Equipées de pioches et de pelles à Jalisco La plupart d’entre elles ont disparu au cours des dernières années sous le gouvernement du président en exercice Angrés Manuel López Obrador
Contrairement aux administrations précédentes, le gouvernement d’AMLO a reconnu publiquement l’ampleur de la crise et a renforcé les efforts de recherche et d’identification. En mars 2019, il a inauguré le système national de recherche. C’est un mécanisme visant à coordonner les efforts des agences gouvernementales dans la recherche des disparus. Lors de son lancement, Karla Quintana, la responsable de la Commission nationale de recherche, a reconnu l’importance du travail effectué par les familles sur le terrain, « presque les seules à le faire depuis des années ». Et de promettre : « Elles ne seront plus jamais seules ».
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coordonnent les efforts de recherche et sensibilisent au problème. Par l’intermédiaire de WhatsApp, Twitter et Facebook, Madres Buscadoras a créé une plateforme dans le but d’impliquer les citoyens et d’oeuvrer à accélérer la recherche des disparus. Chaque jour, le groupe reçoit des informations sur des personnes disparues ainsi que sur l’emplacement de tombes potentielles. Madres Buscadoras reçoit tellement de messages qu’il ne peut pas tous les examiner faute de ressources suffisantes.
par les autorités locales précisant qu’il restait encore des sacs à examiner.Les familles qui mènent leurs propres enquêtes peuvent se heurter à l’opposition ainsi qu’aux menaces du crime organisé et des fonctionnaires. Ces derniers peuvent être de connivence avec les groupes criminels et ne pas apprécier l’image d’une chasse aux personnes disparues dans leur région. En vertu de la loi générale du pays sur les disparitions contraintes, qui a fait grand bruit et qui été promulguée en 2017 après la pression exercée par les familles, les autorités doivent prendre des mesures immédiates pour rechercher une personne disparue et enquêter sur le crime. Cependant, en réalité, ça ne se passe pas toujours ainsi pour des milliers de familles. « Même si les choses ont un peu changé, c’est toujours la même réaction des autorités. Elles se défilent en disant : ‘Ce n’est pas à nous de le faire, c’est à d’autres' », relate Martin Villalobos, membre du Conseil national des citoyens, un organe consultatif du Sytème national de recherche.
Les gens nous ont beaucoup soutenus et ce même si aucun de leurs proches n’est porté disparu », explique Araceli Hernández, ancienne membre du principal groupe Madres Buscadoras qui a récemment formé un nouveau collectif. « Le simple fait d’écouter la douleur d’une mère, d’une tante, fait qu’ils nous soutiennent en nous apportons des outils, des provisions, de l’eau, des boissons énergisantes et des tonnes d’informations. Cela nous pousse à nous accrocher davantage ».
Se rassembler
Le 30 octobre 2015, Alejandro Guadalupe, fils de Ceci Flores, alors âgé de 21 ans, a disparu sans laisser de trace dans la ville de Los Mochis, dans le nord du Sinaloa. Moins de quatre ans plus tard, le 4 mai 2019, des tueurs à gages ont enlevé ses deux autres fils – Marco Antonio et Jesús Adrián – dans son Etat natal de Sonora.Ceci Flores a entrepris des démarches auprès des autorités. Comme elle n’a pas reçu de réponse immédiate de leur part, elle a mené ses propres recherches en diffusant des informations sur les réseaux sociaux. Six jours plus tard, elle a reçu un appel lui annonçant que ses deux fils allaient être relâchés dans un endroit précis. Une fois sur place, elle a constaté que seul son plus jeune fils, Jesús Adrián, était là. À ce jour, Ceci Flores n’a pas eu de nouvelles de Marco Antonio.
C’est comme ça que Madres Buscadoras est né Aranza Ramos était à la recherche de son mari, Brayan Omar Celaya Alvarado, depuis la disparition de ce dernier en décembre 2020. Après le meurtre d’Aranza Ramos, Ceci Flores a reçu des menaces de mort, ce qui l’a obligée à quitter sa ville natale de Sonora.Le collectif Madres Buscadoras a lancé un appel public aux groupes de crime organisé pour qu’ils lui permettent de faire son travail. Toutefois, il existe un climat général hostile autour de la recherche des disparus, déclare Vladimir Cortés, responsable du programme des droits numériques au bureau du Mexique et de l’Amérique centrale d’Article 19, un groupe de défense de la liberté d’expression à but non lucratif. « Nous sommes face à un gouvernement qui nie l’existence des violations des droits de l’Homme, qui nie l’existence des abus contre ceux qui défendent les droits de l’Homme », affirme Vladimir Cortés. « Cela génère une permissivité pour attaquer ceux qui défendent les droits de l’Homme – les parents des personnes disparues – et cela annihile le travail qu’ils font ».
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Signaler ou ne pas signaler
Lorsque Mónica Alejandrina Ramírez Alvarado, étudiante en psychologie, a disparu quelques mois avant de recevoir son diplôme de l’université nationale autonome du Mexique en 2004, les réseaux sociaux n’étaient pas aussi répandus qu’aujourd’hui. Il n’existait pas encore de mouvement national pour les disparus ni de loi générale sur les disparitions contraintes.Les familles de disparus sont toujours confrontées à certains défis, indique Martin Villalobos, qui est le beau-frère de Mónica Alejandrina Ramírez Alvarado. « La plupart des plaintes doivent être déposées au niveau local et ce dernier est toujours coopté ou fait partie intégrante du crime organisé », poursuit-il. « Lorsqu’elles déposent une plainte, les famille se retrouvent sans défense face aux attaques des criminels et des autorités. Elles sont également isolées de leur propre famille qui, par peur d’être liée aux menaces ou à la vengeance, s’éloigne d’elles ».
