Opinion


Publié le 17 déc. 2021 à 10 :04Mis à jour le 17 déc. 2021 à 10 :052021 sera une année record en matière de rapprochement et de fusions (plus de 4.

360 milliards de dollars de deals entre début janvier et fin septembre). On aurait pu craindre que la crise du Covid ne refroidisse les ardeurs, mais visiblement les gestes barrières ne s’appliquent pas aux entreprises, bien au contraire. Comment comprendre le phénomène ? Les motivations formulées par les initiateurs de fusions, quel que soit le secteur, sont les mêmes : acquérir au plus vite une taille critique pour financer les investissements liés à la transition numérique, écologique ou céder une activité non stratégique.

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Dans les phases de fusion, les sujets de marque ont pendant longtemps été mis au second plan « Pour la marque, on verra plus tard ». Et c’est souvent lorsque la conférence de presse de lancement approchait que la question se posait sous une forme assez pragmatique « On met quoi sur le fond de scène ? »Là où la marque aurait pu être vue comme une opportunité, elle était vécue le plus souvent comme une contrainte (difficultés juridiques, coûts de déploiement…). Peu à peu, d’un petit objet symbolique subi, la marque a gagné ses galons au sein des états-majors. Placée au cœur de l’actif immatériel, la marque s’est mise à être évaluée, valorisée, comparée et reconnue.

La période de changement « radical » des entreprises liée aux mutations technologiques et à la transition écologique a fait d’elle aujourd’hui un puissant levier de transformation.

Levier de sens

Les fusions ont en commun avec les périodes de crise l’accélération de tous les rythmes. Il faut aller vite et fort, en étant en mesure d’exprimer une vision claire de l’entreprise issue de la fusion.

En donnant corps à un réel que l’on souhaite voir advenir, la marque tire l’ensemble des acteurs vers l’avant et, telle une pile à combustible, diffuse à tous une énergie positive. Encore faut-il mettre le sujet en amont des mille et une tâches de transformation des organisations et en intégrer les éléments constitutifs : Raison d’être, missions, valeurs, nom, identité visuelle, territoire, couleurs, récit, style, ton de voix… Cela ne doit pas rester l’affaire des spécialistes. Dans un monde saturé d’images, les composantes stratégiques d’une marque concernent le dirigeant au premier chef puisque c’est lui qui sera aux avant-postes de l’énergie et de la dynamique à incarner.

Contrairement à ce qui se dit, l’aspect juridique n’est jamais bloquant. On parvient presque toujours à libérer la marque de ses rêves. La Chine devenant, depuis quelques années, le premier déposant, les autres pays – États-Unis, Union européenne – sont parvenus à améliorer l’information sur les antériorités et renforcer les protections.

Levier managérial

Le seul public pour lequel une fusion est vécue comme un motif d’incertitude voire d’angoisse, c’est le public interne. Dans un contexte mondialisé, avec des tailles d’entreprises parfois inhumaines, l’enjeu de fierté et de motivation des équipes est plus stratégique que jamais.Depuis l’héraldique, on sait combien les symboles sont vecteurs de valeurs et signes de fierté d’appartenance.

Mais là où hier il fallait faire le tour du monde en avion, dans des road-shows aussi épuisants que consommateurs de CO2, la technologie via des conférences en ligne permet, comme l’a récemment montré Arkema, le déploiement d’une nouvelle identité de marque en quelques heures auprès de la quasi-totalité d’un corps social.

Levier opérationnel

Cette rapidité de déploiement est nouvelle et constitue un véritable antidote au poison bien connu des fusions qui échouent : l’incompatibilité des cultures.En réduisant le temps et l’espace, les nouveaux dispositifs de déploiement de marques, tels que le Brand center de Peugeot, permettent aux salariés des entreprises « en fusion » de s’aligner sur un seul et même axe.

Ces outils, qui font la part belle à la vidéo, à l’interaction, et au jeu facilitent l’appropriation par l’écoute et l’échange. Ainsi l’évolution des mentalités et des comportements se fait-elle par la marque.Dans un contexte où les entreprises sont confrontées à de lourds enjeux de transformation qui conditionnent leur survie, incarner le changement à travers une nouvelle marque, y compris au niveau mondial, est devenu une opération plus simple, plus rapide et moins coûteuse.

Les bonnes nouvelles n’étant pas si fréquentes, c’est peut-être, comme on dit dans le commerce… une affaire à saisir !Denis Gancel est président fondateur de l’agence W et enseignant à Sciences Po Paris.