Sangliers sur la ville


Nantes, La Roche-sur-Yon, Bordeaux, Toulouse, Montpellier et d’autres villes en France sont confrontées à la prolifération des sangliers dans leurs rues. Les vidéos de ces rencontres insolites se multiplient sur les réseaux sociaux, montrant des riverains amusés et parfois inquiets de voir des sangliers au milieu des habitations. Depuis son emménagement il y a deux ans à Périgueux (Dordogne), Cédric en a déjà observé plusieurs s’introduire dans son jardin. « En septembre 2022, j’ai aperçu cinq sangliers sur mon terrain, et cela s’est reproduit à nouveau quelques semaines plus tard, raconte le Périgourdin. Ça peut paraître amusant, mais c’est aussi inquiétant à cause des dégâts dans les propriétés et de la sécurité des habitants », explique-t-il en repensant au soir où sa compagne a failli avoir un accident avec l’une de ces bêtes. Cédric n’est pas un cas isolé, ses voisins constatent également que ces mammifères sont de plus en plus nombreux à s’aventurer en milieu urbain.
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Rien d’étonnant : la population de sangliers a connu une démographie galopante depuis les années 1970. À cette époque, selon l’Office français de la biodiversité (OFB), 30 000 étaient prélevés à la chasse, puis 100 000 en 1990, avant d’atteindre les 800 000 lors de la dernière saison. Cet indicateur est le plus fiable pour mesurer l’évolution de cette espèce, que le milieu cynégétique estime à 2 millions sur le territoire français. Une prolifération qui débute après la Seconde Guerre mondiale, lorsque le sanglier bénéficie de plusieurs mesures : les plans de chasse (quotas sur un territoire donné), le remembrement des parcelles agricoles et la massification des plantations de maïs. À quoi s’ajoutent des caractéristiques propres : « C’est une espèce omnivore qui se reproduit très vite, avec une moyenne de sept marcassins par portée. Dans un contexte favorable, une laie peut commencer à entrer en reproduction dès ses 6 mois », assure Éric Baubet, chargé de recherche à l’OFB et spécialiste du sanglier.

Sangliers sur la ville

À Nîmes, les pièges permettent de capturer70 bêtes par an

En parallèle, l’expansion de l’urbanisation a organisé la rencontre entre l’homme et l’animal. « Comme c’est un animal opportuniste, il profite des abris en ville en sachant qu’il ne sera pas chassé. Il se nourrit ainsi dans les poubelles ou dans les champs situés à proximité », analyse Romain Lasseur, docteur en toxicologie animale et spécialiste des espèces envahissantes. Sur leur passage, les sangliers infligent des dégâts aux municipalités en retournant les pelouses et en arrachant les grillages, mais aussi en provoquant des accidents avec les automobilistes.Comment endiguer cette prolifération ? À ce jour, c’est le préfet qui demande à la Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) de solliciter l’intervention des lieutenants de louveterie pour tenter de régler la situation. À Nîmes, grâce à la pose de pièges, environ 70 sangliers sont capturés chaque année. « Sur l’ensemble du département du Gard ce chiffre grimpe jusqu’à 400 avec le piégeage, les tirs de nuit et les battues administratives », affirme Patrick Fairon, chef d’unité chasse et coordination des polices de l’environnement à la DDTM. Ce piégeage ne fait que contenir la croissance de l’animal forestier. « Il faudrait autoriser le tir avec des lunettes thermiques pour chasser les sangliers de nuit », préconise Baudouin de Saint Léger, rédacteur en chef du site spécialisé Chassons.com. Le scientifique Romain Lasseur conseille de son côté de développer des modes de chasse plus propices aux endroits urbains, comme la chasse à l’arc. « Je ne vois pas pourquoi le phénomène s’infléchirait », lance Éric Baubet. « Tant que les humains continueront à s’étendre en construisant des habitations et que la population de sangliers se multipliera, le problème sera de plus en plus fréquent. »