Pour lutter contre la solitude, cette plateforme met en lien bénévoles et personnes isolées


« En 2015, j’ai été renversée par une voiture. Je me suis retrouvée alitée un mois. Je n’ai pas osé demander de l’aide à ma voisine – qui me l’avait pourtant proposé -, ou à des amis et j’ai été bien embêtée. » Isolée, coupée du monde mais le cerveau en ébullition, elle imagine un outil qui pourrait répondre à ce type de problématique.

En complément des professionnels et des aidants.

Pour lutter contre la solitude, cette plateforme met en lien bénévoles et personnes isolées

On est dans l’Oise, le besoin semble criant puisque rien que dans la commune de la fondatrice de Bip Pop, 950 actions bénévoles sont engagées en une année.

« Le Département a décidé de suivre et de tenter l’expérience sur 4 autres sites en 2017. » La réponse est tout aussi positive. « Ils ont donc décidé de déployer le dispositif sur tout le département. »

La société se structure, communique et diffuse. Le congrès des maires – le dernier a eu lieu les 16-17-18 novembre – est un excellent vecteur pour ce type d’information. La plateforme est vendue en marque blanche : les départements français qui en prennent possession lui donnent le nom et l’identité qu’ils souhaitent. Plus de dix départements ont adhéré à Bip Pop.

Bip Pop en chiffres

Oise, Gironde, Rhône, Ain, Essonne, Bas-Rhin, Nord, Aisne, Somme, Alpes-Maritimes… Une équipe dans l’Oise – siège social – et une équipe à Lyon, pour gérer le secteur sud. La plateforme d’Anne Guénand couvre 1000 communes, avec 25000 actions bénévoles entreprises pour environ 6000 personnes engagées dans l’aventure. « On vise les 30000 dans les trois ans. »

Bip Pop a établi une charte qu’elle présente à la collectivité. Il y a un processus de sélection pour chaque volontaire. La majorité d’entre eux est composée de jeunes retraités, jusqu’à 75 ans en moyenne. 

« Pendant la crise sanitaire, de nombreux actifs se sont mobilisés. On a fait un bond de 400% d’engagements ! » Un chiffre qui n’a pas faibli depuis.

A noter que 49% des demandes émises via la plateforme obtiennent une réponse en moins d’une heure. 

L’entreprise : une option intéressante

Les sociétés pourraient aussi être l’avenir de ce travail de lutte contre l’isolement en impliquant leurs salariés. « Dans l’Ain, on a une commune de 6768 habitants qui comptabilise 70 bénévoles ! Pourquoi? Parce qu’une entreprise – leader mondial de l’implant tissulaire – a mis en place une politique qui incite les salariés à s’impliquer dans la vie locale et pour le mieux vivre ensemble. »

Banco. Ils ont été nombreux à se lancer dans des actions bénévoles, selon la philosophie de Bip Pop.

Bip Pop devient « Monvoisin06aducoeur »

En 2019, le Département des Alpes-Maritimes s’engage encore plus fortement dans la lutte – déjà engagée – contre l’isolement des seniors, en se dotant de l’outil Bip Pop. La plateforme « monvoisin06aducoeur.fr » nait. Sébastien Martin, directeur de l’autonomie et de la MDPH chapeaute le dispositif. Et l’étoffe. 

Deux agents y sont dédiés, ainsi que deux téléconseillers. Il explique : « Pour éviter la fracture numérique, on a mis en place une plateforme téléphonique. Près de 90% des personnes passent par ce biais plutôt que par Internet. »

Le réseau de bénévoles est « certifié ». Chaque candidat passe devant un jury composé de personnes qualifiées et d’un gendarme. Ensuite, deux jours de formations sont mis en place. On leur enseigne les gestes de premiers secours et on définit clairement les contours de la mission. On donne les limites, on cadre le rôle du bénévole. La charte est signée avec le président du conseil départemental.

Un processus… un peu pesant? « Pas du tout ! Quand il y a une demande, un entretien est passé dans la semaine. Le jury se réunit trois fois par mois. On organise même, parfois, des séances en visio, pour éviter des déplacements et optimiser encore un peu plus le temps. »

Un engagement tout en souplesse

Mireille Munier est bénévole, à Nice.

