Pénurie, mise en route chaotique, cacophonie gouvernementale... Le parcours sinueux de la campagne vaccinale en France


Pass vaccinal, vaccination obligatoire pour les soignants. Le gouvernement a tapé du poing sur la table pour « encourager » les Français à se faire vacciner. 

Depuis les annonces d’Emmanuel Macron, c’est le rush dans les centres de vaccination, si bien que désormais, il y a un délai d’attente plus ou moins importants suivants les régions.

Pénurie, mise en route chaotique, cacophonie gouvernementale... Le parcours sinueux de la campagne vaccinale en France

Mais ces mesures coercitives qui ont supplanté la pédagogie gouvernementale de ces derniers mois, cachent sans doute les errements de l’exécutif sur la question de la vaccination. Retour sur une campagne vaccinale disons-le. perturbée et perturbatrice. 

Un démarrage plus que poussif

A la fin du mois de décembre dernier, on se souvient que le lancement de la campagne de vaccination s’est fait à (très) petits pas. Quelques centaines de personnes ont été vaccinées dans les Ehpads, où les résidents sont des personnes particulièrement vulnérables face au virus. Les rares doses de vaccins disponibles étaient alors soigneusement dispatchées dans les différents établissements puis un peu plus largement en janvier. 

Au 1er janvier, seules 516 personnes avaient été vaccinées, soit bien moins qu’en Allemagne, où plus de 200.000 vaccinations ont été enregistrées. Par Pfizer tout d’abord, puis par Moderna, en fonction de l’autorisation de mise sur le marché. Et première polémique sur les chiffres: l’opinion publique estime que cela ne va pas assez vite et pour répondre aux détracteurs, le gouvernement publie les premiers chiffres. « Depuis le début de la vaccination en France le 26 décembre 2020, 138 351 personnes ont ainsi été vaccinées », disait alors la Direction Générale de la Santé, dans un communiqué du 11 janvier 2021. 

A la mi-janvier, les personnes âgées de plus de 75 ans sont aussi vaccinées puis celles de 65 ans. Résultats: selon les chiffres du ministère de la Santé, au 30 janvier 2021, près de 1.480.000 vaccinations ont été réalisées. Mais avec combien de doses par flacons ? Cinq, six ? Initialement il s’agissait de cinq doses mais finalement, ce sera six. 

Le lancement du vaccin AstraZeneca plombé 

Pointe alors une nouvelle polémique entourant le vaccin AstraZeneca, petit nouveau sur le marché, cette fois. C’est le premier gros couac. Un manque de données sur l’efficacité du vaccin chez les personnes âgées plombe un peu le sérum. Différentes agences sanitaires européennes recommandent de ne pas l’administrer aux personnes âgées. Au même moment, le laboratoire anglo-suédois s’attire les foudres des dirigeants européens en raison de retards de livraisons. 

En février dernier, ce sont les professionnels de Santé, du secteur médico-social et les sapeurs-pompiers quel que soit leur âge qui sont vaccinés prioritairement puis, les personnes de plus de 50 ans atteintes de comorbidité(s). Mais les doses se font rares et les livraisons sont retardées. Les nouvelles données concernant l’efficacité du vaccin AstraZeneca administré en France ne rassurent guère les Français, qui figurent parmi les populations les plus réticentes à la vaccination, au monde et ce, malgré les encouragements du corps médical. 

Et si l’OMS défend bec et ongles ce vaccin, l’UE réclame des preuves d’efficacité supplémentaires. De quoi plomber encore un peu plus ce vaccin qui devait permettre d’élargir la vaccination à la totalité des soignants, y compris ceux âgés de moins de 50 ans. Et tout cela, sans compter sur les effets secondaires et les points de surveillance de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). qui alerte sur  « un signal potentiel », avec 149 déclarations de syndrome grippaux, souvent de forte intensité (fièvre élevée, courbature, maux de tête) parmi les quelque 10.000 personnes vaccinées entre le 6 et le 10 février. Alors rien de permettra réellement à la campagne vaccinale de prendre son envol, avec le vaccin britannique, réservé désormais aux plus de 50 ans. 

De l’autre côté, ce sont les vaccins à ARN Messager. Les vaccins sont accusés tour à tour de modifier l’ADN, d’être responsable d’effets secondaires importants et d’une administration du sérum qui n’en est qu’à la phase de tests. Choses totalement démenties par la science depuis. 

Cacophonie gouvernementale 

Avec les déconvenues du vaccin AstraZeneca, la campagne aurait pu connaître un apaisement et un nouveau départ mais cette fois, c’est du côté du gouvernement qu’arrive la cacophonie. Alors que plusieurs pays refusent désormais de l’utiliser en attendant des analyses complémentaires, la France tient la barre et affirme qu’il n’y a pas lieu de le suspendre puis marche-arrière toute : elle se rallie à la cause de ses voisins. 

Hors de question pour nombre d’entre eux d’être vaccinés à l’AstraZeneca. 

Et l’Académie de Médecine l’assure : la décision de ne reprendre la vaccination avec le vaccin d’AstraZeneca que chez les personnes âgées de 55 ans ou plus, après sa suspension, « perturbe gravement la progression de la campagne nationale de vaccination ». En effet, à cette époque, les doses d’AstraZeneca ne trouvent pas preneurs tandis que celles du vaccin Pfizer trouvent preneurs en cinq minutes. 

Pour calmer la grogne des enseignants, le ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer évoque début avril une vaccination prioritaire des enseignants en commençant par ceux qui travaillent avec les enfants « en situation de handicap ». Mais la stratégie retenue s’adresse seulement ceux âgés de plus de 55 ans. Nouveau revirement de situation d’une stratégie vaccinale qui pataugeait un peu dans le noir. Du côté de l’opposition, on demande alors un débridage de l’âge et fin mai, l’exécutif se décide enfin à ouvrir la vaccination à tout le monde. Initialement prévue à la mi-juin, celle-ci sera possible à la fin mai. 

Un fléchissement des rendez-vous dans les centres 

Début juin, la campagne subit de fait, un coup de boost car ouverte à tous mais au fil des jours, dans certains centres, on ne tourne plus à plein et les rendez-vous fléchissent. « C’est trop peu, on a fait beaucoup mieux, on doit faire beaucoup mieux », lance alors Jean Castex, fin juin, au sujet de la campagne vaccinale en France. « Nous devons accélérer, encore », tweete le même jour le président de la République Emmanuel Macron, et d’appeler tous ceux « qui ne sont pas encore vaccinés à prendre rendez-vous ». 

En d’autres termes, le gouvernement est inquiet. Et pour cause, le nombre de primo-vaccinés est lui passé de plus de 400.000 injections par jour début juin, à peine plus de 200.000 la semaine du 25 juin. 

Mais rien n’aura réellement fait décoller la vaccination. Ce n’est qu’après les annonces d’Emmanuel Macron à la mi-juillet que les nouvelles inscriptions en centre de vaccination ont explosé.

Est-ce l’effet du pass sanitaire obligatoire pour se rendre dans certains lieux ou les réticents qui ont été convaincus? Sans doute un peu des deux. L’objectif principal est d’accroître l’immunité collective des Français qui sera alors effective dès que 90% de la population aura reçu au moins une dose.