Une campagne de pub pour un concept-store de running parisien, mettant en scène des athlètes se faisant flasher par des radars, a fait le tour des médias. C’est pourtant techniquement impossible avec les radars utilisés en France, selon la Sécurité routière.Question posée par Jean le 8 septembre 2021,La performance est impressionnante, sur le plan sportif comme marketing. L’agence de publicité BETC s’est appuyée sur l’actualité polémique de la limitation de vitesse à 30 km/h dans les rues de Paris, pour imaginer une campagne remarquée. Pour Distance, concept-store spécialisé dans le running, l’agence a mis en scène des athlètes se faisant flasher par un radar dans la capitale. En pleine nuit, une bande de runners menés par les athlètes de haut niveau Léna Kandissounon et Quentin Malriq, a enchaîné les pointes de vitesses jusqu’à obtenir de beaux portraits noirs et blancs, collés par la suite sur les murs du IIIe arrondissement. Une vidéo, partagée sur les réseaux sociaux des stars de la course, complète le storytelling.De nombreux médias français ont publié des articles, en affirmant que des coureurs avaient réussi à se faire flasher par des radars automatiques à Paris. Il y est renseigné que le test s’est fait dans le cadre d’une publicité, mais aucun n’a questionné le réalisme de la performance. L’anecdote s’est même exportée jusqu’au très sérieux journal Telegraaf, aux Pays-Bas. La campagne a aussi été applaudie par un célèbre site spécialisé dans la publicité, et a passé la journée en première position des articles les plus populaires. «Le 31 août, le magasin Distance a enrôlé un groupe de coureurs pour courir plus vite que les voitures dans les rues de la capitale française, dans l’intention de se faire imposer une amende par les autorités», peut-on lire en anglais sur Adweek. «Ils ont ensuite utilisé les images capturées par les vrais radars et les ont transformées en une campagne publicitaire.»
Un concept remarqué
Adweek, comme nos confrères, se base sur le communiqué de presse de l’agence BETC. Il y est en effet écrit que le groupe de coureurs «s’est lancé dans un rodéo nocturne en allant de radars en radars dans le seul but de se faire flasher». Que la vidéo tournée ce soir-là permet «de les voir effectuer des sprints et déclencher les fameux appareils, devenant le temps d’une nuit des Outlaw Runners». Ou encore que «l’objectif n’était pas seulement de prendre au second degré cette nouvelle loi : les clichés des radars ont ensuite été utilisés pour faire la campagne de DISTANCE sur différents supports».Stéphane Xiberras, président et directeur de la création de BETC, est ensuite cité : «Ce qu’il y a de décalé dans cette campagne au-delà du rebond sur l’actualité c’est la finalité. Très souvent dans la pub quand on veut faire une campagne print on fait appel à un photographe. Et bien pour la première fois, ce photographe est une machine, et plus exactement un radar automatique.»
Mais une réalisation arrangée
Si le concept est réussi, ce qui est annoncé par l’agence n’est pourtant pas réalisable, selon la Délégation à la sécurité routière (DSR). «Il y a moins d’une dizaine de radars dans Paris, et aucun d’entre eux, comme aucun de ceux installés en France, ne peut flasher de piétons», assure-t-on à CheckNews. «C’est une question de paramétrage, ils ne peuvent se déclencher qu’au passage d’une surface métallique, donc les vélos, les deux-roues, voitures et plus.» Pas devant un humain, même si Usain Bolt fait une pointe à 44 km/h devant un radar paramétré à 3 km/h.«Par ailleurs, le flash ne sert qu’à enregistrer la plaque d’immatriculation des véhicules, pour émettre ensuite l’infraction», ajoute la DSR. Ces photos sont donc d’abord inexploitables, certainement pas de la qualité de celles affichées par l’agence de pub. Mais surtout, elles ne sont pas envoyées avec la verbalisation à l’auteur de l’excès de vitesse… et encore moins quand celui-ci n’a pas de plaque d’immatriculation permettant de le retracer. Interrogés pour en savoir plus sur les coulisses du tournage, l’agence de publicité BETC et l’agence de production Soldats TV, n’ont pas répondu à nos sollicitations.D’après les informations données par la Sécurité routière, en charge de tous les radars en France, il apparaît cependant plus probable qu’ils aient embauché de très bons photographes, et utilisé un radar factice. Celui, par exemple, installé devant le magasin Distance, comme expliqué lors de l’opération de communication. «Pour permettre au plus grand nombre de faire tomber le chrono, Distance organisera le dimanche 5 septembre, à la suite du semi-marathon de Paris, un concours de vitesse avec un radar installé directement dans sa rue, au 14 rue des filles du calvaire 75003 Paris. Chacun pourra ainsi donner le meilleur de soi et savoir s’il a la trempe d’un Outlaw Runners.» Si vous avez manqué cet événement, il est donc probablement inutile d’enchainer les sprints devant le radar de votre quartier.