« Les prélèvements d’organes n’étaient pas justifiés »


Au procès de l’attentat de Nice, les victimes et leurs proches déposent depuis près de trois semaines leur douleur « incommensurable ». Mais ce lundi, l’occasion leur était donnée de mettre sur la table leurs questions sur ce terrible 14 juillet 2016, et les jours qui l’ont suivi. Le dispositif de sécurité prévu à Nice était-il suffisant ? Les effectifs de police ont-ils manqué ce soir-là et, si oui, à cause de quoi ? Pourquoi, enfin, lors des autopsies réalisées par la médecine légale dans la foulée du drame, de nombreuses victimes ont vu leurs organes prélevés entièrement, contrairement à l’usage, et ce sans justification apparente, ni que les familles n’aient été mises au courant ? Abordée ce lundi, au palais de justice de Paris, la problématique de la sécurisation de cette soirée sur la promenade des Anglais fait l’objet d’une instruction séparée, toujours en cours à Nice. Si le président de la cour d’assises a jugé « légitime » de s’intéresser à ce problème dès aujourd’hui, c’est sur la question des prélèvements d’organes qu’était particulièrement attendu le témoignage de François Molins, l’ancien procureur antiterroriste, désormais procureur général près la Cour de cassation.

« Compréhension des causes du décès »

Tout ça pour ça. Mais on le savait déjà  !  » avait ainsi fulminé Anne Gourvès. La mère de famille avait aussi raconté avoir appris par le biais d’un froid « procès-­verbal de mise sous scellés d’organes » la longue liste de ceux extraits du corps de sa fille Amie  : encéphale et dure-mère, cœur, foie, poumons, reins, bloc cervical, glandes surrénales, rate… Christophe Lyon, qui a perdu six membres de sa famille lors de l’attentat, a témoigné, lui, avoir découvert à l’audience, lors de la déposition du responsable de l’institut médico-­légal (IML) de Nice, Gérald Quatrehomme, que son père avait subi ces prélèvements et que les organes en question se trouvaient encore à l’IML…

« Les prélèvements d’organes n’étaient pas justifiés »

« Ces prélèvements ne se justifiaient pas. Si c’était à refaire, il n’y aurait pas de prélèvement systématique, et il y aurait des magistrats présents à chaque fois. En réalité, à aucun moment on n’a imaginé que cela se passerait comme ça », a indiqué François Molins à la barre. Plus surprenant, le magistrat a révélé avoir découvert que des organes entiers avaient été retirés à la faveur d’une nouvelle autopsie ordonnée aux États-Unis sur une jeune victime américaine, le 27 juillet 2016. À cette date, la totalité des permis d’inhumer avaient été délivrés aux familles, et ce dès le 19 juillet. « Dans nos réquisitions, nous avions ­demandé que les médecins procèdent à “tout prélèvement utile” pour la compréhension des causes du décès. Mais le protocole habituel, c’est de prélever de simples échantillons d’organes. Aucun magistrat n’assistait à ces autopsies. Quand on l’a appris, c’était trop tard  : le mal était fait. » Un mal qui ronge encore plusieurs familles aujourd’hui, qui n’ont toujours pas récupéré les organes de leurs défunts.

« Faire la part des choses »

Onze autopsies sur 14 ont répondu au deuxième critère car c’est très douloureux. On est peut-être allé trop vite. »