Jeudi 8 juillet, 14h. Le trio noise-rock parisien Mira Calls, récemment géniteur d’un premier EP de 4 titres, termine sa répétition et se joint à votre serviteur curieux d’en savoir plus sur ce projet miraculeux comprenant notamment dans ses rangs l’ex-gratteux du Dead Projet, Flow (beaucoup le connaissent mieux sous le nom de Jimmy Deluxe), instigateur de ce projet qui lui est bien vivant et carrément recommandable.
Et là, on est dans cette vague, on travaille de nouveau morceaux. Donc tu me confirmes que Miles Oliver, c’est définitivement mis de côté ?Flow : Pour l’instant, ouais. Le dernier album va sortir en vinyle avec quelques concerts pour l’occasion, mais après 4 albums et 220 concerts en 8 ans, j’ai commencé à me dire que j’avais fait le tour de la question, et puis j’avais surtout cette envie de revenir aux grosses guitares avec une base rythmique lourde.
Bon, je suis également toujours bassiste dans Eux, groupe avec lequel je viens d’enregistrer un album qui sortira l’année prochaine, et je suis également guitariste pour Yelli Yelli, qui est comme Clémentine, une pote de longue date.Tu parlais juste avant de tes compères Lucas et Clem, mais qu’est-ce que tu attendais d’eux au sein du groupe ? De t’accompagner ou de t’aider à composer ? Flow : J’ai posé la base des morceaux, et on s’est tout de suite bien entendu musicalement. Quand on a commencé à répéter, il est évident que tout n’était pas parfait, ils ont donné leur avis et apporté des idées.
On a complètement remodelé certaines chansons, d’autres ont été façonnées ensemble de A à Z, mais il est vrai qu’avec l’ajout de la basse-batterie, les chansons prennent une toute autre ampleur. J’ai particulièrement adoré la vitesse à laquelle nous avons travaillé tout ça, sans tergiverser, dans l’urgence.Est-ce qu’on peut dire que l’expérience Miles Oliver ou bien celle d’Eux t’ont aidé ou encouragé à mettre tes nouvelles idées au service de Mira Calls ? Y-avait-il finalement un plan bien défini pour ce nouveau groupe, tant au niveau du styles que des idées ou textes ?Flow : Il y a 10 ans, je n’avais jamais chanté tout en faisant de la gratte.
L’aventure Miles Oliver m’a énormément aidé à forger cette indépendance que j’essaye d’acquérir entre les deux. Cela me permet de faire beaucoup plus attention à ceux qui jouent à mes côtés, de ne pas m’encloisonner dans une bulle. Par exemple, le fait d’avoir créé des morceaux tous les trois a été pour moi un énorme changement, cela m’a transporté loin.
Concernant Eux, c’est différent car je ne suis pas le moteur des chansons qu’on joue, même si cela commence à changer de ce côté-là. Avec Mira Calls, le plan c’était simplement de jouer du rock énergique et efficace en retrouvant, à titre personnel, une part de moi-même à l’intérieur, c’est-à-dire une balance entre quelque chose d’énervé et une puissance mélodique. Mais je crois savoir que c’est le même ressenti du côté de Lucas et Clem, non ? Lucas (batterie) : Ce qui a été super, c’est l’enchainement complètement accidentel et en même temps ultra naturel des évènements.
Avec Flow, on a une cinquantaine de vrais potes en commun et on ne s’était jamais rencontrés. On s’est vus après dans le cadre de Miles Oliver, et ça a marché tout de suite. Je connaissais son projet évidemment, mais je n’avais jamais joué dans un groupe de folk avec une guitare sèche.
Je me suis dit que le mec était tellement cool que je ne pouvais refuser, et puis il y a eu ce soudain changement de cap quand il m’a annoncé qu’il voulait jouer une musique plus énervée. À titre personnel, je n’ai jamais arrêté de jouer ce genre, d’ailleurs Mira Calls me rappelle un peu mon ancien groupe Monica Crystal, très noise-rock, un peu post-hardcore. Mais ce qui m’a fait surtout rester, c’est que Mira Calls est pour moi une espèce d’enfant bâtard, je trouve qu’il y a beaucoup de Miles Oliver dedans.
C’est une évidence quand tu entends les lignes mélodiques et le chant, j’adore ce côté très « indie », très ricain, qu’on retrouve d’ailleurs beaucoup plus dans la folk de Miles, et qui est allié à ces guitares furieuses, à ces roulements de batterie partout, cette basse hyper solide qui harmoniquement joue vachement sur les contre-chants. Tout cela me va droit au cœur, ce genre de truc où tu as des gens qui disent « On est des bâtards et on le revendique », ça me caractérise d’être un bâtard, de ne jamais faire quelque chose de pur, qui rentre dans les cases, que ce soit avec Rise People, Rise ! ou bien De Geyter, projet que je suis en train de préparer actuellement. La pureté n’existe pas chez moi.
