Le vrai ou faux junior répond aux questions sur l'intelligence artificielle


Comment fonctionnent les intelligences artificielles ? Peut-on leur faire confiance ? Sihem Amer-Yahia, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des IA répond aux élèves des collèges Emile Combes, en Gironde, André Derain, dans les Yvelines et Jean Perrin dans les Hauts-de-Seine.

Publié le 15/03/2024 17:47

Le vrai ou faux junior répond aux questions sur l'intelligence artificielle

Temps de lecture : 6 min

Les robots conversationnels comme Chat GPT ou Mistral sont une forme, parmi d’autres, d’intelligence artificielle. (MIKIMAD / E+)

Alors que le Parlement européen a adopté, mercredi 13 mars, une loi pour encadrer l’usage de l’intelligence artificielle, Le vrai ou faux junior s’interroge sur les origines, le fonctionnement de l’IA et sur la façon dont elle pourrait transformer nos vies.
Sihem Amer-Yahia, directrice de recherche au CNRS et du laboratoire d’informatique de Grenoble, répond aux questions des élèves des collèges  Emile Combes, en Gironde, André Derain, dans les Yvelines et Jean Perrin dans les Hauts de Seine.

D’où viennent les ressources de l’IA ?

L’intelligence artificielle se définit comme l’ensemble des techniques et des idées qui permettent, avec une machine, d’imiter l’intelligence humaine. L’une des plus connues, c’est ChatGPT, le robot avec lequel on discute et qui a été inventé par la société américaine Open AI en 2022. Mais quelle est la plus vieille, se demande Karol ? Les IA sont nées dans les années 1950, explique Sihem Amer-Yahia. Pour elle, et ce n’est pas forcément l’avis de tous les chercheurs, la première intelligence artificielle est le jeu de dames créé en 1952 par Christopher Strachey, un informaticien anglais. « D’où viennent les ressources de l’IA ? », interroge Jeanne. Pour faire fonctionner une intelligence artificielle, pour l’entraîner, comme on dit en informatique, il faut la nourrir avec des données. Sihem Amer-Yahia nous donne un exemple : « Si une IA est entraînée pour prédire l’état de santé d’un patient, ce sont des données de patients, fournies par un hôpital, des données de mesures cliniques, de sorte que cette IA apprenne à prédire l’état de santé ». 
Une intelligence artificielle a aussi besoin d’algorithme pour savoir trier ces données. Et enfin de ressources en calcul, c’est-à-dire des ordinateurs qui vont traiter et stocker les données.

Une IA peut-elle avoir tort ?

« Une intelligence artificielle peut-elle ne pas trouver une réponse à une question ? », demande Anna. Si tu interroges une intelligence artificielle générative, comme ChatGPT ou Mistral, à propos d’un domaine pour lequel elle ne dispose pas de données, elle ne pourra pas répondre. Même chose, si tu lui demandes des informations à propos d’une actualité très récente, comme une catastrophe naturelle. Il faut que le programme soit mis à jour. Depuis sa création en 2022, il y a déjà eu quatre versions de Chat GPT.

Peut-elle usurper une identité ?

« L’IA peut-elle usurper notre identité ? Faire dire ou faire des choses à une personne qu’elle n’a jamais dite ou faite ? », se demande Aymen. Disons plutôt qu’une intelligence artificielle peut donner l’impression, avec une photo ou une vidéo, que quelqu’un a faite ou dit quelque chose, alors que ce n’est pas la réalité. C’est ce qu’on appelle un deepfake, un hypertrucage. En février 2024, par exemple, un faux journal d’information de la chaîne France 24 a circulé sur internet. On voyait un présentateur annoncer qu’Emmanuel Macron avait été victime d’une tentative d’assassinat. En fait, une IA a été utilisée pour superposer au visage du journaliste une voix et un message qui n’était pas les siens.
« Est-il vrai que 50% des élèves de collège et de lycée utilisent ChatGPT ? », comme l’a lu Nolan. Nous n’avons pas trouvé d’étude menée avec des collégiens et des lycéens. En revanche, il existe une enquête réalisée par l’institut de sondage Le Sphynx et l’entreprise Compilatio auprès de 4 400 étudiants, entre juin et août 2023. Plus de la moitié (55%) d’entre eux dit avoir utilisé, au moins occasionnellement, un programme d’intelligence artificielle dans leurs recherches.

Quelles professions pourraient être remplacées par l’IA ?

« Les intelligences artificielles vont-elles remplacer les professeurs ? », nous questionne Capucine. Pour la chercheuse Sihem Amer-Yahia, les IA ne peuvent pas se substituer aux professeurs, parce que le rôle de l’enseignant n’est pas simplement de nous transmettre des savoirs. L’échange humain est essentiel à l’apprentissage.
Selon elle, l’IA est un outil permettant d’augmenter les capacités des professeurs et des élèves : »C’est par exemple faciliter certaines tâches comme noter les étudiants ou aider à coordonner une classe ou quand on a besoin, en tant que professeur, de créer des équipes. Une IA peut être utilisée avec les paramètres qu’il faut pour proposer un regroupement des élèves sur la base de leurs compétences complémentaires ». 
Y a-t-il d’autres métiers qui pourraient être totalement remplacés par l’IA ? À cette question d’Hugo, Sihem Amer-Yahia répond que pour de nombreux métiers, l’intelligence artificielle va permettre de supprimer certaines tâches répétitives, comme le tri du courrier par exemple. Des disparitions de métiers pourraient potentiellement intervenir dans le secteur du transport avec le développement des voitures autonomes, ces véhicules qui fonctionnent sans conducteur ou dans les entreprises de la télécommunication.

L’IA peut-elle ressentir des émotions ?

Kristopha va encore plus loin dans la réflexion : « L’intelligence artificielle va-t-elle dépasser l’intelligence humaine ? », demande-t-elle. « C’est une question difficile, répond Sihem Amer Yahia. L’IA, c’est un algorithme qui est capable d’aller très vite, donc sur beaucoup de choses où on a besoin d’une réflexion rapide, c’est possible que la machine, que l’IA, aille plus vite que l’humain. C’est déjà le cas. Surtout lorsqu’on traite de très gros volumes. Sur d’autres aspects où la vitesse ne compte pas autant, la créativité, l’échange entre les individus, là, il y a encore beaucoup de chemin à faire ».
« Est-ce vrai que l’IA peut ressentir des émotions ? », nous demande Jeanne. Non, répond la chercheuse Sihem Amer-Yahia. »L’IA peut avoir un modèle émotionnel qu’elle va interpréter et se rapprocher le mieux possible de l’émotion qu’on pourrait ressentir en tant qu’êtres humains en lisant un texte, par exemple. En d’autres termes, si on demande à une IA ‘voici un poème, quelles émotions ressentez-vous ?’, Elle pourrait dire ‘Moi je ne ressens rien, je suis une machine. Mais si j’étais un être humain, je pourrais ressentir telle ou telle chose. »
L’IA ne peut pas ressentir d’émotions mais elle peut en susciter. Certaines images, de paysage par exemple, créée par l’intelligence artificielle arrivent à nous toucher, à nous émouvoir. C’est parfois très troublant !