère vraiment compliquée. Seule l’observation permettra de reconnaître le profil des élèves. Le profil de votre classe  sera alors très imparfait. Mais là encore, une grille de lecture approximative qui vous donne un repère vaut bien mieux que rien du tout.

 

Texte :  Jean-François MICHEL – Visitez la chaîne YouTube

( Auteur « Les 7 profils d’apprentissage » Ed.Eyrolles 2005, 2013 )