Nous avons fait le meilleur choix, il fallait faire vivre Mira Calls dès le moment où Flow a eu cette idée de mettre de la saturation. A la première répétition pour Miles, j’ai senti que Flow et Clem avaient du feu sous les doigts, mais c’était Miles Oliver, pas Mira Calls. Flow disait qu’il avait besoin de cette violence, c’était évident qu’on allait se diriger vers ça, d’ailleurs Éric le deuxième guitariste est parti parce que c’était plus son truc.
Clémentine (basse) : Je pense qu’il fallait séparer le projet Miles Oliver band de Mira Calls.Flow : De toute façon, les compositions se dirigeaient vers quelque chose de plus rock.Clémentine : C’était bien ce qu’on faisait pour Miles mais le morceau de la version « band » que je préférais, c’était celui qui était le plus énervé, « The song I hate », un titre du quatrième album.
C’était les prémices de Mira Calls. On devrait faire un crossover de ce titre. Mira Calls, c’est aussi particulier pour moi parce que je suis tombée enceinte pendant le confinement, j’avais les deux groupes à gérer avec Peckinpah !, et puis au-delà de ça, j’avais ce besoin de reprendre du plaisir dans un groupe un peu énervé après mon départ d’I Am John Baudelaire dans lequel je ne me plaisais pas du tout.
Votre premier EP va sortir début septembre, il s’appelle Alpha dream, j’imagine que ça n’a rien à voir avec l’ancien studio japonais de développement de jeu de vidéo du même nom ? Flow : Non, le nom de l’album vient de alpha-methylphenethylamine, qui contracté donne l’amphétamine. Je voulais parler de drogue dans ce disque parce que j’ai eu mes propres expériences à un moment donné de ma vie où j’allais mal, j’ai testé toutes sortes de pilules pour me détacher du présent. Mais c’est surtout qu' »Alpha dream », c’est la dernière chanson de l’EP, qui pour moi est comme une chanson jouée sous amphétamines, elle est très rapide, sonique, intense à jouer.
Ça reflète surtout l’état général de cette chanson dans laquelle on donne tout, on s’est vraiment fait plaisir en la créant puis en la jouant. Et puis je trouve qu’elle reflète assez bien les différentes facettes de Mira Calls : speed, foutraque, mélancolique, vivant.Lucas : Il y a un truc assez mortel avec « Alpha dream », c’est qu’elle ne s’arrête littéralement jamais, elle fait plus de 6 minutes, il n’y a pas une seule pause, on croit qu’elle va s’arrêter plusieurs fois, mais non.
Flow : On pourrait voir ça comme la représentation d’une journée intense ou bien d’une vie parce qu’il y a vraiment de tout dans cette chanson, un début qui part très vite, puis c’est calme, puis la tension remonte.C’est une sortie autoproduite ? Pourquoi ? L’urgence j’imagine ? Pas prévu de label pour le futur ?Flow : J’ai toujours eu plusieurs casquettes dans tous les groupes que j’ai eu, que ça soit booker des concerts, s’occuper de la distribution ou bien de chercher l’aide d’un label. Je sais le temps et les efforts que ça représente pour des résultats souvent insatisfaisants, je préfère me concentrer sur la composition et jouer nos morceaux.
Nous avons tous les trois un réseau qui nous permet d’avancer et on voulait que ses chansons là nous appartiennent vraiment, qu’on puisse les faire vivre de nous-mêmes pour voir comment elles prennent auprès du public. Ça va aussi avec les lives, en faire sans passer trop de temps à démarcher des salles. Label ou pas label, le plus important c’est que les morceaux soient disponibles et que les gens puissent les écouter chez eux, n’importe où et de les voir en live.
De toute façon, les plateformes de streaming ne rapportent pas d’argent par rapport à l’investissement que représente ce groupe dans sa totalité, et faire de l’argent avec la musique à notre époque est une utopie, c’est plutôt une passion avant tout, je ne pense qu’à Mira Calls toute la journée. C’est un projet qui me tient énormément à cœur, et mon objectif c’est de le faire évoluer du mieux possible.
tout ça n’est pas très joyeux en effet, mais il y a du positif à en retirer, le fait que les gens essaient de combattre leurs démons et de trouver des solutions à leurs problèmes. Certaines chansons parlent de santé mentale avec des personnages que j’invente, on essaie de trouver une lueur au bout du tunnel, mais il fallait que cette violence soit traduite par des mots. Le fait que ça ne soit pas crié est beaucoup plus facile aussi pour faciliter la compréhension de certains mots.
Même si on risque de jouer en France au départ, il faut que tout ça reste intelligible. Ensuite s’agissant de mon chant monolithique, il faut savoir que j’ai déjà la ligne de voix qui tourne dans ma tête avant même d’avoir les paroles. Ensuite, par les placements, j’arrive à trouver des espèces de phonèmes et les mots arrivent juste après.
