Le président de la FED a répondu ce jeudi aux questions du Congrès. Il en ressort que les taux seront rehaussés le 16 mars et que la divergence de politique monétaire avec la BCE va s’accentuer.
FED vs BCE
Jerome Powell a une nouvelle fois offert la primeur de ses décisions au Congrès, alors que de mémoire, la FED a plutôt pour habitude d’être bavarde lors de ses propres conférences de presse. Cette soudaine prévoyance à l’égard du pouvoir politique suggère que les banquiers centraux veulent obtenir quelque chose des politiques.
Ce quelque chose est très certainement un feu vert pour lancer le « Digital Dollar ». J. Powell a en effet déclaré « qu’idéalement, la FED obtiendra une législation autorisant un CBDC (Central Bank Digital Currency) ». Il faudra surveiller de près la position du Congrès vis-à-vis de cet outil de contrôle dystopique…
CBDC mis à part, c’est surtout l’analyse du conflit ukrainien faite par la FED qui était attendue. J. Powell a déclaré que « les effets à court terme sur l’économie américaine de l’invasion de l’Ukraine, des sanctions et des événements à venir restent très incertains ».
« Je m’attends à ce que nous décidions de remonter les taux dans deux semaines, ainsi qu’à plusieurs hausses supplémentaires cette année, mais étant donné la situation en Ukraine, nous serons prudents », a-t-il ajouté. C’est une manière de dire que la FED se réserve le droit d’ajuster le tir.
Néanmoins, la FED semble estimer qu’il est toujours « approprié de relever les taux de 0,25 % lors de la réunion de mars », même si la question de savoir jusqu’où les taux seront remontés reste épineuse : « nous ne savons toujours pas si nous devrions ramener les taux au-dessus de 2,50 % ».
En même temps, il est difficile de faire des folies à la Greenspan (monter les taux à 17 %) quand on affiche une dette gargantuesque de 30 000 milliards de dollars. En effet, les gouvernements font rouler leur dette (ils empruntent pour rembourser), si bien que toute hausse des taux vient automatiquement aggraver la dette, dans une folle fuite en avant exponentielle.
Nous verrons bien combien de temps la FED joue à ce petit jeu. En attendant, le taux de change EUR/USD est en forte baisse. La divergence de politique monétaire avec la BCE (qui n’a pas l’intention de rehausser ses taux en 2022) provoque logiquement une appréciation du dollar face à la monnaie unique.
Cette divergence devrait s’aggraver au vu des dernières déclarations de certains gouverneurs de la BCE. Le portugais Centeno a déclaré « qu’en fonction de la durée du conflit et la réponse européenne, le conflit ukrainien pourrait déboucher sur un scénario de stagflation (forte inflation, faible croissance) ».
Le gouverneur Autrichien Robert Holzmann a carrément proposé de « reporter la fin des stimulus ». Lane, le Chef économiste de la BCE, a pour sa part laissé entendre qu’aucune décision ne sera prise jeudi prochain (alors que l’on s’attendait à des déclarations allant dans le sens d’un resserrement monétaire).
La BCE est donc plus inquiète que la FED car, à la différence des États-Unis (autosuffisants en énergie), la croissance européenne va s’écrouler si le conflit s’éternise, ce que souhaite ardemment l’oncle Sam. Ainsi, une hausse de taux ne ferait effectivement qu’empirer les choses pour le vieux continent.
Janet Yellen, la secrétaire au Trésor US, assure que le « système financier américain a très peu d’exposition à la Russie ». Mieux encore, les États-Unis vont pouvoir vendre leurs gigantesques excédents de gaz à l’Europe. Heureux hasard…
Il y a donc de bonnes chances que le taux EUR/USD revienne à la parité en 2022. Un dollar = Un euro. Pour le moment, un euro vaut 1,10 dollar, mais dans un tel scénario, si BTC/USD retourne à l’ATH, alors BTC/EUR vaudra 67 000 euros.
Et puisque nous parlons de « divergence monétaire », notez qu’elle n’existe pas seulement au niveau des taux, mais aussi au niveau de la vitesse à laquelle la BCE et la FED rachètent des dettes, comparée au PIB :
« Quantités de dettes achetées par les banques centrales de la zone euro, des États-Unis et du Japon, en pourcentage de la dette totale »
Terminons avec deux petites phrases de Powell qui ont certainement soulevé plus d’un sourcil :
« La politique monétaire de la FED n’est pas la cause de l’inflation actuelle. »
Nombreux crieront haro sur le banquier, mais le fait est qu’il a raison. L’impression monétaire est en réalité la conséquence de la raréfaction énergétique. Et non l’inverse. Ce n’est pas un hasard si l’endettement augmente de plus en plus vite à chaque choc pétrolier. Prenez un graphique historique et vous verrez que c’est à partir des années 1970 que les ratios dette/PIB ont commencé à s’envoler.
N’oubliez jamais que la crise des subprimes s’est déclenchée juste après le pic de pétrole conventionnel de 2008 (le baril de pétrole valait alors 150 $, contre 118 $ aujourd’hui…). Nous produisons aujourd’hui 4 % de pétrole conventionnel de moins qu’en 2008, pour une population plus grande.
L’économie mondiale a pu redémarrer grâce à la « révolution » du pétrole de schiste américain qui est beaucoup plus cher à sortir de terre, d’où l’endettement grandissant et, in fine, l’inflation. L’œuf ou la poule ?…
Autre phrase très intéressante de la part de J. Powell :
« Il est possible d’avoir plus d’une monnaie de réserve. Cela est déjà arrivé par le passé »
⚡️ »Il est possible d’avoir plus d’une monnaie de réserve » – Jerome Powell “It’s possible to have more than one reserve currency” – Jerome Powell pic.twitter.com/Wsq6Rss8nf— France Résistance (@FranceRsistanc1) March 2, 2022
Le président de la FED explique dans ce court extrait ce que signifie le « privilège exorbitant » du dollar, à savoir que malgré une balance commerciale chroniquement déficitaire, le taux de change du dollar reste élevé, ce qui permet aux Américains de se protéger de l’inflation.
Cette déclaration est inédite. La FED semble accepter la fin de l’hégémonie du dollar ! En effet, si cette nouvelle guerre froide née en Ukraine s’envenime, chaque pays devra tôt ou tard choisir son camp, en sachant qu’il y a peu de chance que la Chine lâche V. Poutine, de même que l’Inde et le Brésil, entre autres…
Mais quelle sera cette autre monnaie ? Le Yuan ? L’or ? Le Bitcoin ? Une chose est certaine, le bitcoin est la monnaie anti-inflationniste parfaite, en plus d’être un système monétaire non censurable (deux-en-un) et apatride. Le bitcoin a déjà rendez-vous avec son destin…
Nicolas Teterel
Journaliste / Bitcoin, géopolitique, économie, énergie, climat