Une demande qui explose… et un recul des dons. Pour la première fois depuis l’autorisation de la PMA (procréation médicalement assistée) pour les femmes seules et les couples de femmes en 2021, le nombre de donneurs de sperme a reculé en 2023. Il est passé de 714 candidats en 2022 à 676 (alors que ce don est ouvert à tous les hommes âgés de 18 à 44 ans).
C’est ce qui ressort des données autour du don de gamètes dévoilés ce mardi, en exclusivité pour 20 Minutes, par l’Agence de la biomédecine. Et ce n’est clairement pas assez.« Au moins 1.
400 donneurs par an, donc deux fois plus qu’à présent, seraient nécessaires pour répondre à la forte demande », appuie Marine Jeantet, directrice générale de l’Agence de la biomédecine.
Une demande multipliée par 8,5
Dans le même temps, le nombre de demandes d’AMP (assistance médicale à la procréation, le nouveau nom de la PMA), a explosé depuis 2021. « Avant on était autosuffisant, puisque seules 2.
000 personnes en couple hétérosexuel faisaient appel à une AMP chaque année, et elles n’avaient pas toutes besoin de spermatozoïdes, souligne Marine Jeantet. Depuis la modification de la loi, la demande a été multipliée par 8,5. »De 2021 à 2023, près de 35.
000 demandes de première consultation pour une AMP avec don de spermatozoïdes de la part de couples de femmes et de femmes seules ont été recensées, dont près de 13.000 rien que pour l’année 2023. Sachant qu’un don de spermatozoïdes peut générer jusqu’à dix naissances maximum.
Un fossé entre offre et demande
Le fossé se creuse donc entre l’offre et la demande, et ça ne risque pas de s’arranger. Pour répondre aux besoins, l’Agence de la biomédecine utilise son stock de gamètes de donneurs anonymes. Mais avec la levée de l’anonymisation du donneur en 2021 (la personne issue d’un don peut demander, au moment de sa majorité, l’identité du donneur), l’agence ne pourra plus utiliser ces « vieux » dons à partir de mars 2025.
En mars 2023, ce stock « ancien régime » s’élevait à 90.000 paillettes (un petit tube dans lequel est conservé le sperme congelé). Il n’était plus que de 32.
000 en décembre. « En neuf mois, on a utilisé près des deux tiers du stock. » D’un autre côté, le stock « nouveau régime » était composé de 27.
000 paillettes en mars 2023 et est monté à 52.000 en décembre 2023. « L’ancien stock a plus vite décru que le nouveau ne s’est constitué », conclut Marine Jeantet.
Avec une donnée non négligeables à prendre en compte : plusieurs paillettes de spermatozoïdes sont nécessaires pour effectuer une seule tentative d’AMP, et il faut souvent plusieurs tentatives avant d’aboutir à une naissance.Les femmes seules et les couples de femmes ayant recours à une PMA doivent obligatoirement passer par des établissements publics, en faible nombre, et voici donc un embouteillage qui se forme progressivement. En 2023, le délai moyen de prise en charge pour une AMP avec don de spermatozoïdes était de 15,5 mois au niveau national.
Un manque d’informations
Mais alors, comment expliquer ce faible nombre de donneurs ? D’abord par un manque de connaissance. « A peu près tout le monde sait que la PMA est ouverte aux femmes seules et aux couples de femmes, mais on oublie que pour le faire, on a besoin de sperme », rappelle Marine Jeantet. Si les campagnes pour le don de sang ou le don d’organes existent depuis plus d’une dizaine d’années, celles encourageant au don de gamètes n’ont que 2 ou 3 ans.
Un baromètre* réalisé par l’Agence de la biomédecine en mai 2024 montre que moins d’un Français sur quatre (23 %) interrogé s’estime bien informé sur le don de gamètes. Dans le même sondage, deux tiers des répondants (66 %) estiment qu’ils ont besoin de plus d’information et de sensibilisation, notamment sur le manque de dons et le nombre de personnes en attente, mais aussi sur la manière dont le don sera utilisé.
Les hommes donnent moins que les femmes
Autre frein possible au don, on en parlait plus haut : la levée de l’anonymat, qui freinerait 33 % des hommes interrogés à ne pas donner leurs gamètes.
Un argument qui ne convainc pas la directrice de l’agence de la biomédecine. « Nous n’avons pas observé de baisse de don lorsque l’anonymat a été levé en 2021. Les donneurs le savent, accès à ses origines ne vaut pas parentalité.
Le droit est très clair. »L’enfant ne peut effectivement pas réclamer que son géniteur le reconnaisse. « Souvent, ils ont juste besoin de savoir à qui ils ressemblent ou de poser des questions sur leurs prédispositions génétiques », assure Marine Jeantet.
Enfin, dernière explication : en matière de don, la gent masculine est moins généreuse que la féminine. « Que cela concerne le don de sang, de moelle, d’organes ou, ici, de gamètes, les hommes donnent toujours moins que les femmes », explique la directrice de l’agence de la biomédecine.