Derrière il y a quand même du boulot. Tu sais, j’ai bien vécu les années 90 avec tous ces groupes comme Fugazi qui arrivaient sans vraiment gueuler à avoir ce phrasé doté d’une intensité similaire. C’est vrai que parfois les gens qui ont trop de paroles peuvent être handicapés à cause de ça, mieux vaut alors répéter les mots plutôt que d’en trouver d’autres, je pense que ça aide le public à mieux rentrer dans l’univers de la chanson, et puis ça reste en tête.
Les jeux de mots, ça a l’air d’être votre truc (Mira Calls, « Salva sean ».), c’est temporaire ou ça va être votre marque de fabrique tout au long de votre aventure ?Flow : J’ai toujours aimé les jeux de mots. Il y a une prochaine chanson qui risque de s’appeler « Thin towers » et pas « Twin towers ».
Dans Miles, j’en faisais déjà pas mal, certains ne les ont surement pas encore relevés je pense, c’est vraiment un délire personnel.Vous avez lancé il y a quelques temps le clip de « Too late », comment s’est passé le tournage de ce petit film lynchéen ? Peux-tu revenir là-dessus ?Flow : Je laisse parler l’actrice principale (rires).Clémentine : Alors, le scénario a été écrit par Flow, on est même passé par plusieurs versions en réalité.
Il a fait un storyboard rapide. Je tiens à préciser qu’il n’était pas prévu que je sois filmée dans ce clip, je ne me suis jamais sentie à l’aise devant une caméra.Flow : Au tout départ, on devait le tourner dans les Pyrénées chez une copine, puis ça ne s’est pas fait.
L’histoire est centrée sur une femme avec des phénomènes bizarres qui se passe autour d’elle et puis je me suis dit qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, alors je me suis lancé le challenge de filmer ce clip, on m’avait prêté une caméra, et puis je voulais que Lucas soit l’acteur, mais il était pas là, il sera dans le suivant, c’est une exclu (rires). Avec Clem, on est parti sur un storyboard de base, et je te laisse raconter la suite.Clémentine : On est parti à la campagne un week-end, on a fait deux jours de tournage.
Sur place, on s’est remis plein de fois en question sur le déroulé du scénario.Flow : C’est vrai qu’on ne sait pas vraiment ce que le clip essaie de nous faire comprendre avec cette boite. Chacun y trouve sa propre explication.
La chanson parle de quelqu’un qui est un peu tout seul dans sa tête, on a essayé de transcrire ça dans le clip, de montrer que cette personne a deux ou trois visages différents. C’est Grégoire Orio qui s’est chargé de monter et étalonner nos images, sans lui il est évident que le clip n’aurait pas été le même, il est super talentueux. On désirait vraiment mettre des images sur cette chanson-là en particulier, car elle est très cyclique, très ancrée, et elle est complètement différente du reste de l’EP.
Notons dans le clip la présence d’un alien qui réapparaitra surement en live ou dans un autre clip de Mira Calls.
Il a été présenté en avant-première sur le webzine IDIOTEQ.com, pourquoi n’avez-vous pas choisi un média français ? Et est-ce que tu lis beaucoup les webzines ou magazines rock ou musicaux ? Flow : Oui, je lis beaucoup sur tout ce qui touche à la musique, je me renseigne sur ce qui se passe, ce qui sort, etc.
Pour notre EP, c’est arrivé à un moment où personne n’avait de place pour une exclusivité, j’ai tout essayé en France, et puis je connaissais ce média-là en langue anglaise qui est vraiment super et qui est tenu par deux Polonais. J’ai échangé quelques mots en polonais avec l’un des deux et il a adoré le clip, je me suis dit que d’avoir une visibilité à l’internationale serait pas une mauvaise chose.Dernière question : la suite de cet EP ? J’ai ouï-dire qu’une tournée est prévue.
Avez-vous d’autres chansons de prêtes ? Car j’ai vu qu’il y avait des titres comme « 78 », « Tokyo pin », « Stains » et « Emergency fame » sur votre prochaine liste.Flow : Tout naturellement, nous allons bouffer du live pour présenter nos morceaux au public, à commencer par le 25 septembre à l’ESS’pace à Paris, puis à Bourges le 8 décembre, on est en pleine préparation du programme donc on dévoilera ça progressivement. On bosse déjà de nouveaux morceaux pour un prochain disque qu’on souhaite enregistrer très rapidement, l’objectif fixé est mai-juin 2022.
Toujours dans l’urgence, on est assez confiants, mais priorité au live car on veut vraiment faire vivre nos morceaux sur les planches avec des sets ne dépassant pas 40 minutes, quelque chose de court, dense, intense, direct et qui va à l’essentiel.
TedTed
Avril 2022
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