Pourquoi Napoléon II est-il passé à la trappe ?


Napoléon Ier est ce grand général victorieux qui a conquis l’Europe, et mis en place le Premier empire juste après la Révolution. Napoléon III, lui, a instauré le Second empire entre 1852 et 1870 et révolutionné la ville de Paris. Mais Napoléon II est si méconnu que c’est comme s’il n’avait jamais existé…

reporter et écrivain Jean-François Coulomb des Arts, répondait à la question de Ginette, 7 ans  : 

Pourquoi Napoléon II est-il passé à la trappe ?

Il y a Napoléon Ier, Napoléon III, mais c’était qui Napoléon II ?

« Une bonne question qui sous-entend l’étrange paradoxe d’un personnage symbolique qui n’est pas passé à la postérité alors qu’il est pourtant le fils de l’empereur Napoléon Bonaparte. 

Un fils d’abord porteur d’espoir et de paix

Un espoir vite déçu qui aura donné un sacré coup à sa popularité dès le départ…

Pour commencer, l’accouchement se passe tellement mal le 19 mars au soir qu’on pense que l’enfant est mort, nourrissant ainsi tous les fantasmes possibles. Mais finalement tout va bien, le 20 mars 1811, Paris s’exalte après les 22 coups de canon tirés en cet honneur, comme le veut la coutume. Napoléon vient d’avoir un fils avec l’impératrice Marie-Louise d’Autriche. 

Sa naissance nourrit d’abord les plus grandes espérances dans la société, et l’imaginaire collectif, car bien que l’Empire soit à son apogée, le peuple nourrit une réelle attente pour que la paix arrive enfin. Cet enfant porte avec lui tout un espoir populaire, mais éphémère, puisque les relations se détériorent aussitôt avec la Russie. L’empereur s’apprête à repartir en guerre, et la crise économique n’arrange en rien les choses… Ce fils n’aura absolument rien changé dans l’esprit de l’empereur. 

Le fils qui sert avant tout l’image impériale du père

Depuis sa naissance, il n’aura jamais été question de l’intérêt de son propre fils, mais du sien propre. Marie-Louise d’Autriche comble les vœux de l’empereur, qui veut installer son œuvre dans le temps, pérenniser son pouvoir dont le seul moyen pour lui est de fonder une dynastie. La venue de cet enfant lui permet de concrétiser cette dynastie impériale dont il a toujours rêvé.

De plus, celui qui est censé devenir le prochain empereur est d’autant plus légitime qu’il est le petit-fils de l’empereur d’Autriche. Ce remariage avec l’Autriche répond avant tout à une volonté politique et matriarcale. Il fallait à Bonaparte un héritier mâle pour assurer la lignée. Pour cela, rien de mieux qu’un enfant partagé avec une impératrice et une princesse autrichienne, nièce de Marie-Antoinette ! 

Un schéma qui rend compte de la dimension politique opportuniste permanente dont Napoléon n’a jamais cessé d’user pour affirmer et faire rayonner son pouvoir. Grand organisateur de son image, Napoléon II n’aura été qu’un instrument de propagande supplémentaire. 

« Le fils de l’usurpateur »

relayée et partagée par les monarchies opposées à l’Empire, au premier rang desquelles l’Angleterre, la Prusse ou encore l’Autriche. 

C’est la raison pour laquelle il est immédiatement rendu illégitime par l’Autriche après la chute de l’Empire et la Restauration de la monarchie française.

Si « l’Aiglon » (surnom popularisé par Victor Hugo dans un poème éponyme qu’il lui a dédié 20 ans après sa mort) n’a pas eu le temps de rayonner, c’est aussi pour des raisons liées au contexte. Celui d’une France impériale consommée plus vite que ne l’avait prévu l’empereur. 

Napoléon II n’a que 4 ans lorsqu’il assiste à l’effondrement du régime en 1815. 

Il n’a que 3 ans durant la première abdication de l’empereur en avril 1814 et 4 ans quand son père prend le chemin de l’exil à Sainte-Hélène en 1815. Jamais, il ne reverra son père et la France. Son histoire et son destin se joue désormais en Autriche, à la Cour de son grand-père, l’empereur François Ier à Vienne. 

Une vie triste, isolée, solitaire et tragique qui rompt totalement avec l’avènement impérial qu’a incarné son père avant lui. Son éducation étant aussitôt confiée à la cour d’Autriche, il restera le fils de Napoléon, le fils de l’empereur, le fils de l’usurpateur, le fils de celui qui a admis les acquis de la Révolution française pour mieux faire valoir ses ambitions politiques et libéraliser l’Europe. 

Il évolue dans l’ombre de ses origines paternelles et se voit hériter de tous les traits méprisants qu’ont nourris envers son père, les monarques des puissances monarchiques coalisées contre la France impériale. Napoléon incarne le diable, l’ogre et le singe qui a secoué toute l’Europe. 

Napoléon II vit dans l’ombre de l’Europe défendue par le chancelier autrichien Metternich, qui veille à reconstruire une Europe monarchique sans Napoléon et entend gommer l’épisode napoléonien. 

Cet enfant est la preuve vivante de l’existence de Napoléon. Donc, il faut en supprimer le symbole

Son destin est brisé. Il meurt très jeune à 21 ans en 1832, il succombe d’une tuberculose. Aussitôt mis au monde, Napoléon II aura été abandonné à son sort, réduit à une vie de solitude brève qui aura eu raison de lui très tôt alors qu’il n’avait que 21 ans. Le roi de Rome est enterré à Vienne en 1832. 

Son tombeau repose aujourd’hui aux côtés du gigantesque tombeau en porphyre rouge de Napoléon Bonaparte aux Invalides (depuis décembre 1940). Mais comme une ironie de l’histoire, ce dernier occupe toujours autant l’attention, occultant la mémoire de son fils, passée totalement inaperçue. On peut même se demander si le destin tragique du fils, quand bien même aurait-il été brillant, ne serait-il pas passé dans tous les cas en arrière-plan ? 

 

46 min

À écouter  –  

Histoire

Épisode 2 : Le clan Bonaparte, une certaine idée de la famille

46 min

Aller plus loin