après je me refais un café et ensuite j’essaie de faire une sieste quand il n’y a pas trop de bruit Je ne comprends toujours pas ce qu’il s’est passé dans ma tête Un jour, ils diront que je suis à l’origine de la disparition des dinosaures… lol. »
L’homme berne tout le monde. Il a même osé demander à l’aumônier de la prison d’aller se recueillir sur la tombe de Maëlys. Requête accordée
Nordahl Lelandais pratique une forme d’art épistolaire. Ses quelques visiteurs, en dehors de sa mère, de son frère, de sa demi-sœur et de son neveu, le décrivent charismatique, sensible. Devant ses confidents, il s’épanche sur ses douleurs, se plaint du manque de liberté, évoque sa nostalgie pour les parties de pêche dans la rivière Guiers, les balades autour du lac d’Aiguebelette avec ses chiens et les virées à moto. Rarement, l’homme manifeste des regrets. Il osa pourtant demander à son aumônier d’aller prier sur la tombe de Maëlys… Requête accordée.Disparition de Maëlys : le mystère LelandaisPlacé à l’isolement au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, Lelandais a pris ses aises. Il emprunte des livres à la bibliothèque, dont un sur les moines de Shaolin et un autre sur le kung-fu, dessine et prend des cours par correspondance, son statut de prisonnier « vulnérable » l’empêchant de travailler dans les ateliers. Ses comptes sont pleins, approvisionnés par sa mère et cette amie, Nathalie, qui lui versait, jusqu’à il y a peu, 250 euros chaque mois. Tombée sous le charme de « Nono », elle lui aurait aussi acheté un ordinateur portable à 2 000 euros, rapporte un membre de l’administration pénitentiaire qui avertit : « C’est un dangereux manipulateur. Lelandais peut berner tout le monde, il a une haute estime de lui-même. » Le prisonnier peut se montrer hautain envers le personnel, vantard lorsqu’il s’agit de dévoiler ses muscles taillés par le sport. « Il ne s’inquiète que de sa petite personne, aimant qu’on parle de lui, bougonnant quand on l’appelle “l’autre” », poursuit la même source, évoquant le témoignage de la famille du caporal Noyer, qui, appelée à la barre, refusait de prononcer son nom. Attentif, procédurier, il s’attacherait à décortiquer chaque article le concernant et consulterait souvent son dossier pénal, qu’il annote de petites observations pour mieux préparer sa défense et ses rendez-vous réguliers avec son avocat, Alain Jakubowicz.
Les langues se délient. Il séduit autant qu’il insupporte mais « Nono le rigolo» ne fait plus rire personne
caporal de 24 ans Elle laisse sa fille discuter avec lui 34 ans à l’époque Le trentenaire est questionné une première fois, le 27 août à 16 h 25. Aussitôt après son interrogatoire, il lave avec minutie sa voiture durant plus de deux heures. Il rince l’intérieur de l’habitacle au jet à haute pression, s’attarde sur l’intérieur de la porte passager pendant vingt-cinq minutes puis sur les tapis du coffre pendant quarante-sept autres minutes. Enfin, au lieu de se débarrasser des lingettes usagées dans la poubelle proche, il les garde. Nordahl Lelandais est méticuleux. Mais les produits utilisés, pyrazine et éthanol, feront vomir les chiens renifleurs… L’étau se resserre. À l’automne 2017, il est mis en examen pour séquestration et meurtre dans l’affaire Maëlys.Pendant des mois, il clame son innocence, s’ingéniant à brouiller les pistes. C’est une microgoutte de sang dénichée sous les tapis du coffre de son Audi qui scelle son sort. Le 14 février 2018, l’homme craque : « Cette petite, je l’ai tuée involontairement », dit-il en pleurant avant de conduire les enquêteurs sur les lieux où les restes de Maëlys sont retrouvés, éparpillés dans les bois d’Attignat-Oncin, à une quinzaine de kilomètres de Pont-de-Beauvoisin, lieu de sa disparition. Lelandais connaît le coin par cœur, il l’arpentait avec ses chiens, Tyron et Câline.Dans son entourage, les langues se délient, « Nono le rigolo » ne fait plus rire personne. Les gendarmes ciblent sa personnalité, ses failles, son enfance. Un de ses vieux amis se souvient d’un cadre familial « un peu glauque, mais pas méchant. Dans le salon, il y avait des fœtus d’animaux plongés dans des bocaux remplis de formol. On trouvait ça bizarre, mais, ses deux parents travaillant dans le secteur médical, on s’est dit que c’était à eux ». Au cours des interrogatoires, le suspect demeure laconique au sujet de sa jeunesse, qu’il qualifie de « normale », jurant n’avoir jamais subi de « violences sexuelles ». Mais une expertise psychologique, que Match a pu consulter, révèle un passé pas si « normal », notamment un foyer désuni. Le père ? Distant, froid, rejeté lui-même par son père, il a répété sur son fils sa propre histoire traumatique. À l’inverse, sa mère lui voue un amour absolu, une dévotion presque malsaine. Adulte, Nordahl Lelandais séduit autant qu’il insupporte. Des proches nous le décrivent « serviable, tendre, respectueux mais paumé », quand d’autres, la plupart, dénoncent sa violence, son impulsivité, sa dépendance à la cocaïne et à l’alcool. « C’est un fainéant, bagarreur, borné, mythomane ! » résume un ancien employeur.
