La télémédecine s’enracine et, avec elle, la régulation du secteur


Lors d’une consultation médicale à distance, à Lunas (Hérault), le 29 novembre 2023. FABRICE HÉBERT / COLLECTIF DR C’est une mésaventure banale : se sentir fébrile, un matin, et avoir besoin de consulter rapidement. En quelques clics, rendez-vous est pris sur un site de téléconsultation. Un professionnel apparaît sur un écran dix minutes plus tard. Une ordonnance et une feuille de soins sont transmises par courriel à l’issue d’un court interrogatoire. Simple et rapide, la formule étonne. Comment peut-on accéder si vite à un médecin, quand il est parfois si difficile de se faire examiner près de chez soi ? « Parce que les médecins sont de plus en plus sur ces plates-formes et de moins en moins en cabinet  !  », répond la docteure Agnès Giannotti, présidente du syndicat de médecins généralistes MG France, qui observe avec méfiance ces mises en relation quasi immédiates par vidéo interposée. Elles font craindre à certains médecins libéraux une « ubérisation » de la santé, associée à toutes sortes de dérives mercantiles. L’abonnement proposé par le groupe privé Ramsay – 11,90 euros par mois pour pouvoir « téléconsulter » à la demande en dehors de tout parcours de soins coordonné – a d’ailleurs fait polémique, en juin 2023, au point de mobiliser une mission flash sur le sujet à l’Assemblée nationale. Pour encadrer la pratique, les pouvoirs publics ont posé des garde-fous : en 2024, seules les plates-formes qui respecteront un cahier des charges précis pourront continuer de facturer des soins à l’Assurance-maladie, et les arrêts prescrits seront limités à trois jours. La multiplication de ces offres, favorisée par la difficulté d’accès aux soins dans de nombreuses régions françaises, interroge néanmoins sur la place que la téléconsultation occupera à terme, et selon quel modèle, dans le paysage médical. Lire aussi le décryptage : Article réservé à nos abonnés L’attrait des médecins généralistes pour le salariat, symptôme de la crise de l’exercice libéral Remboursée depuis 2018, la téléconsultation, d’abord marginale, a pris son envol avec la pandémie de Covid-19. Pour que les Français continuent de se soigner malgré le confinement, l’Assurance-maladie a pris en charge à 100 % les consultations à distance pendant toute la durée de la crise sanitaire. Leur nombre est ainsi passé d’environ 80 000 en 2019 à près de 18 millions en 2020, dont 4,5 millions pour le seul mois d’avril 2020. Il est retombé depuis, et se maintient de façon assez stable autour de 1 à 1,2 million de rendez-vous mensuels remboursés, ce qui représente à peu près 4 % de l’ensemble des consultations médicales. La plupart des rendez-vous sont réalisés par des médecins généralistes et les patients concernés restent majoritairement jeunes et urbains.

Exceptions

Le marché de la téléconsultation a été estimé à environ 100 millions d’euros en 2022 par le cabinet d’études Xerfi, un chiffre qui tient compte des ventes d’équipement, et qui pourrait atteindre 130 millions d’euros en 2025. Il vous reste 80% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.