Ils ont reçu deux types de réponses : Des appels demandant de l’argent de la part de personnes prétendant savoir où se trouvait Irma et des insultes misogynes griffonnées sur les affiches.
Faire appel aux réseaux sociaux était la prochaine étape logique pour les familles des disparus. Selon Martin Villalobos, cette activité a connu une forte augmentation après le début de la pandémie lorsque les autorités ont déclaré qu’il était trop risqué de faire ce travail sur le terrain. « Beaucoup d’entre nous, qui appartenons à des générations qui n’étaient pas très familières avec la technologie et les réseaux sociaux, ont vu l’opportunité de rendre visibles nos réalités en utilisant nos propres voix », dit-il.Néanmoins, à certains égards, la technologie n’a pas facilité les choses, note Martin Villalobos. Les internautes sont harcelés par des robots, des faux comptes et des partisans d’AMLO. Il ajoute que les partisans du gouvernement accusent souvent les familles de recevoir un soutien financier des partis d’opposition ou d’institutions étrangères telles que l’US Agency for International Development ou le National Endowment for Democracy, des groupes qui financent depuis longtemps des ONG au Mexique.
Selon Vladimir Cortés, il faudrait renforcer la formation à la sécurité sur les réseaux sociaux et mettre en place un mécanisme clair de recours juridique lorsque des personnes sont menacées en ligne. Pour l’heure, en vertu de la loi fédérale, menacer une personne sur la toile constitue un délit mais, à en croire Vladimir Cortés, les autorités omettent souvent d’enquêter sur ces affaires et d’engager des poursuites.
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En dehors des radars
Le dimanche 10 avril, vers midi, María de la Luz López Castruita a reçu un appel téléphonique. Un homme lui a annoncé avoir trouvé des restes humains quelques mois plus tôt alors qu’il arrachait des plantes de candélilla dans le désert. À ce moment-là, María de la Luz López Castruita et son mari étaient à bout de force. Ils étaient dans un bus qui les ramenaient chez eux, à Torreón, après avoir passé deux semaines à chapeauter une brigade de recherche composée de plus de 150 parents de personnes disparues dans la ville voisine de Monterrey. Or, ils ne pouvaient pas se permettre de dire non. Toute information pouvait être une piste dans la recherche de leur fille Irma Claribel. Ils ont appelé leur fils Jesús et lui ont demandé de venir les chercher dans une ville située à proximité de l’autoroute.
Ils sont montés dans le camion de Jesús, sont passés prendre l’homme qui leur servira de guide avant d’entamer un voyage d’une heure et demie dans un désert trop accidenté pour que le camion puisse le traverser. Très vite, María de la Luz López Castruita et Jesús Lamas ont décidé de poursuivre leur chemin à pied, accompagnés de leur guide, dans l’espoir de trouver ces restes humains. « Même si ce n’est pas ma fille, c’est peut-être celle de quelqu’un d’autre », souligne María de la Luz López Castruita.
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« Les autorités ne veulent pas attirer l’attention des médias »
Après cinq heures de marche, la nuit commençait à tomber et l’endroit où les restes humains auraient été trouvés semblait encore loin. Jesús Lamas, 66 ans, a commencé à ralentir la cadence en raison d’une récente blessure à la jambe qui s’est réveillée. Ils ont alors réalisé qu’ils n’arriveraient pas jusqu’au site. Ils ont atteint de nouveau le camion vers minuit. Le couple avait peur. Ils sont rentrés chez eux vers trois heures du matin, abattus et épuisés.
Les recherches comme celle-ci, passant sous les radars des médias et des autorités, sont fréquentes. La bureaucratie et l’étendue du territoire ont obligé des mères comme María de la Luz López Castruita à mener leurs propres investigations sans aucune sécurité ni ressource. »Je remplis des papiers, encore et encore, pour que les autorités fassent leur travail », s’agace-t-elle. « Mais je ne veux pas qu’ils allongent le processus. Alors, dès que je trouve quelque chose, je leur rapporte et je leur dis : ‘Voilà, c’est là ! ‘ ».María de la Luz López Castruita admet qu’elle ne sait toujours pas comment faire pour qu’une affaire, ou une brigade de recherche, gagne en visibilité. Les autorités ne veulent pas attirer l’attention des médias, dit-elle. Souvent, elles n’interviennent pour aider à la recherche qu’après une découverte massive de restes humains, c’est-à-dire une découverte qu’elles ne peuvent pas ignorer.L’accès à Internet a permis aux familles de contourner les filtres du gouvernement et des médias. « C’est précisément pour cela que les réseaux sociaux nous sont très utiles. Ils nous permettent de rendre visible ce que nous vivons », explique Ceci Flores. « Ce n’est pas de la fiction mais la réalité que nous vivons tous les jours. Tous les jours, des gens disparaissent. Tous les jours, nous, les mères de famille, nous nous retrouvons dépossédées de nos enfants ».
Article de Chantal Flores, traduit de l’anglais par Kozi Pastakia.
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