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Dans Ça tourne pas rond, Mardi Noir, psychologue et psychanalyste, revient chaque semaine sur une question ou problématique psychologique.
il y a fort à parier que j’aurais su décaler sa demande.
Ce n’est pas une place d’identification pour moi. Dans ma vie personnelle, je suis l’amie, pas l’amoureuse.
Répondre, c’est déjà remettre en cause cette prémisse, c’est ébranler les fondations de la cure.
il est quasiment son équivalent, du moins dans l’effet qu’il produit.Dans «Remarques sur l’amour de transfert» (1914), Freud écrit: «Le consentement à la demande d’amour est donc tout aussi fatal pour l’analyse que la répression de cette demande. La voie de l’analyste est autre –une voie pour laquelle la vie réelle ne fournit aucun modèle.
»
Éthique sur le divan
mais bien du patient et de son rapport à l’amitié. Qu’il aurait fallu interroger le terme «ami», en faire un des axes signifiants de la thérapie, et même pourquoi pas «jouer» à la bonne amie. Prendre un temps cette place sans en être dupe.
Ma réponse à la place n’avait rien d’analytique; elle reflétait simplement le fantasme du patient, sans introduire de sens ni de symbole. Elle faisait office d’une règle bêtement apprise («nous ne sommes pas amis avec les patients») qui, si elle devient mantra, occulte complètement ce qui se trame dans le transfert, à savoir les projections du patient sur le psy, la place qu’il occupe pour lui.Évidemment, nous ne pouvons pas être ami ou en couple avec les patients.
C’est une condition éthique. Répondre, c’est déjà remettre en cause cette prémisse, c’est ébranler les fondations de la cure. D’autant qu’il est établi que si nous ne pouvons répondre favorablement à ces demandes, elles sont un lieu commun de beaucoup de psychothérapies, puisque celles-ci se fondent justement sur l’amour de transfert ou le reproche, l’agressivité, voire la haine.
Des sentiments que les psys entendent, écoutent, questionnent, dynamisent; ils jonglent avec, habilement, subtilement. Il ne s’agit pas, comme je l’ai fait cette fois-là, de les renvoyer en pleine tête du patient comme pour vite s’en débarrasser : «Hop, récupère ta patate chaude, c’est trop brûlant pour moi !»
Chat échaudé
En soirée, certains néophytes m’interrogent sur comment résister si un patient ou une patiente me plaît. Ça leur paraît inconcevable que la question ne se pose pas.
Pourtant, cette petite erreur de départ que je viens de vous narrer m’a bien servi de leçon. C’était déjà épuisant de consister à ce point, de me faire trop exister, et j’ai bien vu que ma réponse était à côté de la plaque, je l’ai senti tout de suite. Je dirais même que j’ai répondu pour ne pas avoir l’air de ramer dans le vide.
Je ne vais pas dire qu’on ne m’y reprendra plus, je ne suis pas une machine. Mais je vois désormais les contours de l’impasse, celle qui suppose de croire qu’on comprend ce que nous raconte le patient. Ce semblant qui, normalement, caractérise les liens sociaux, n’a rien à faire dans le lieu de la cure.
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