pourquoi le patron de la boxe française « n’imagine pas » un retrait de la discipline


Président du CIO, Thomas Bach a mis une nouvelle fois en doute la présence de la boxe au Jeux de Paris 2024 en raison des problèmes de corruption qui ont gangrené cette discipline. Président de la fédération française, Dominique Nato fait le point sur ce dossier pour RMC Sport. L’ancien entraîneur national et DTN reste optimiste vu les efforts faits par l’AIBA (Fédération internationale de boxe amateur) pour retrouver de la légitimité.Les déclarations de Thomas Bach ont rappelé la présence d’une épée de Damoclès au-dessus de la boxe amateur. Interrogé par L’Équipe sur la perspective de voir ou non la boxe et l’haltérophilie aux Jeux de Paris en 2024, alors que ces deux disciplines sont en pleine tempête auprès des instances olympiques, le président du CIO n’a pas caché ses doutes: « Nous nous faisons pas mal de soucis parce que, dans ces deux fédérations, il y a des grands problèmes de bonne gouvernance et c’est pourquoi nous les surveillons actuellement de très près. On va prendre une décision le plus tôt possible dans l’intérêt des athlètes. » Alors, le noble art peut-il vraiment disparaître d’un programme olympique qu’il avait rejoint pour la première fois en 1904 à Saint-Louis?Le risque existe bel et bien. Entre mauvaise gestion financière et récurrents problèmes de corruption, encore illustrés récemment par le premier rapport d’enquête de l’équipe du juriste canadien Richard McLaren, l’AIBA (Fédération internationale de la boxe amateur) n’est plus en odeur de sainteté auprès du CIO, qui avait repris la main pour organiser le tournoi olympique de Tokyo cet été – sans éviter quelques controverses, qui ne pourront de toute façon jamais disparaître dans un sport à jugement humain – et demande des garanties sur la suite pour lui redonner sa « liberté ». Mais pour les acteurs concernés, l’heure de la guillotine n’a pas encore sonné. Loin de là.

« Il y a des moyens d’évacuer les pas bons »

« Je n’imagine pas un seul instant la boxe absente à Paris en 2024, nous confie Dominique Nato, président de la Fédération française de boxe. Les gens élus à l’AIBA en novembre dernier ont tous les atouts en mains. J’ai longuement discuté avec le secrétaire général Istvan Kovacs, ancien champion du monde et champion olympique, qui vient du terrain, lors des championnats du monde qui ont actuellement lieu à Belgrade. Ils essaient de faire en sorte de répondre favorablement aux attentes du CIO. Mais tant que ce ne sera pas acté par le Congrès, qui aura lieu en janvier ou février, il restera toujours un doute. »Après quelques coups de fils « à gauche à droite à (s)on réseau » après avoir lu ça, l’ancien entraîneur national et DTN estime que « les propos de Thomas Bach ont été mal interprétés ». Car les progrès existent. « Depuis 2016, il demande d’abord à l’AIBA de donner des garanties dans sa gestion financière pour retrouver sa légitimité, explique Dominique Nato. Là-dessus, l’AIBA a fait de gros efforts. Grâce à Gazprom, qui est son sponsor principal, ils ont épongé les dettes laissées par les mandatures précédentes. C’est déjà un point sur lequel ils ont répondu favorablement. »Reste le volet de la corruption et des résultats ubuesques ayant émaillé l’histoire de la discipline chez les amateurs. Là encore, les choses vont dans le bon sens entre le rapport McLaren commandé par l’AIBA pour faire un vrai ménage et une réalité de terrain qui change peu à peu. « Lors de ces championnats du monde, on voit que les scores sont un peu plus logiques, pointe le président de la fédération française. Il est impératif que l’on trouve des palliatifs à ces mauvaises décisions, que ce soit en professionnalisant un peu plus les arbitres ou en mettant en place la vidéo. Il y a des moyens d’évacuer les pas bons car je pense que les mauvaises décisions sont données avec une forme de malhonnêteté pour certains jusqu’à présent ou d’incompétence pour d’autres. »L’AIBA commence à prendre le bon chemin, mais la route sera longue. « Je ne veux pas parler trop vite, enchaîne Dominique Nato, car le Français Samuel Kistohurry a gagné son seizième de finale mondial des -57 kilos 3-2 alors qu’il avait largement dominé son adversaire anglais donc la problématique des bonnes décisions reste toujours d’actualité. Quand je vois certains arbitres officier dans ces championnats du monde, je me dis qu’ils n’y ont pas leur place. Il faut amener les meilleurs officiels, les entraîner quel que soit leur continent pour qu’ils soient opérationnels lors des compétitions majeures. Pour nous, Fédération, et pour nos boxeurs et nos entraîneurs, ces clauses exigées par le CIO vont dans le sens de l’intérêt commun. On ne peut pas vivre sur des suppositions et arriver après des mois ou des années de travail pour se faire arnaquer. Si c’est un combat équilibré, il faut qu’on trouve des critères qui donnent les bons vainqueurs, même si parfois ce n’est pas facile. Il faut avoir les bons vainqueurs et c’est normal que Thomas Bach et le CIO mettent la pression. »Et le dirigeant français de compléter: « Le CIO a retiré la légitimité à l’ancienne mandature et ils attendent d’avoir des garanties sur la nouvelle. Le nouveau président de l’AIBA, Umar Kremlev, malgré toute la bonne volonté qu’il peut avoir, ne peut pas effacer les problèmes de la boxe depuis 2006, et même avant. » Il a par contre déjà mis des choses en place pour éviter au maximum d’en retrouver dans le futur. « Ces championnats du monde de Belgrade vont être scrutés dans ce sens-là. Il y a une analyse faite par des superviseurs avec l’arbitre immédiatement après le combat, détaille Dominique Nato. Il y a un travail qui est fait sur les juges, sur l’uniformisation des jugements, et on voit que ça paie. Pour le moment, sur les trois premières journées, il n’y a pas eu de gros scandale. On voit une majorité de scores à 5-0 et non des scores partagés comme la majorité des scores à Tokyo, qui étaient des 4-1 ou des 3-2. On a quelques 3-2 sur des combats très serrés mais ils sont justifiés et justifiables. »

