Opinion | Les ressources humaines, nouvelle frontière de la French Tech


Publié le 14 déc. 2021 à 15:29Mis à jour le 14 déc. 2021 à 15:30Si la crise des talents existe depuis déjà longtemps dans différents secteurs, en témoigne celui de la santé, la crise sanitaire ces deux dernières années a activement participé à rebattre les cartes des ressources humaines.D’un côté : le numérique, le télétravail, la reconversion… Les Français se sont massivement remis en question sur ce qui occupe les deux tiers de leurs journées. De l’autre, la French Tech a pris son envol. D’après France Stratégie, organisme chargé de conseiller le gouvernement, l’Hexagone est l’un des premiers pays de la tech en Europe Occidentale. Et d’ailleurs, la France compte désormais 22 licornes, dont la moitié ont passé le cap en 2021.Boostée par la crise sanitaire, l’innovation n’a jamais été autant technologique. Pourtant, derrière la technologie, derrière l’automatisation, derrière la numérisation, se cachent toujours, tout le temps, des femmes et des hommes. Alors que la French Tech peine de plus en plus à recruter pour combler ses 10.000 postes vacants, il est plus que jamais nécessaire de réhumaniser l’innovation.

Former aussi vite que l’on innove

Une fois la bonne idée trouvée, la première préoccupation des start-up est logiquement d’ordre financier, pour pouvoir permettre ensuite le recrutement. Or le succès est parfois foudroyant, et impose de recruter rapidement pour poursuivre sa croissance : s’engage alors une véritable course contre la montre.À ce stade, les personnes au sein des start-up qui occupent traditionnellement les fonctions RH, le top management, doivent souvent se dédier à d’autres tâches stratégiques. Se posent alors la question de monter une véritable équipe dédiée, et donc…de recruter.Pour sortir de ce schéma, il faut former et se former aussi vite que l’on innove. D’abord, en accordant la même confiance aux jeunes apprenants qu’un entrepreneur s’accorde au moment de lancer son entreprise. Alternances, contrats de professionnalisation, stages, mènent souvent à une embauche. Des parcours scolaires qui tendent à se diversifier, dans le commerce, la gestion, l’ingénierie, etc. > LIRE AUSSI. Faire grandir les licornesLa reconversion aussi est une piste, alors que celle-ci explose notamment dans les métiers de la tech, en témoignent les nombreuses formations affiliées à la Grande école du numérique et à Pôle Emploi. Ouvrons nos perspectives, ne misons pas seulement sur les profils aux parcours convenus.Et parce qu’on ne naît pas manager, mais qu’on le devient, il faudra se former aussi pour développer une culture d’entreprise dynamique, saine, inclusive, et mieux comprendre les attentes des collaborateurs au-delà du facteur travail. Personne ne parle mieux à de futurs talents que des talents en poste que l’on continue à challenger et à accompagner dans leur réalisation.

Le numérique au service du sens

La crise des talents est en partie une crise de sens, alors que la croissance repart et que l’offre bat son plein. Les Français sont plus exigeants sur leurs conditions de travail, mais aussi sur leur travail, tout court. Or la technologie a pu être associée à la « zoom fatigue » ou au « droit à la déconnexion » lors des différents confinements. Elle est parfois perçue comme plus intrusive qu’elle n’est nécessaire.Pourtant, ces deux dernières années ont prouvé que la technologie avait un rôle clé à jouer. Elle a permis aux entreprises de mieux s’organiser alors que les collaborateurs étaient à distance, de mieux communiquer, d’être plus réactives et de s’adapter en tout temps au fil des évolutions sanitaires. Elle a également permis de continuer à recruter, et même à distance, de mettre en place un processus d’accueil pour les nouveaux collaborateurs. Ces acquis sont précieux, alors que la crise ne semble pas encore être totalement derrière nous, et qu’on ignore si demain sera de nouveau fait de télétravail généralisé.> LIRE AUSSI.Télétravail : demain, des entreprises «désagrégées» ?La numérisation du travail doit avoir plus de sens que le simple business. Elle doit permettre aux collaborateurs de pouvoir se libérer des tâches chronophages et rébarbatives au profit de projets à forte valeur ajoutée. Elle doit être à leur service et non l’inverse, pour qu’ils puissent ajouter une pierre à l’édifice, qu’ils puissent aimer leur métier.Alors que l’essor de la French Tech se poursuit à vitesse grand V, les ressources humaines et le recrutement deviennent la clé de la réussite. C’est cette mise au diapason et cette gestion en interne de la question des talents qui pérennisera la croissance des pépites tricolores.Quitterie Mathelin-Moreaux est cofondatrice de Skello.