Omicron sera-t-il le dernier variant préoccupant  ? Ce que répond un spécialiste en évolution des virus : Coronavir...


Son émergence est encore assez mystérieuse même s’il existe plusieurs hypothèses. Notamment celle d’un variant circulant à bas bruit et qu’on n’aurait détecté que récemment. Elle paraît néanmoins peu plausible, vu l’avantage qu’Omicron a l’air d’avoir par rapport aux autres variants. Peut-être que son potentiel de transmission qu’on lui connaît, aujourd’hui, est dû à une combinaison particulière de ses mutations et que son apparition est simplement due au hasard.Benjamin Roche est spécialiste de l’écologie de l’évolution des agents pathogènes et de la santé au laboratoire MIVEGEC, à Montpellier. R.)

Une autre hypothèse avance que le virus a pu incuber et muter en Afrique du Sud chez une personne porteuse du VIH immunodéprimée. Qu’en pensez-vous ?

Il a été identifié en Afrique du Sud mais ça ne veut pas dire qu’il a émergé là. Il a été détecté de manière quasi concomitante à Hong Kong et dans d’autres pays. Il est d’ailleurs dangereux de donner une nationalité à un variant parce qu’immédiatement, les lignes aériennes se ferment, ce qui pèse lourd sur l’économie. Si les pays qui déclarent des émergences de variants sont pénalisés ainsi, le risque est grand d’en pousser certains à être moins transparents.

Omicron sera-t-il le dernier variant préoccupant  ? Ce que répond un spécialiste en évolution des virus : Coronavir...

Peut-on aujourd’hui affirmer qu’Omicron est moins dangereux que les variants précédents ?

Il semble qu’il génère moins de formes graves, ce qui est une bonne nouvelle. En revanche, deux choses sont plus inquiétantes  : il a l’air de se transmettre un peu plus et, surtout, il présente une probabilité d’infection plus forte chez des personnes qui ont déjà acquis une immunité, soit par la vaccination, soit par une précédente contamination. Si ces éléments se confirment, on risque d’avoir une épidémie assez longue et forte en Europe. Par ailleurs, il faut faire attention aux comparaisons avec l’Afrique du Sud qui a déjà passé un premier pic de contaminations. On doit notamment tenir compte du fait que les conditions météorologiques ne sont actuellement pas les mêmes qu’en Europe.

Pourquoi Omicron est-il devenu dominant si rapidement ? Est-il, intrinsèquement, beaucoup plus contagieux que Delta ou profite-t-il de sa plus grande capacité à échapper à l’immunité acquise ?

Un peu des deux. Contre le variant Delta, l’immunité acquise par de précédentes infections ou la vaccination restait assez robuste. Et malgré tout, il est devenu majoritaire assez rapidement car il a été aidé par son potentiel de transmission beaucoup plus important que le variant historique. Pour Omicron, le fait qu’il y ait cette perte d’immunité, qu’on soit moins protégés contre lui, si on a été vaccinés ou si on a déjà fait un covid, est un avantage déterminant.

Olivier Véran, le ministre de la Santé, a suggéré qu’Omicron serait « peut-être le dernier variant ». Cette hypothèse peut-elle se concrétiser ?

Il faut faire très attention car, depuis le début de l’épidémie, il a souvent été dit qu’on voyait le bout du tunnel, qu’il s’agissait de la dernière vague, du dernier variant. Or, l’évolution des virus est un sujet extrêmement compliqué. Leur génome comporte des milliers de paires de bases, les combinaisons possibles se représentent en milliards de milliards et toutes n’ont pas été testées, c’est clair. Donc, dire qu’Omicron est le dernier variant, on n’en sait rien, même si c’est une possibilité.Chez des virus bien connus comme Influenza, responsable de la grippe, on a l’équivalent de variants qui circulent pendant deux, trois, quatre ans, puis sont remplacés par un autre, sans forcément de changement de transmissibilité ou de sévérité. Cette évolution graduelle qu’on observe depuis 50 ans répond à l’immunité qui monte en population  : à un moment, un variant suffisamment différent pour avoir un avantage sélectif, va commencer à se propager.Le Sars-CoV-2 ne va pas arrêter d’évoluer, c’est une certitude. Est-on arrivé à une forme d’équilibre avec Omicron ? L’avenir le dira. Mais aujourd’hui, rien ne permet de dire qu’on a assisté, pour la dernière fois, à l’émergence d’un variant préoccupant.

Un nouveau variant qui prendrait le pas sur Omicron serait-il forcément moins virulent ? Ou, au contraire, pourrait-il être plus sévère ?

Une théorie classique en épidémiologie veut que plus les maladies se transmettent de manière importante, moins elles sont virulentes. La tendance inverse se vérifie aussi  : moins un virus se transmet, c’est le cas d’Ebola, plus il est virulent parce qu’il est mal adapté à l’homme. On a néanmoins des contre-exemples comme le paludisme qui est une maladie qui se diffuse beaucoup et demeure très virulente. Les lois de la nature ne nous mettent pas à l’abri d’un variant qui serait plus sévère, il y a une bonne part de hasard dans tout cela.

L’« objectif » d’un virus est de ne pas tuer son hôte, en tout cas pas trop vite

Mais si le Sars-CoV-2 s’adapte de mieux en mieux à l’homme, ne va-t-il pas devenir forcément moins « méchant » ?

Quand un virus connaît mal les cellules humaines, il se réplique de façon un peu anarchique. En caricaturant, on peut dire qu’il casse un peu tout à l’intérieur, il est donc beaucoup plus virulent. Mais un virus, c’est quelque chose de très bête  : son objectif est de se transmettre le plus possible. Or, s’il tue rapidement les personnes qu’il infecte, il ne se diffuse pas car il s’éteint avec cette mort. Son « objectif » est nécessairement de ne pas tuer son hôte, en tout cas, pas trop vite. Quand un virus constate que l’homme est un hôte intéressant, que, grâce à lui, il peut se transmettre de façon importante, les variants qui vont être sélectionnés sont ceux qui s’adaptent le mieux à lui et seront donc moins méchants. Mais comme il va exploiter son hôte, cela va quand même générer de la létalité, surtout chez les personnes fragiles.

Comment éviter l’émergence d’un nouveau variant ? Par l’immunité naturelle, en laissant filer le virus ?ou doit-on utiliser massivement les vaccins ?

Laisser le virus courir est un pari très risqué, car même avec une létalité qui serait dix fois moindre que le variant historique, Omicron peut quand même générer des dizaines de milliers de morts. Ce n’est clairement pas une bonne solution. Aujourd’hui, la plupart des personnes vaccinées le sont dans des pays riches. On a un virus qui circule de manière plus importante dans les pays aux ressources économiques limitées. Or, si on empêche le virus de se transmettre, on diminue la probabilité d’apparition d’une combinaison de mutations qui rendent un variant plus compétitif. Il faut donc un effort global de vaccination. Toutefois, vacciner en Afrique de manière non ciblée n’a pas de sens car on s’est rendu compte, au travers d’enquêtes sérologiques, qu’environ 70 % de la population a été exposée au virus dans les principaux pays du continent. Il est nécessaire de privilégier les personnes fragiles et le personnel de santé.