« On ne peut pas changer le programme olympique à trois ans des Jeux »

De quoi garder confiance pour la suite. Une question, aussi, de timing. « Le CIO met la pression mais pour en avoir discuté avec des personnes bien placées, on ne peut pas changer le programme olympique comme ça à trois ans des Jeux, avance le président de la Fédération française. Les sites de compétition sont désignés et à moins d’un cataclysme, je ne vois pas comment on pourrait être retiré du programme olympique. » Une phrase qui fait écho à celles de Thomas Bach quand on lui demande si le karaté, absent du programme en 2024 malgré le lobbying de notre champion olympique Steven Da Costa, pourrait remplacer la boxe ou l’haltérophilie à Paris. »Le processus d’attribution des disciplines et des sports s’est fait de manière transparente et s’est même terminé avant Tokyo, explique le président du CIO. Ce serait trop compliqué de rouvrir tout ce processus parce que cela ne concerne pas que le karaté. » Et même si cela pouvait se faire, entre les deux, c’est l’haltérophilie (gangrénée par des problèmes de dopage) qui semble le plus en danger selon Dominique Nato: « On balaie devant notre porte mais je crois que l’haltérophilie est encore moins bien placée que nous. Eux, je pense qu’ils ont vraiment intérêt à faire quelque chose avant Paris. »

« Il en va de la survie de notre sport »

La boxe, elle, devra continuer à montrer patte blanche et à « prouver que le pire est passé » pour être dans les clous, jusque dans les moindres détails comme « le nombre fluctuant de catégories à l’AIBA par rapport à la réduction des catégories aux JO » (sept pour les hommes, six pour les femmes alors que les actuels championnats du monde comptent treize catégories masculines). « Il n’y a pas lieu de faire un bras de fer avec le CIO, confirme Dominique Nato. A ce jeu, on sait bien que la boxe n’a rien à gagner. Il faut compter sur le bon sens et la clairvoyance de nos dirigeants pour aller dans le sens des attentes du CIO. On ne peut pas se permettre de sortir du paysage olympique. Ce serait une catastrophe pour tout le monde. Ça enlèverait tout intérêt à notre pratique et à la mission de dirigeants qui est la nôtre. Ce serait injuste pour nos clubs, pour nos boxeurs et pour tous ceux qui se sont investis alors que c’est un sport magnifique quand il est encadré dans de bonnes conditions. »En France, où le groupe olympique à l’INSEP n’aurait alors plus de sens, les conséquences d’une boxe retirée du programme olympique se feraient sentir. « On n’aurait plus d’aides de l’État, qui prend en charge les projets olympiques avec notamment la mise à disposition de cadres techniques, imagine le président de la Fédération française. Ça reviendrait à être une Fédération non olympique comme le kickboxing ou la boxe française, pour citer celles qui nous ressemblent. Il y aurait aussi moins d’intérêt pour les médias, et ça se décline à la base jusque dans les clubs. On doit absolument garder cette légitimé olympique. Il en va de la survie de notre sport. » La réponse est dans les mains du CIO.