chaque expérience face à la mort d’un proche est singulièreh2>Une journée merveilleuse
je peux le reporter indéfiniment puisque la souffrance n’est pas trop intolérable, pas trop aiguë. Je peux me dire Bon, tu joues tant que tu as envie de jouer, et puis après… Le fait que ma mère ait pu choisir de partir, cela m’a ouvert une belle porte.Une autre chose qui a changé, c’est que j’ai moins peur de la mort des autres. La seule immense peur reste de perdre un enfant, ou un petit-enfant – cela continue à me hanter. Mais je sais par exemple que mon mari pourrait mourir avant moi… et je sais qu’on survit. La mort de ma mère était vraiment le point d’acmé, c’était pour moi l’épreuve décisive. Je sais maintenant que le monde n’est plus aussi beau, qu’il y a des trous dans le monde, qu’un jour probable- ment, si je vis très vieille, je me retrouverai très seule parce que les autres seront partis – ça oui, évidemment, ça fout les jetons. Mais j’ai beaucoup moins peur qu’avant. Je me dis On peut continuer.
BIO EXPRESS
Philosophe, Vinciane Despret enseigne à l’université de Liège (Belgique). Elle a publié notamment « Habiter en oiseau » (Actes Sud, 2019) et « Autobiographie d’un poulpe » (Actes Sud, 2021). Son livre « Au bonheur des morts », paru en 2015 (La Découverte), est disponible en poche.