Il nous répond avant la partie de pelote qu’il doit « juger » le soir même au fronton. L’ancien maire de Gotein-Libarrenx, Arnaud Lougarot, 85 ans, se souvient de ces trois jours de juillet 1963 où le village avait été chamboulé par la venue d’une équipe d’Hollywood. Le pittoresque village souletin en a gardé un grand souvenir. Vous souvenez-vous du tournage ?
Oui, c’était en 63. Le film avait été tourné à Gotein début juillet. Huit jours avant, j’avais eu la visite un dimanche, juste après le repas, de la responsable des figurants. Elle était venue me demander si je pouvais lui trouver quatre curés pour.Il nous répond avant la partie de pelote qu’il doit « juger » le soir même au fronton. L’ancien maire de Gotein-Libarrenx, Arnaud Lougarot, 85 ans, se souvient de ces trois jours de juillet 1963 où le village avait été chamboulé par la venue d’une équipe d’Hollywood. Le pittoresque village souletin en a gardé un grand souvenir. Vous souvenez-vous du tournage ?
Oui, c’était en 63. Le film avait été tourné à Gotein début juillet. Huit jours avant, j’avais eu la visite un dimanche, juste après le repas, de la responsable des figurants. Elle était venue me demander si je pouvais lui trouver quatre curés pour faire une partie de pelote sur le fronton. Je lui avais dit que j’avais vu beaucoup de parties de pelote avec des curés, mais c’était toujours des curés contre des civils. Elle avait donc accepté qu’il y ait deux curés contre deux civils et je me suis retrouvé figurant.
Vous étiez vraiment joueur de pelote : ce n’était donc pas un rôle de composition…
Je pense qu’on m’avait envoyé la responsable des figurants parce que j’étais un ancien joueur de pelote. En 1963, quand le film a été tourné, je venais de terminer ma carrière avec le genou en compote. Autrement, j’avais joué neuf ans au grand chistera. On a tourné cette scène sur le fronton ; deux villageois s’étaient habillés en curé. Un car est arrivé ; il transportait Gregory Peck, le héros du film. On doit me voir dans le film une dizaine de secondes… et encore.
La partie de pelote sur le fronton de Libarrenx dans le film « Behold a pale horse », sorti en 1964.
Columbia
Est-ce la seule scène où vous apparaissez ?
Oui, mais je me suis aussi retrouvé doublure de Paolo Stoppa, un acteur italien qui faisait partie du film. Je devais faire les trajets qu’allait faire l’acteur quand on préparait la caméra. À l’époque, c’était une énorme caméra, il fallait je ne sais combien de temps pour la faire bouger de place. Ce qui fait que je me suis retrouvé tout près des scènes qui étaient tournées. En particulier dans le faux bistrot du village, une maison qui avait une belle terrasse et qui dominait le village de Gotein. Ils avaient installé des tables façon café et j’ai assisté au tournage d’une scène entre Gregory Peck et Paolo Stoppa. Ça avait duré un bon moment parce que la scène avait été perturbée par les poules du propriétaire. Ils avaient dû couper et recommencer en emmenant les poules plus loin, avec quelques grains de maïs.
Gregory Peck remonte dans le bus pour une prise à Gotein-Libarrenx, en 1963.
Le Miroir de la Soule
Aviez-vous parlé avec Gregory Peck ?
mais je n’ai pas eu l’occasion de lui parler. J’aurais eu du mal d’ailleurs, ne parlant pas anglais ; je ne sais pas ce que j’aurais pu lui dire.
Était-il abordable tout de même ?
Je ne sais pas dire. On ne peut pas dire s’il l’était ou pas. Il tournait sa scène et il partait se reposer.
Gregory Peck sur la terrasse du faux bistrot de Gotein-Libarrenx.
Columbia
Jean Badal.
Le Miroir de la Soule
Cela avait dû chambouler tout le village ?
Oui, d’autant que trois joueurs de pelote sur quatre étaient du village, l’autre était de Mauléon. Il devait bien y avoir une quarantaine de figurants du village ce jour-là. Beaucoup de monde était venu de l’extérieur, des curieux. Ils venaient voir le matériel énorme qu’avait amené l’équipe du film. Ils avaient même fait venir un camion de pompiers pour faire la pluie ! Ce qui était amusant aussi, c’est qu’on avait des fauteuils vides puisque les acteurs n’étaient pas là. Il y avait le fauteuil avec le nom d’Anthony Quinn et celui de l’acteur français Raymond Pellegrin. Mais ils n’étaient pas venus à Gotein.
Y avait-il une actrice française dans ce film ?
Il y avait Elisabeth Wiener qui était toute jeune et qui jouait un rôle de boniche. Elle était considérée un peu comme la dernière roue de la charrette. Elle avait son copain qui était là et qui suivait le mouvement. J’avais assisté à une scène où il s’était fait engueuler par tout le monde. Disons que ce n’était pas une vedette. J’ai suivi un peu sa carrière de chanteuse après.
Étiez-vous allé sur le tournage à Pau ?
Non, pas du tout. Et il se trouve qu’au troisième jour de tournage à Gotein, ma femme avait accouché. Je n’avais pas pu assister aux dernières prises de vues. Trois jours de tournage pour quelques minutes dans le film…
Et pour la première, en octobre 1964, au cinéma L’Aragon ?
Non plus. Celui qui avait eu des contacts à l’époque, c’était le curé. L’abbé Sallaberry, qui est décédé maintenant. C’est lui qui avait proposé de tourner des scènes dans le presbytère de la commune à côté du fronton. Aujourd’hui, ce sont des logements loués par la commune.
Le compte rendu de la grande première de « Et Vint le jour de la vengeance » («Behold a pale horse ») dans La République des Pyrénées du 20 octobre 1964.
La République des Pyrénées
Quel sentiment vous habitait à la sortie du film ? Une pointe de fierté ?
c’est d’avoir vu ce tournage qui était intéressant.
Ç’avait été un coup de pub pour la commune ?
Oui enfin, nous avions seulement un petit commerce à l’époque. Deux vieilles dames tenaient le café tout près de la place. Elles avaient été affolées par le mouvement autour du film, avec les machinistes et tout. Tout le monde était venu commander du café mais elles avaient répondu qu’elles ne pouvaient pas. Pour le seul commerce de la commune, ç’a n’avait pas été trop intéressant. À cause de ces braves dames qui avaient été un peu effrayées.
Gregory Peck durant le tournage de « Behold a pale horse » à Gotein-Libarrenx en 1963.
« Le Miroir de la Soule »
Le souvenir de ce film est-il entretenu à Gotein-Libarrenx ?
Et un jour, dans le cadre du festival, on a fait une séance au cinéma Maule-Baitha à Mauléon, où on a passé le film. Après la projection, j’avais pu raconter les souvenirs du tournage.
Reparlez-vous souvent de ce film ?
Oui, j’avais fait un petit article il n’y a pas tellement longtemps dans « Le Miroir de la Soule », où je disais que j’avais tourné avec Gregory Peck. Je précisais très vite qu’on ne me voyait que dix secondes, alors qu’on le voyait tout le film !