PORTRAIT. A Villejuif, Clarisse Noiré, infirmière à la recherche de temps pour ses patients


Publié le 3 Avr 22 à 12 :22 

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je passe en mode infirmière”. Clarisse Noiré passe ses journées à prendre soin des personnes âgées au sein du service gériatrie de l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif (Val-de-Marne). Mais le temps et les moyens lui manquent pour créer du lien avec ses patients. Alors que l’hôpital public est en crise, elle espère, pour la campagne présidentielle, que les métiers de la santé se réuniront pour faire entendre leurs réclamations. 

PORTRAIT. A Villejuif, Clarisse Noiré, infirmière à la recherche de temps pour ses patients

Infirmière le “métier de sa vie”

Clarisse a pourtant failli ne pas exercer “le métier de sa vie”. Son parcours débute par un échec. Elle se voyait étudier le droit mais rate de “quelques points” son bac scientifique. Déçue, la lycéenne se tourne vers la filière littéraire. 

Les premières armes au sein d’un hôpital

Permis B et bac en poche avec mention, l’année 2014 marque le début de ses études d’infirmière à la Croix-Rouge Française. “J’avais envie d’être auprès des gens, d’être utile tout en faisant un métier manuel”. Héloïse, la sœur cadette de Clarisse, n’est pas surprise par ce choix : “Adolescente, elle était chaque après-midi devant Le magazine de la santé, sur France 5, à visionner des opérations ou écouter des cas cliniques rares”. Pour son premier stage, en SSR Orthopédie (Soins de Suite et de Réadaptation), sa tâche se limite aux soins d’hygiène.

“C’est un rapport au corps qui change. C’est très intime, on voit les gens nus. C’est un moment où l’on se sent mal à l’aise. On n’est pas préparé à ces situations ». 

“En deux heures, on demande 10 à 15 toilettes”

comprendre leurs problématiques et les soigner de la meilleure des façons” témoigne sa jeune sœur. Vidéos : en ce moment sur ActuPourtant, Clarisse reste discrète sur ces difficultés. “Un jour, je lui ai demandé pourquoi les infirmiers ne parlaient pas de leur métier, contrairement à nous les “cadres supérieurs” se souvient son amie Manon, elle m’a répondu que souvent les gens ne voulaient pas savoir et que ça les mettait mal à l’aise.” “J’ai le biais de l’infirmière qui écoute, je suppose” explique Clarisse. « Peut-être que je protège mes proches, aussi. Ce sont des sujets lourds et je ne veux pas leur imposer ça.”Fatiguée par les horaires et la distance qui s’installe avec les patients, elle expérimente un poste en Services d’Accompagnement Médico-Sociaux pour Adultes Handicapés (SAMSAH), dans le XIIIème arrondissement.

“Un vendredi soir, lors d’un contrôle, je me rends compte qu’une dame risque de ne pas passer le week-end. Je ne sais pas comment réagir. Est-ce que je dois l’emmener aux urgences au risque d’aggraver la situation ?”

“Pendant la pandémie, on s’est sentis abandonnés”

De retour à l’hôpital, l’infirmière travaille pour le service de gériatrie des troubles cognitifs. Elle s’y sent bien, mais quand la pandémie se déclare en 2020, sa pratique change. “Les patients ont des troubles mentaux, c’est impossible de leur faire comprendre qu’une épidémie qui se transmet par les voies respiratoires frappe le pays”. Se pose alors une question : comment faire respecter les gestes barrières ? Blouse de rechange, charlotte sur la tête et un masque chirurgical pour une garde de 12 heures, elle limite les contacts, désinfecte et prend le parti de s’éloigner de ses proches. 

“Mon monde se résumait à mon travail et mes 15 mètres carrés à Bastille”.

Face à l’urgence, Clarisse décide “d’aller au feu” et intègre le service de réanimation de l’hôpital Saint-Louis. Elle se forme “sur le tas” face aux machines et découvre un service à l’agonie. Les lits manquent, tout se fait “dans le rush”. La jeune infirmière reste hantée par  les images de patients qui meurent  dans les couloirs. “Dans une chambre de trois, séparée par un rideau, on tentait de réanimer un patient , les deux autres entendaient tout”. La jeune femme craque. “Je pleurais tous les soirs, la journée aussi. Quand j’allais me coucher je me demandais si les patients allaient passer la nuit. Les ‘bip’ des machines accompagnaient mes rêves”.La jeune femme regrette pendant la pandémie, la présentation de la réanimation comme un service parmi d’autres, alors que « les chances d’en sortir sont d’une sur deux en moyenne”.  “Certains arrivaient avec le sourire, faisaient de grands signes de la main, ils ne se rendaient pas compte que la situation était grave, qu’ils étaient au seuil de la mort”. En novembre de la même année, elle rend sa blouse pour prendre le poste qu’elle occupe actuellement à l’hôpital Paul-Brousse à Villejuif.

« Vu le système qui est imposé, les actes maltraitants sont logiques »

“Ce sont les mêmes qui détruisent le système de l’hôpital public depuis vingt ans” soupire Clarisse qui regrette la communication gouvernementale autour de la pandémie. “Les discours des politiques ont responsabilisé les patients. Pour eux, si un malade a le Covid, c’est de sa faute. Ils voient la santé comme une charge. C’est une situation insoluble si on ne change pas radicalement les choses.”La voix de l’infirmière se brise au moment d’aborder le système de santé. “On parle des actes maltraitants comme s’ils apparaissent comme un éclair dans un ciel bleu, mais vu le système qui est imposé, les actes maltraitants sont logiques. Comment cela pourrait-il se passer autrement ?”Pessimiste mais pas résignée, Clarisse rejoint le Collectif Inter-Urgence (CIU) en mars 2021. Créé en mars 2019 lors du mouvement de grève national, le CIU milite pour l’amélioration des conditions de travail à l’hôpital, au profit des patients. La voix de Clarisse se durcit : 

“si on ne renverse pas la table, on va droit dans le mur. Pour sauver l’hôpital public, il faudrait que tous les métiers de la santé fassent grève ensemble. »Clarisse Noiré

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