Le jour du mariage, Lelandais consulte des sites pédopornographiques. Vingt-quatre heures après la mort de Maëlys, il se connecte à nouveau
vidéos et documents, les analyses de ses téléphones portables, de son ordinateur et de ses disques durs dévoilent l’horreur : près de 314 fichiers obscènes, dont deux prouvant les agressions sexuelles sur ses deux petites-cousines.La première, datée du 11 juillet 2017, longue de cinquante-cinq secondes, filme en gros plan le sexe d’une petite fille, le doigt d’un homme sur sa culotte orange. La deuxième montre le même individu caresser avec son pouce le sexe d’une fillette endormie. Deux minutes insoutenables tournées le 20 août 2017, à 2 h 14. Soit une semaine avant la disparition de Maëlys… Les enquêteurs ont pu déterminer que, le jour du mariage, Lelandais a consulté des sites pédopornographiques surveillés par Interpol, dont un spécialisé dans les enfants de 3 à 10 ans. Le lendemain, à 20 h 42, presque vingt-quatre heures après la mort de Maëlys, il se connectait à nouveau…
Chaque mois, une femme sous le charme de «Nono» lui verse 250 euros
Autre élément troublant : les soirs des deux meurtres, Lelandais a cherché à assouvir une pulsion sexuelle, pressant par SMS ses ex de le recevoir au milieu de la nuit. Sans succès. Il dira à l’une d’entre elles que, si elle lui avait répondu la nuit des faits, « ça aurait tout changé, putain ». On lui demande pourquoi : « Si j’étais parti du mariage, il ne se serait pas passé ce qu’il s’est passé… » Lelandais a le don de rejeter la faute sur autrui. Selon plusieurs expertises psychologiques, l’accusé, jugé « narcissique », présente une « dangerosité criminologique extrêmement importante ». Défavorablement remarqué pour « son mépris des normes, des règles et des contraintes sociales, une faible tolérance à la frustration, un sentiment de vide, d’ennui et d’abandon et une tendance à la manipulation », l’homme « a toujours besoin de vérifier qu’il est en vie, dans une excitation permanente, consommant drogues, alcool, femmes, hommes, enfants ».Face à l’évidence, Nordahl Lelandais ne cille pas. Comme lorsqu’il pratiquait la boxe thaïlandaise, il esquive les attaques. Cadenassé dans ses incohérences depuis quatre ans, il ne semble jamais à court d’explications. Face à lui, magistrats et enquêteurs doivent arracher de haute lutte de vraies phrases, car selon ces derniers : « Il adapte ses réponses aux questions posées ; il navigue entre le défi et le déni ; il s’arrête de parler en attendant de voir ce qu’on a, ou parle trop, en donnant trop de précisions. » En stratège, il maintient ses explications tant qu’on ne lui prouve pas l’inverse. « Un homme intelligent, réfléchi, tactique », observe Me Bernard Boulloud, conseil de la famille Noyer. Il est le seul avocat des parties civiles à avoir assisté aux interrogatoires menés par le juge d’instruction. « Il était toujours poli, courtois. C’est un ancien soldat au sang froid, imperturbable, qui maîtrise parfaitement les codes humains et son dossier. Surtout, il jouit de la souffrance des autres… » Jusqu’à présent, l’accusé, équivoque sur les circonstances de la mort de Maëlys, dément toute agression sexuelle. Les parents de cette dernière, divorcés depuis quelques mois, défendus par Me Rajon et Me Laurent Boguet, ne croient pas à sa défense. « On n’attend rien de lui », lâche Séverine, tante maternelle de la petite fille. À la barre, lors du procès Noyer, Nordahl Lelandais avait lancé : « Le chien est un animal qui fait partie de moi. » Selon une autre expertise psychique, le prisonnier assimilerait « leur animalité, leurs instincts, perdant ainsi une part de son humanité », réduisant ses « victimes à l’état d’objets qu’il pouvait laisser se décomposer en dehors de tout sentiment de honte ou de culpabilité ». François Danet, psychiatre, dira : « S’il avance dans le sens d’une parole authentique, le risque est qu’il s’effondre psychologiquement. S’il se ferme, il n’y aura pas de cheminement. C’est le silence ou un gouffre abyssal. » Quel chemin Nordahl Lelandais va-t-il cette fois emprunter ? * Le prénom a été modifié.Toute reproduction interdite