Par
Frédéric Patard
Publié le
1 août 2024 à 13h30
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Ça commence comme tous les meurtres. Un matin, comme tous les autres matins, quelqu’un frappe à la porte d’une maison. Mais personne ne répond.Alors comme ce n’est pas naturel, le quelqu’un en question fait le tour de la maison ou pousse la porte qui “oh, elle n’était pas fermée ?!”Et là, il y a un cri, du sang, un cadavre. Le maire, les gendarmes, le médecin, le juge arrivent et commencent leur travail.Et parfois, quelqu’un d’autre dit, “tiens, c’est bizarre, j’ai entendu du bruit cette nuit”. Ou “tiens, c’est bizarre, j’ai vu untel dans les environs hier soir, il n’avait pas l’air dans son état normal”.L’histoire de Léonie Anquetil et Gaston Hamel fait partie des meurtres ayant marqué le département, que La Presse de la Manche vous raconte en 50 épisodes.
Mauvais sujet
Ça a donc commencé le matin du 31 janvier 1942. A Varouville, entre Barfleur et Saint-Pierre-Eglise, Solange a toqué à la porte du café de sa belle-mère, Léonie Anquetil.Léonie n’a pas répondu, alors Solange a fait le tour par derrière et quand elle a découvert le corps de Léonie allongé dans le sang, elle a hurlé.Rapidement, les enquêteurs sont arrivés et rapidement encore, un nom est sorti : celui de Gaston Hamel, 22 ans, ouvrier agricole originaire de Cosqueville.Un mauvais sujet déjà condamné pour vol, et qui vient justement de finir purger sa peine à la prison de Cherbourg.On l’a vu dans le café de Léonie quelque temps avant le crime et on l’a encore vu après, filant sur la route de Barfleur, juché sur une bicyclette de femme.
Un contexte particulier
Pour sa part, Léonie Anquetil est décédée peu après, à l’hôpital de Cherbourg où on l’avait transportée en désespoir de cause.C’est pour son argent qu’on l’a tuée : 10 000 francs. Et Gaston Hamel ? Comment expliquer qu’ainsi identifié, il ait quand même réussi à filer entre les doigts des gendarmes ?C’est là que le crime de Varouville diffère des autres.Car il a été commis dans le contexte très particulier de l’Occupation, et il ne fait pas de doute, comme on le verra plus tard, que Gaston Hamel va profiter (pendant un temps) de ce contexte troublé pour échapper à la Justice.Quand le procès de l’affaire a lieu au printemps 1944, le tribunal ne peut condamner Gaston Hamel à mort que par contumace : le coupable est toujours introuvable.
Une lettre piégée
Plusieurs mois se passent. Et c’est par un invraisemblable coup de théâtre que l’affaire rebondit en janvier 1945, quand une anodine demande d’extrait d’acte de naissance parvient à la mairie de Montfarville.A vrai dire, pas si anodine que cela, puisque cette demande concerne un certain Gaston Hamel, né à Montfarville le 28 août 1921.L’employée de la mairie fait aussitôt le lien et avertit le maire qui avertit le gendarme, qui préviennent à leur tour leurs collègues de la banlieue est parisienne : car il faut envoyer l’acte de naissance au sanatorium de Villiers-sur-Marne.Puisqu’il faut envoyer, envoyons ! Et attendons que ça morde… Bingo !Quand le préposé au courrier du sanatorium distribue la correspondance du jour aux pensionnaires de l’établissement, il tend un piège simplissime en demandant à la cantonade s’il y a un Gaston Hamel ?Et c’est un patient qui se fait appeler Jean Guyot qui répond en tendant la main vers le courrier : le piège vient de se refermer sur Gaston Hamel !
L’après-Libération
Très vite, on reconstitue la cavale du meurtrier (qui a tout avoué) : son crime commis, Hamel a pris le train pour Paris, puis pour Bordeaux.Là, il vole les papiers d’un certain Jean Guyot. Il tente ensuite de passer la ligne de démarcation, mais arrêté par les Allemands, ceux-ci l’envoient travailler en Allemagne.Touché par la tuberculose, Hamel est rapatrié en France et hospitalisé au sanatorium de Villiers-sur-Marne, toujours sous le nom de Jean Guillot.Le 13 décembre 1945, Gaston Hamel repasse une nouvelle fois aux Assises de la Manche.Et autant le contexte de l’Occupation a pu favoriser un temps sa fuite, autant celui de l’après-Libération va certainement précipiter sa chute.Car outre son crime (sans préméditation) et son casier judiciaire déjà chargé, Gaston Hamel est coupable d’avoir eu “une conduite de mauvais Français pendant l’Occupation”.Ça ne pardonne pas : Hamel est condamné à mort (après huit minutes de délibérations du jury…).
Fusillé
Le 30 mars 1946 à la fin de la nuit, on informe Gaston Hamel que son pourvoi en cassation a été rejeté.Après le traditionnel verre de rhum, une voiture cellulaire l’emporte à la carrière Droualle, à Saint-Nicolas-de-Coutances, sur la route de Périers.L’aube, une dernière cigarette, pendant que le peloton d’exécution attend, l’arme au pied.Puis Hamel est attaché au poteau mais refuse qu’on lui bande les yeux. Une salve, c’est fini.Ce sera la seule fois dans l’histoire manchoise qu’un condamné à mort sera fusillé : de 1944 à début 1947, la guillotine ne servira que pour les exécutions parisiennes, la désorganisation des moyens de transport en France empêchant son acheminement en province.Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.