Odeurs non-conscientes et trop plein d’informations : lien entre surpoids et environnement obésogène ?


Est-ce que les odeurs que nous percevons de manière non-attentive ont une influence sur nos choix alimentaires ? Oui. Des chercheurs d’INRAE ont montré par le passé que, par exemple, une odeur d’aliment gras-sucré donne plus envie de choisir des aliments, comme des gâteaux qui correspondent à cette odeur3. Mais ces odeurs ont-elles une influence sur notre contrôle et notre inhibition vis-à-vis de ces aliments caloriques ?

C’est ce qu’ont cherché à comprendre des scientifiques du CSGA de Dijon (INRAE/CNRS AgroSup Dijon/Université de Bourgogne) : les odeurs impactent-elles notre capacité à réagir et à nous retenir face à certains aliments ? Le statut pondéral joue-t-il aussi un rôle ?  Pour cette étude, ils ont fait réaliser une tâche cognitive informatisée à des individus de poids normal, en surpoids ou en obésité : ils devaient détecter des images cibles et ignorer des images distractives en fonction des consignes entendues, sans qu’ils soient informés qu’ils étaient exposés à des odeurs. En effet, les personnes portaient un casque avec un micro pour entendre les instructions, et c’est la mousse recouvrant le micro qui était imprégnée subtilement d’une odeur, soit de poire (aliment peu calorique), soit de quatre-quarts (aliment calorique), soit non odorisée. A l’écran, des images d’aliments et d’objets apparaissaient successivement. Les volontaires devaient, soit détecter les images d’aliments et ignorer les images d’objets, soit l’inverse. Ces deux consignes alternaient plusieurs fois, ce qui augmentait temporairement le nombre d’informations à retenir, et donc, la difficulté de la tâche (aussi appelée « charge cognitive »). Le temps de réaction et les capacités de contrôle ont été mesurés en situation de charge cognitive (plus ou moins d’informations à retenir) et selon l’exposition à différentes odeurs.

Les résultats indiquent que les odeurs, même non attentivement perçues, ont eu un impact sur la réactivité puisque les participants en surpoids et en obésité étaient plus lents lorsqu’ils avaient été respectivement exposés à une odeur de poire et de quatre-quarts que lorsqu’ils avaient été exposés à aucune odeur. Les odeurs n’ont pas eu d’effet sur le contrôle inhibiteur quel que soit le statut pondéral des individus. En revanche, la charge cognitive a une influence puisque les participants ont fait plus d’erreurs et ont eu plus de difficultés à se contrôler face aux images d’aliments quand ils avaient une quantité d’informations importante à garder en mémoire. Ainsi, bien que l’attention des individus en obésité soit automatiquement plus attirée par des images d’aliments caloriques lorsqu’ils sont exposés à une odeur d’aliment gras-sucré1 (processus cognitif de bas niveau), cela ne semble toutefois pas affecter leurs capacités de contrôle (processus cognitif de haut niveau).

Ces travaux permettent de mieux comprendre comment le traitement cognitif d’informations de l’environnement peut influencer le comportement alimentaire chez des personnes de statuts pondéraux différents et d’identifier quelles sources de vulnérabilité peuvent les amener à avoir des comportements délétères pour leur santé.

 

1 Mas, M., Brindisi, M.-C., Chabanet, C., Nicklaus, S., Chambaron, S. (2019). Weight Status and Attentional Biases Toward Foods: Impact of Implicit Olfactory Priming. Frontiers in Psychology. Volume 10:1789. 10.3389/fpsyg.2019.01789

2 Tendance à orienter automatiquement son attention vers un type particulier de stimuli

3 Chambaron, S., Chisin, Q., Chabanet, C., Issanchou, S., & Brand, G. (2015). Impact of olfactory and auditory priming on the attraction to foods with high energy density. Appetite, 95, 74–80.

4 Les statuts pondéraux sont définis à partir des indices de masse corporelle (IMC) : entre 18 et 25 kg/m2 pour un poids normal, de 25 à 30 kg/m2 pour le surpoids et entre 30 et 40 kg/m2 pour l’obésité

 

Référence

Mas M, Brindisi MC, Chabanet C, Chambaron S (2020) Implicit food odour priming effects on reactivity and inhibitory control towards foods. PLOS ONE 15(6): e0228830. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0228830

Ce travail est réalisé dans le cadre du projet « ImplicEAT » financé par l’ANR (ANR-17-CE21-0001)