pourquoi l’OMS s’inquiète-t-elle de la recrudescence de cas de mpox en Afrique ?


Une nouvelle souche de la variole du singe, détectée dans plusieurs pays du continent, présente des symptômes plus violents et un taux de mortalité plus élevé que les précédentes.

Publié le 08/08/2024 16:53

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Le siège de l’Organisation mondiale de la santé, à Genève en Suisse, le 18 août 2022. (BENJAMIN POLGE / HANS LUCAS / AFP)

Depuis plusieurs semaines, les cas de mpox, anciennement appelée variole du singe, se multiplient sur le continent africain. Une nouvelle souche du virus, d’abord identifiée en République démocratique du Congo (RDC) puis signalée dans plusieurs pays voisins, fait craindre une propagation de ce virus. Le comité d’urgence de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) se réunira « dès que possible » pour évaluer s’il faut décréter le plus haut degré d’alerte face à l’épidémie, a annoncé Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS, mercredi 7 août sur le réseau social X.
Cette qualification est la plus haute alerte que l’organisation peut déclencher. Franceinfo vous explique pourquoi l’OMS envisage cette mesure, et s’inquiète de la recrudescence des cas en Afrique.

Une nouvelle souche, plus dangereuse, a été détectée

Le virus de la variole du singe a été découvert pour la première fois chez des humains en 1970, dans l’actuelle RDC. Au fil des ans, plusieurs variants ont été observés. Il y a deux ans, une épidémie mondiale, portée par le sous-type clade 2, s’est propagée dans une centaine de pays où la maladie n’était pas endémique. Face à cette flambée de cas, l’OMS avait décrété l’alerte maximale en juillet 2022, puis l’avait levée moins d’un an après, en mai 2023. Cette poussée épidémique avait concerné une centaine de pays, pour près de 100 000 cas et 140 décès recensés en tout par l’OMS entre 2022 et fin 2023.
La souche que l’OMS surveille désormais, baptisée clade 1b, a été découverte en RDC en septembre 2023. Elle est plus mortelle et plus transmissible que les précédentes. Ce variant fait apparaître des éruptions cutanées sur tout le corps, quand les précédentes souches étaient caractérisées par des éruptions et des lésions localisées, sur la bouche, le visage ou les parties génitales.
L’OMS est d’autant plus inquiète que le taux de mortalité de cette souche qui peut atteindre 5% chez les adultes et 10% chez les enfants. Les variants précédents touchaient surtout des hommes homosexuels et bisexuels. Mais cette fois, des nombreux cas de transmissions lors de rapports hétérosexuels ou sans contact sexuel ont été recensés, notamment entre mère et enfants, ou entre enfants au sein d’écoles. De nombreuses fausses couches ont également été recensées, et les chercheurs étudient d’éventuels effets sur la fertilité.

L’épidémie se propage vite

« Depuis le début de l’année, la RDC connaît une grave épidémie de mpox, avec plus de 14 000 cas signalés et 511 décès », a annoncé Tedros Adhanom Ghebreyesus, mercredi 7 août. Il a ajouté que « le nombre de cas signalés au cours des six premiers mois de cette année est égal à celui de toute l’année dernière, et le virus s’est propagé à des provinces qui n’étaient pas touchées auparavant ».
« La maladie a été enregistrée dans les camps de déplacés autour de Goma, au nord-est de la RDC, où l’extrême densité de la population rend la situation très critique. Les risques d’explosion sont réels vu les énormes mouvements de population » dans cette région de conflit, frontalière de plusieurs pays, a précisé à l’AFP le coordinateur médical de Médecins sans frontières (MSF) en RDC, Louis Albert Massing. Goma dispose en outre d’un aéroport international, ce qui augmente le risque de transmission du mpox dans d’autres pays.
En deux semaines, le virus s’est ainsi propagé à l’étranger. Des cas ont été observés en Ouganda, au Burundi, au Rwanda, au Kenya et en Côte d’Ivoire. Cette propagation est d’autant plus inquiétante que ces pays « n’ont pas cette maladie de façon endémique, (…) ça veut dire que c’est une extension de l’épidémie qui sévit en RDC et en Afrique centrale de façon générale », explique à l’AFP Rosamund Lewis, responsable de la riposte face au virus à l’OMS.

Il n’existe pas de traitement contre la maladie

Le patient infecté par la variole du singe subit une fièvre, de forts maux de tête, des douleurs musculaires, une inflammation caractéristique des ganglions lymphatiques, des maux de dos et une grande fatigue. D’après l’OMS, il n’existe pas de traitement spécifique pour cette infection. Les symptômes disparaissent spontanément.
Deux vaccins spécifiques sont recommandés, mais peu de doses sont disponibles. Les patients vaccinés jeunes présentent des symptômes moins violents, mais les campagnes d’injections contre la variole ont pris fin en 1980, après l’éradication de la maladie. « Par conséquent, à l’heure actuelle, les personnes âgées de moins de 40 à 50 ans (selon le pays) peuvent être plus sensibles à la variole du singe », précise l’OMS. Par ailleurs, on ne connaît pas encore précisément le degré d’efficacité de ces vaccins face à la nouvelle souche du virus.

L’OMS a besoin de financement pour endiguer l’épidémie

Tedros Adhanom Ghebreyesus a déclaré, mercredi, s’inquiéter de la possibilité « d’une nouvelle propagation internationale à l’intérieur et en dehors de l’Afrique ». « Compte tenu de la propagation du mpox en dehors de la RDC », « j’ai décidé de convoquer un comité d’urgence (…) afin qu’il me conseille sur la question de savoir si l’épidémie constitue une urgence de santé publique de portée internationale », a déclaré le directeur général de l’organisation mercredi. « Le comité se réunira dès que possible », a-t-il ajouté, précisant qu’il souhaite que les deux vaccins disponibles puissent être inscrits sur la liste des outils d’urgences sûrs de l’OMS, afin d’accélérer leur distribution.
L’organisation collabore avec les gouvernements des pays touchés et d’autres partenaires pour comprendre les facteurs de ces flambées et y remédier. « L’arrêt de la transmission nécessitera une réponse globale », a assuré Tedros Adhanom Ghebreyesus, soulignant que l’OMS conseille de « ne pas imposer de restrictions aux voyages vers les pays touchés ».
L’institution a aussi élaboré un plan d’action régional qui nécessite 15 millions de dollars pour soutenir les activités de surveillance, de préparation et d’intervention contre la maladie. « Un soutien financier est nécessaire face au mpox. Nous devons intensifier la réponse pour faire face à une épidémie dans plusieurs pays, en particulier en ce qui concerne le clade 1b », a déclaré Maria Van Kerkhove, responsable de la préparation aux épidémies et pandémies au sein de l’OMS. De leur côté, les Etats-Unis ont annoncé mercredi une aide de 10 millions de dollars pour la RDC, destinée à « l’assistance sanitaire » pour répondre à l’épidémie actuelle.