 » Cette retraitée du « domaine de la santé » » Et puis c’est venu. « J’interviens dans ma zone, autour du port de Nice. Et beaucoup pour des balades, des discussions, un jeu. »

Elle aime la souplesse de son engagement. « Quand on est bénévole pour une association, on sait qu’on a des astreintes, un certain nombre d’heures à donner, des impératifs… Ce n’est pas toujours simple de composer avec son emploi du temps personnel. Là, c’est très différent. Si je peux, j’y vais avec bonheur. Si je ne peux pas, c’est un autre bénévole qui assurera. »

Des liens peuvent aussi se développer. A ce moment-là, le bénévole a tendance à assurer le suivi. « Ce sont des moments très gratifiants. Les personnes que l’on rencontre ont tendance à s’ouvrir très facilement. Très sincèrement. Cela est très touchant. » En général, elle reste une heure. Elle rit: « Mais si la partie de Scrabble n’est pas terminée, je ne m’en vais pas ! On finit notre jeu quand même ! »

Quelques minutes au téléphone suffisent parfois à adoucir un profond sentiment de solitude.

chaque semaine, pour diverses missions et pourrait vite se faire déborder. 

de structuré : sinon je n’aurais pas pu adhérer. » 

Monvoisin06aducoeur répondait à ces critères. « Il y a un vrai accompagnement, un vrai suivi de la part des services du Département. On appelle, on nous répond. Si ce n’est pas le cas, on reçoit un sms et on nous rappelle dans la journée. » Courses, conversation téléphonique, promenade, accompagnement chez le médecin – « J’étais chez l’ophtalmo hier ! » -, le bénévole se rend disponible dès que possible.

Philippe De Poli, intervient comme bénévole à Saint-Laurent-du-Var.

« Je vais de Nice Ouest à Cagnes-sur-Mer, en passant par Saint-Laurent-du-Var où je vis. » Il a ses fidèles. « J’ai une petite dame qui tient à ce que je partage un Coca. C’est son moment, c’est hyper important, elle adore ça. Une autre m’offre systématiquement un chocolat, que je ne pas refuser parce que c’est son plaisir et que c’est comme ça qu’elle tient à me recevoir. Quand elles ont besoin de moi en dehors de ces petits moments rituels, elles m’envoient un message ou me téléphonent. Quelques minutes en ligne suffisent parfois à adoucir un profond sentiment de solitude. Et pour moi, ce n’est rien. C’est un petit geste. »

 

« Ils sont nos yeux et nos oreilles »

Sébastien Martin a bien conscience que le dispositif est aussi la solution pour accéder à des personnes que les services du département ne connaissent absolument pas… alors que ce serait nécessaire. « Les bénévoles deviennent nos yeux et nos oreilles et sont en lien avec des agents qui connaissent parfaitement tous les rouages. On peut les interroger en cas de doute, en cas de problème. Le bénévole ne remplace pas le personnel aidant, médical, l’assistante sociale, mais il peut signaler un cas. »

Elle avait besoin d’une aide que je n’étais pas en mesure de lui apporter. »

Je pense

Gagner du terrain

C’est assurément en gagnant du terrain que le dispositif atteindra ceux qui en ont le plus besoin. Quelle est la stratégie? Le directeur de l’autonomie et de la MDPH détaille : « On a démarré à Nice mais on est en train de généraliser. On compte 166 communes d’intervention. On a 160 bénévoles certifiés, 450 seniors inscrits… » 

La visite de convivialité représente 70% des demandes.

Ils sont un réseau et de précieux vecteurs de communication. « On a édité des flyers et des affiches pour toutes les villes et villages afin que l’information circule. Et puis nous ouvrons aux Ehpad. » Dans les maisons de retraite, le besoin est également criant. « Il y a un vrai besoin de visites de convivialité. Elles représentent d’ailleurs près de 70% des demandes, avant l’aide aux courses, l’accompagnement aux sorties, l’aide aux démarches administratives et à l’informatique. »

Communiquer, c’est le leitmotiv. Parce que le besoin lui est aussi évident que le potentiel d’engagés bénévoles du département. De tous les départements.