À moins de vivre dans une grotte, vous connaissez sûrement (et avez peut-être même testé) le « Dry January », ce défi qui consiste à réduire, voire supprimer, sa consommation d’alcool pendant tout le mois de janvier. Une détox, qui, à voir les réactions de certains sur les réseaux sociaux, peut s’avérer être une véritable lutte. Mais il y en a aussi pour qui le « Dry January » ne relève en rien du défi. Et pour cause : ils ne boivent jamais d’alcool.> Alcool, paroles de femmes
« Voir les pires effets de l’alcool, c’est le meilleur vaccin pour ne pas en boire »
« C’est une question de goût, c’est un peu comme un aliment qu’on n’apprécie pas particulièrement », explique Damien, 27 ans, qui n’a jamais bu d’alcool de sa vie. La première image qui l’a conforté dans son choix date du lycée. Alors qu’il était en soirée avec deux de ses meilleurs amis, qui eux ne buvaient pas non plus, il raconte qu’« à minuit tout le monde était bourré : voir les pires effets de l’alcool, c’est le meilleur vaccin pour ne pas en boire ». Pour d’autres, arrêter la consommation d’alcool a été une décision prise après quelques années de consommation. Laura, 29 ans, s’est rendue compte que boire avait des effets sur sa santé. À chaque lendemain de soirée, elle se réveillait avec un mal de tête et « pire qu’une gueule de bois, j’étais complètement malade le jour d’après jusqu’à ne plus pouvoir me lever le matin ». Petit à petit, elle a réduit sa consommation d’alcool jusqu’à l’arrêter totalement il y a cinq ans. Dans certaines situations, l’alcool peut être associé à des expériences traumatisantes, comme le raconte Margaux, 25 ans. « J’ai été droguée au GHB dans une soirée. Ensuite, dès je buvais je m’évanouissais et faisais des crises d’angoisse », détaille t-elle. La jeune femme a donc arrêté de boire de l’alcool aussi régulièrement. Elisabeth, 25 ans, a, elle, arrêté de boire de l’alcool pour perdre du poids : « Je faisais pas mal de sport, je n’avais pas envie que ça gâche mes efforts. Finalement, ça s’est transformé en une volonté d’apprendre à être détendue et de ne pas avoir de dépendance à une substance pour me sentir à l’aise et libérée. »
« Il y a des personnes pour qui ne pas boire d’alcool n’est pas envisageable »
parce que j’avais l’impression de ne pas partager ce qui reliait les autres personnes entre elles à la soirée. Surtout on me disait que j’étais rabat-joie. » Quand il était plus jeune, Damien se souvient que son père et son grand-père, amateurs de bons vins, lui faisaient tremper ses lèvres de temps en temps dans un verre. Ses oncles lui disaient alors « tu verras quand tu seras plus grand » pour le rassurer, sous-entendant que plus tard il aimerait ça, « comme si c’était un passage vers la vie d’adulte », précise Damien qui n’a pourtant jamais changé d’avis sur la question. Pas plus qu’Emmanuel, 43 ans, qui n’aime pas le goût de l’alcool et n’en boit donc jamais. « On est considérés comme des ovnis par les anciens, comme mes parents », analyse-t-il. « Certains pensent que c’est pour se donner un genre un peu supérieur, alors je n’aime juste pas ça, c’est comme ça », appuie Damien. Que la « détox » soit récente ou ancienne, tous s’accordent à dire qu’ils subissent encore aujourd’hui des remarques sur leur mode de vie. « Il y a des personnes pour qui ne pas boire d’alcool n’est pas envisageable, on me demande tout le temps “mais comment tu t’amuses ? tu ne fais pas trop chier ?” C’est un peu bizarre de partir du principe qu’une soirée est cool uniquement parce que tu bois », remarque Damien. Pour d’autres, l’alcool est la condition sine qua non pour se déhancher toute la nuit : « On me demande comment je fais pour tenir. Je ne sais pas, moi je m’amuse autant qu’avant quand je ne bois pas en soirée », explique Laura. Margaux, 25 ans, ressent, elle, « une énorme pression vis-à-vis de l’injonction à “ se mettre une race” : boire beaucoup, vite, faire des culs-secs, bref des choses que je déteste », explique la jeune femme qui assume de « passer pour la meuf relou qui ne boit jamais, ne se bourre pas la gueule et part tôt des soirées ».
« Oh là là, qu’est-ce que c’est chiant le vendredi soir ! »
Au-delà du fait d’être pointés du doigt par les autres, ceux qui ne boivent pas d’alcool sont souvent les grands oubliés de la table des boissons. Emmanuel se rappelle des apéros professionnels (dans le monde d’avant), où il devait apporter son propre verre de jus de fruit car « au mieux, il y avait juste de l’eau ». Avec le temps, Damien et Elisabeth s’en sont accommodés et apportent les boissons qu’ils veulent aux soirées, histoire de ne pas finir le verre vide. Et l’accueil est loin d’être meilleur dans les bars. Damien se souvient d’une soirée durant laquelle un serveur a insisté à cinq reprises pour lui faire consommer de l’alcool à coups de « je te rajoute un peu de rhum avec le coca ? ». Après les multiples refus de Damien, le serveur interloqué lui a répondu : « C’est bien la première fois que je ne sers pas d’alcool dans ce bar ! » Laura s’est, elle aussi, vue rétorquée, alors qu’elle commandait un cocktail sans alcool, « oh là là, qu’est-ce que c’est chiant le vendredi soir ! », par le serveur du bar où elle se trouvait. La jeune femme estime que ce genre de remarques « peut blesser les personnes qui veulent ou essayent d’arrêter de boire, ou pire qui auraient un problème d’addiction à l’alcool ». Pour elle, le « Dry January » est une bonne chose, même si elle souligne que « s’il s’agit d’un défi, il faut peut-être se poser des questions ». Damien espère que ce mois de sobriété pourra permettre à « des gens de réfléchir et de conscientiser leur rapport à l’alcool. Si ça peut faire comprendre que boire n’est pas une obligation, c’est bien. Surtout en France, parce que remettre en question la consommation d’alcool y est clairement tabou. »