Michel Bourez-Marama Vahirua, destins croisés à Tahiti


à Tahiti de Jiu-Jitsu à Tahiti, tu es généralement en couple dès l’âge de 16-17 ans. À 21 ans, tu es mature et tu fais un enfant. Ma femme, je la connais depuis que j’ai 14 ans. À 18 ans, on habitait ensemble et on s’est marié en 2000, je n’avais que 20 ans. Et un an plus tard, j’étais papa. Ce qui m’a valu d’être convoqué par mes coaches à Nantes. Ils étaient inquiets, ils me disaient « Profite de la vie ». Je leur répondais « Mais c’est ce que je fais ». Quand ils ont su qu’on était ensemble depuis si longtemps, ça les a rassurés. Le truc, c’est que si tu ne t’échappes pas de Tahiti, tu risques vite de déprimer. Car il y a peu de travail. Et là, tu peux vite t’enfoncer dans l’alcool et la drogue.

Marama Vahirua et Michel Bourez. (D. Michel/L’Equipe)

Michel Bourez-Marama Vahirua, destins croisés à Tahiti

Mais moi, cela a été plus simple que Michel. J’étais dans un centre de formation en Métropole, un véritable cocon. J’avais les médecins, le logement. Je n’avais qu’à penser football. C’est ce qu’on me disait. Lui, il a été tout chercher, les sponsors, etc. Bon, de mon côté, il fallait quand même filer droit et être bon. Que se passait-il quand vous sortiez un peu du cadre ?MV  : Il fallait éviter à tout prix, sinon le coach Jean-Claude Suaudeau, « le Druide », te convoquait direct. Et devant tout le monde, il te défonçait. Le monde extérieur n’existait pas. Quand je sortais du cadre, je déprimais. Il n’y avait rien à faire en dehors du foot, je voulais retourner au pays. Parfois, j’avoue, je me disais  : « Mais qu’est-ce que je fous là ? » Au final, j’ai vécu un rêve éveillé pendant presque 20 ans. Michel, quel a été pour vous le moment le plus dur ?MB  : C’était dur tout le temps. Comme tu es tout seul, tu te remets souvent en question. Tu te demandes si tu as fait le bon choix. Tu as misé 99 % sur le plan A, et seulement 1 % sur le plan B. Je m’étais donné trois ans pour me qualifier dans l’élite, et j’avais prévenu mes parents que, si je n’y arrivais pas, je reviendrais. Heureusement j’ai réussi. Mais à une période, c’était compliqué. D’autant que je n’avais pas d’argent. Une fois, en Australie, sur la Gold Coast, je dormais chez un pote dans une maison en construction. Il y avait de la poussière partout. Mais c’était gratuit. Et entre deux sessions d’entraînement, j’aidais à construire la maison. En deux semaines, j’avais perdu cinq kilos.MV  : Ça forge un mental ça. Des expériences comme ça t’aide à réussir. La lumière est dure à atteindre, mais quand tu l’atteins t’es blindé. « À Teahupoo, avec ce spot, t’es au paradis. Ça va faire parler » Que faut-il faire pour faire avancer les choses et les mentalités ?MV  : Il faut que nous, les anciens sportifs, nous nous mettions autour d’une table avec les fédérations pour créer un cadre afin de transmettre aux nouvelles générations. À mon retour, à la fin de ma carrière, j’ai tenté de faire bouger un peu les choses. On me disait  : « Ok, tu veux faire ça, c’est super, je te rappelle. » Et puis en fait non, je n’avais plus de retour. C’est la politique. Donc j’ai commencé à faire tout seul. J’ai envoyé des gamins en France. Certains voyants ça, ils se sont mis sur le créneau. Sauf qu’ils ne savent pas faire. Il faut ce que cela vienne des anciens, car on parle le même langage.MB  : Une fois, j’ai fait une demande de subvention. On m’a répondu « Il n’y a plus d’argent, fais pour l’année prochaine ». Je suis parti, je ne suis jamais revenu. Michel, préparez-vous déjà votre après-carrière ? Cela vous effraie ?MB  : Ça fait un peu flipper oui, mais c’est surtout le moment de l’arrêt qui me préoccupe. Pour bien rebondir, il faut tomber amoureux de quelque chose d’autre. J’ai déjà commencé des investissements (immobiliers), mais il faut trouver un truc à faire à plein temps. Et je pense comme Marama, que toute cette expérience emmagasinée, si on ne l’exploite pas, c’est du gâchis. Mais il faut un cadre déjà en place, une structure. Là, tu sers à quelque chose. L’épreuve de surf des JO de Paris 2024 sera à Teahupoo. Cela va-t-il servir de tremplin pour les jeunes, et donner un coup de boost pour la modernisation du pays ?MV  : Ça peut être vraiment très bien. Mais sera-t-on vraiment prêts à accueillir les JO ? Les sportifs sont là, la vague est mondialement réputée. Avec ce spot, t’es au paradis. Ça va faire parler. Mais on n’est pas au point au niveau des infrastructures. Et il faut se poser la question de l’utilité de celles qui vont être créées pour l’occasion. Derrière, il faut que ça serve. Quelles seront les retombées ? L’enjeu n’est pas que sportif.MB  : Ce sera un vrai challenge d’organiser cette épreuve si spéciale sur une vague au large et sur du récif. Niveau visibilité, c’est bien pour Tahiti et les autres îles de Polynésie. Mais il y a un sacré truc à faire autour du tourisme. Ils le savent. »