La flamme d’une cheffe d’entreprise


Marie-Agnès Kowynia vient d’être réélue à la tête de FCE (femmes cheffes d’entreprises) Roanne-Loire 42 pour un dernier mandat au terme duquel elle transmettra le flambeau. Rencontre avec une patronne au caractère bien trempé.

Elle a choisi la Chambre de Commerce et d’Industrie (CCI) de Roanne comme lieu de son interview. Pour le symbole  : celui de l’entrepreneuriat. Mais ce n’est pas dans la salle d’honneur que Marie-Agnès Kowynia, tout juste réélue présidente des FCE (femmes chefs d’entreprises), souhaite répondre aux questions du Pays. Elle préfère s’installer dans un des bureaux réservés au personnel. Pour le symbole également  : « Il y a quelques années, il ne fallait surtout pas avoir de petites entreprises à FCE. Aujourd’hui, la voix de la femme cheffe d’entreprise, c’est aussi celle de la petite commerçante. » Le ton est donné.

« On a des mandats  : on essaye de les garder et d’en prendre d’autres »

Elle sait de quoi elle parle, elle, la fille d’ouvriers qui fut d’abord commerçante avant de rejoindre l’entreprise de son mari, au milieu des années 1990  : « J’ai fait un BEP commerce au lycée Albert-Thomas, et tout de suite après, je suis partie bosser au magasin Saint-Medard. Mais il me manquait quelque chose. » La rencontre avec celui qui va vite devenir son mari est une révélation  : « Avec lui, j’ai découvert le milieu du médico-social, j’ai adoré. »

Ensemble, ils vont faire grandir l’entreprise que son futur époux vient de créer  : un concept innovant de résidences pour personnes fragilisées. « On travaille avec des personnes âgées qui ont des petits moyens, des gens qui présentent une fragilité causée par l’âge, un handicap, ou une maladie. On œuvre, par exemple, pour faire sortir le handicap de l’hôpital psychiatrique, pour donner un moyen à ces personnes de se réinsérer dans une vie normale ou que ceux qui touchent une petite retraite puissent accéder à un logement décent. »

Depuis la première résidence de 55 personnes, le Panoramic, à Cordelle, deux autres ont suivi dans la Loire, à Ambierle et à Mizéreux, dans le Forez, toutes réunies en 2016 dans le groupe Horizonia. Une autre maison, dans le Rhône cette fois, à Yzeron, est sur le point d’ouvrir.

Une des conséquences de ce développement est le passage, pour Marie-Agnès Kowynia, du statut d’employée à celui de patronne  : « Quand j’étais salariée je m’étais jurée, si je devenais dirigeante, que j’essaierais d’être une bonne patronne. »

Représenter toutes les cheffes d’entreprise

Patronne… Elle met l’accent sur le genre  : « Je ne suis pas une féministe forcenée, mais il y a des choses… C’était il y a 20 ans, quand j’ai rejoint les FCE, j’ai eu l’occasion d’entendre certains propos, du genre “depuis qu’elles ont quitté leurs fourneaux…” Je parle de deux décennies en arrière, pas du début du siècle dernier ». Elle assure, tout sourire, avoir pris sa revanche depuis en mouchant le fâcheux, auteur de cette réflexion déplacée. Pas du genre à s’écraser, la patronne. Plus tenace qu’un curé de campagne accroché à son goupillon, même si l’image est à nuancer  : « Le religieux et la politique on n’en parle pas à FCE », Marie-Agnès Kowynia, n’a de cesse de poursuivre son but  : fédérer les femmes cheffes d’entreprises afin qu’elles trouvent au sein de l’association « un lieu d’échanges, d’écoute » et surtout elle a à cœur de n’oublier personne  : « Je suis contente, une agricultrice nous a rejoints !  », jubile-t-elle avec le sourire d’une petite fille devant un paquet de bonbons.

Car pour la présidente des FCE, l’un des grands risques que peut courir la femme cheffe d’entreprise est celui de l’isolement  : « On a des enfants, mais il faut quand même continuer à travailler. Moi, lorsque j’ai accouché, j’ai repris mon travail trois ou quatre jours après. Comme j’allaitais mes enfants, ils étaient avec moi au travail, dans un couffin. On a toujours la tête dans le guidon  : il faut être maman, épouse, patronne… À un moment, on a besoin d’avancer autrement ».

Cet autrement, Marie-Agnès Kowynia, l’a trouvé aux FCE. Entrée dans l’association, elle comprend qu’elle va pouvoir s’informer, se former « et surtout faire entrer les femmes dans des instances paritaires ; nous imposer dans un milieu qui, il y a une vingtaine d’années, était surtout composé d’hommes. » Depuis, FCE, et plus généralement les femmes, ont investi les prud’hommes, la chambre de commerce – « à Roanne, le président est une présidente » – l’URSSAF, la CPAM… « On a des mandats, on essaye de les garder et d’en prendre d’autres. Être à FCE aujourd’hui est un atout, une force, une puissance. »

Transmettre le flambeau

Une force que l’on retrouve dans l’insigne des FCE que Marie-Agnès Kowynia arbore au revers de sa veste. Le bâton d’Esculape, entouré par les ailes de Mercure, dieu du commerce, de l’industrie et des arts représente à merveille cette quinquagénaire au caractère bien trempé. N’oublions pas que Mercure est également le dieu des Gémeaux, signe zodiacal de cette patronne atypique qui sait déjà que ce deuxième mandat qui vient de lui être confié est aussi le dernier  : « J’ai des pistes pour ma succession, je cherche une femme qui croit à l’avancée de la femme dans le monde professionnel, qui continue notre combat. »

En attendant de transmettre le flambeau, c’est une autre flamme qu’elle portera le 22 février prochain  : « J’ai la chance d’avoir été choisie pour porter la flamme olympique à Saint-Étienne », annonce fièrement la patronne des cheffes d’entreprises du Roannais. 

EN CHIFFRES

32

Le nombre de cheffes d’entreprises adhérentes à la délégation FCE Roanne-Loire.

540

Le nombre d’emplois que représentent les 32 entreprises dirigées par les cheffes d’entreprises adhérentes à FCE-Roanne-Loire. Le chiffre d’affaires cumulé des sociétés qu’elles dirigent est de 37 millions d’euros.