"On ne les traite plus de sales bougnoules les jeunes de Fontbarlettes mais c'est la seule chose qui a changé"


Après les affrontements violents entre bandes à Fontbarlettes en mai dernier, nous avons fait le choix d’aller à la rencontre de plusieurs habitants de deux quartiers prioritaires de Valence. Rencontre avec ceux qu’on entend rarement : les jeunes de 18/25 ans, et leurs aînés, dans un bar à Chicha.

 Tout est parti d’une vidéo sur les réseaux sociaux. Plusieurs personnes vêtues de noir, cagoulées se tirent dessus à balle réelles et sont filmées par une voisine visiblement apeurée. Evidemment la vidéo fait le tour des réseaux sociaux, émeut les politiques et l’opinion publique. Nous avons décidé d’aller dans ce quartier à la rencontre des habitants pour entendre leurs propres mots et pas ceux des experts, ou des observateurs sur leurs réalités. 

 » Vous êtes venue toute seule? »

 » Je remercie à mon tour en disant que c’est mon boulot et en proposant de leur offrir un thé  : “Ah non /h2>” Je suis bien d’accord avec lui Partez !” Je lui réponds que c’est vrai je ne changerai rien, je ne suis pas là pour ça. “Bah alors vous servez à quoi ?”. En silence je me dis que j’aimerais bien avoir la réponse à cette question et je réponds : “Je ne suis pas venue avez des solutions, juste avec une proposition de vous exprimer librement en essayant de pas vous mettre dans des cases.” 

Crier dans le désert depuis 40 ans 

Le ton monte, j’explique que je ne veux pas créer de problèmes. Ibrahim m’interrompt. « Ça va  ! On se connaît depuis qu’on est petits ! Allez-y discutez.  » Et là c’était parti pour une heure de conversation à bâtons rompus. Impossible de rendre compte de tous ces échanges dans le détail.  Mais il en ressort principalement le sentiment que la situation s’est dégradée ces quinze dernières années, que les habitants dénoncent une rupture avec le reste de la ville et beaucoup ont la conviction d’avoir été coupé dans leur élan à l’adolescence.  

Quand l’univers se rétrécit 

MARIE

Moi je suis allé à Cassis, à Saint-Tropez.Aujourd’hui il n’y a plus tout ça.  Je les comprends les jeunes vous croyez que c’est facile de sortir du quartier? » Pourtant à Valence il y a deux maisons pour tous. Dans le quartier de Fontbarlettes, l’équipe, tout le monde le reconnaît est très dynamique. “Oui ils sont super !” reconnaît l’un des jeunes en survêtement blanc en soufflant un nuage de fumée, la chicha à la main. Educateurs, animateurs, intervenants se démènent pour trouver des idées qui rassemblent. Jennyfer, la responsable du secteur jeunesse que j’ai rencontrée un peu plus tôt dans la journée n’en finit plus d’énoncer les activités proposées et les idées pour occuper l’espace et aller vers les jeunes. Une dynamique semble enclenchée avec cette équipe mais beaucoup ont encore le sentiment d’être sur le carreau.  

“Même si tu t’habilles en jean, on veut pas de toi »

 Je veux pas faire d’amalgame je veux pas être méchant mais la plupart des gamins ne savent pas par exemple ce qu’est le moyen-âge tout le monde se connaît”  

MARIE

 

« A la fin des années 2000 je suis parti en cacahuètes »

C’est vrai ça volait beaucoup, mais il n’y avait pas la drogue. On est en train d’écrire notre histoire mais regarde ce qu’il se passe dans ce quartier. Nous on se donnait rendez-vous au château d’eau et on se battait à la loyale, mais maintenant les gamins ils ont des armes.”  _”Et avant les violences, on en entendait juste parler, commente Jalal. Maintenant avec les réseaux sociaux on le voit. Et c’est devenu normal. Après ça surenchérit, ça fait partie des raisons qui expliquent que ça dégénère. “  

Génération désorientée

 je l’ai entendue   

Marie

 

« Ton père, il travaille, il est éboueur ? Tu voudrais pas être comme lui? »

Alors je fais de la livraison J’ai compris et n’ai pas insisté. Je suis repartie au pied de la Tour de l’Europe après avoir bu deux excellents thés à la menthe, offerts par la maison.