Elle fait partie des rares candidats à avoir reçu plus de 1500 parrainages pour se présenter à l’élection présidentielle, mais plafonne à 2% dans les sondages : Anne Hidalgo est le symbole d’un Parti socialiste toujours bien ancré dans le territoire mais qui, cinq ans après la non-candidature de François Hollande, ne parvient plus à susciter d’élan populaire.La candidate socialiste a répondu ce mardi aux questions de Pascal, Dominique, Sylvie, Jean-Paul, Mathéo et Catherine, six électeurs du panel de lecteurs du groupe Ebra dont fait partie votre journal, à l’occasion d’un « Face aux électeurs », notre nouveau rendez-vous politique.Revoyez ce « Face aux électeurs » avec Anne Hidalgo :
Sur l’international : « Nous devons conserver notre siège au Conseil de sécurité de l’ONU »
Jean-Paul Mathias : Dans le contexte de la guerre en Ukraine, que proposez-vous pour réformer le droit international ? Êtes-vous prête à céder le siège de la France au Conseil de sécurité de l’ONU ?Anne Hidalgo : Il faut d’abord protéger les Français et l’Europe, qui sont menacés par l’attitude d’un dictateur. Poutine est un dictateur. Comment nous protéger ? Il faut d’abord que l’Union européenne soit plus puissante sur le plan économique. Elle a accompli des pas assez intéressants ces dernières années, y compris pendant le Covid, donc je pense que l’on va dans le bon sens. Mais l’UE doit aussi aller plus loin et devenir une Europe de la défense. Ce qui ne signifie pas que l’on doit partager notre siège au Conseil de sécurité de l’ONU. Parce qu’il est lié à ce qu’est la France, à l’histoire de notre République qui est l’origine des valeurs universelles que toutes les démocraties de la planète reconnaissent. Ce siège, qui fait de nous une voix singulière, et en Europe et au niveau international, nous devons le conserver. Il y a eu évidemment, et heureusement, ce lien, cette fraternité retrouvée avec l’Allemagne. L’Europe tient à ce couple franco-allemand, même s’il ne faut pas oublier tous les autres. L’Allemagne a d’ailleurs bougé sur le chemin de cette protection, de cette Europe de la défense que nous devons construire. Deuxièmement, il faut évidemment ne jamais perdre de vue qui sont nos alliés et le faire à l’intérieur de l’Otan. Être dans l’Otan, ça ne veut pas dire être soumis aux États-Unis. Ça veut dire reconnaître qu’il y a aussi cette protection. Mais les États-Unis le disent déjà depuis quelque temps : il faut que l’Europe sache aussi se défendre toute seule.
Sur l’environnement et les mobilités : « Encadrer les prix des billets de train »
Pascal Schmittbühl : Vous dites que la transition écologique est le combat du siècle. Comment relever ce défi sans donner à l’écologie une image punitive ?Anne Hidalgo : Je travaille depuis longtemps avec Jean Jouzel, climatologue, prix Nobel et membre du Giec. Il m’a toujours dit qu’on n’y arriverait que si l’écologie se fait avec les catégories populaires et les classes moyennes, pas contre elles. Regardez la crise des gilets jaunes qui naît d’une hausse du prix de l’essence ! Il faut du consensus pour réussir ce combat du siècle. Je propose des aides pour les classes moyennes et populaires, notamment une aide à la mobilité de 75 euros par mois pour que les habitants des territoires ruraux qui ne peuvent pas se passer de voiture louent des véhicules électriques ou hydrogène. Ça serait un avantage pour la planète et le pouvoir d’achat. Je propose aussi une avance intégrale des frais de rénovation thermique des logements qui serait remboursée lors de la vente du bien ou de la succession. Ça permettrait d’avoir une baisse de la facture énergétique des particuliers et de l’impact environnemental et ça créerait de l’emploi.Catherine Mellier : Comment développer les liaisons ferroviaires et les rendre attractives ?Anne Hidalgo : Le ferroviaire est une priorité, et on a perdu beaucoup de terrain, notamment sur le fret de marchandise. C’est un problème au regard du prix du carburant et de la pollution. Il faut aussi remettre des petites lignes qui ont été supprimées qui permettaient de désenclaver des territoires ruraux. Avec la dépendance que l’on a aux énergies fossiles et la crise ukrainienne, il faut privilégier les transports en commun. Pour cela, il faut encadrer les prix des billets de train, sur lesquels je propose de baisser la TVA.Luc Bourrianne : Êtes-vous favorable à la mise en concurrence dans le secteur ferroviaire ?Anne Hidalgo : Le service public est essentiel, il faut le protéger. Mais la concurrence est intéressante, ça peut challenger nos services publics pour qu’ils soient plus innovants et performants. Lorsque cette concurrence fragilise le service public, c’est souvent sur des critères de prix. Si on aménage les règles de concurrence, je proposerai qu’on y mette des critères sociaux, liés au tarif, à l’accessibilité.
Anne Hidalgo avec nos lecteurs ce mardi à Nancy./L’Est Républicain.
/h2> Il faut aussi aller vers les circuits courts parce que c’est comme ça qu’on assurera une forme de souveraineté alimentaire, parce que nous sommes aujourd’hui trop dépendants sur un certain nombre de produits. Et puis on ne peut pas regarder ailleurs quand la planète brûle : on sait qu’on va manquer d’eau, y compris dans notre pays. Donc il faut absolument se projeter vers un modèle agricole nouveau, qui soit soutenable. Nous devons adapter nos modes de vie et notre agriculture à cette situation. On ne peut pas le faire en disant “l’agriculture intensive, c’est l’avenir, et laissons le bio de côté”.
Sur le pouvoir d’achat et les retraites : « Les salaires en France sont beaucoup trop bas »
Anne Hidalgo : Les salaires en France sont beaucoup trop bas et ne permettent plus à nos concitoyens de vivre dignement. Je propose une augmentation du Smic, de 200 euros net par mois dès le début du quinquennat. Dans le secteur public, je veux augmenter le point d’indice et les pensions de 3 %. Mais face à cette crise du prix de l’énergie, il faut aussi d’autres outils. Dès le mois d’octobre, j’ai demandé la baisse temporaire de la TVA à 5,5 % sur l’essence. J’avais demandé au Premier ministre espagnol comment il faisait face à la flambée des prix de l’énergie, il m’avait dit : “Il n’y a pas 36 000 solutions, si tu veux toucher tout le monde, c’est la baisse de la TVA.” C’est ce qu’il la fait et c’est ce que font d’autres pays.Pascal Schmittbühl : Comment garantir un revenu décent aux retraités actuels et futurs ?Anne Hidalgo : Être de gauche et soutenir Emmanuel Macron dans sa réforme des retraites, je considère que c’est incompatible. Sa réforme va encore toucher les catégories populaires. Pour moi, c’est 62 ans, pas un de plus. Je veux aussi rétablir les critères de pénibilité qui ont été supprimés par Emmanuel Macron. Sur le montant des pensions, je considère qu’il ne peut pas y avoir une retraite inférieure à 1 200 euros par mois.Pascal Schmittbühl : Où trouvez-vous cet argent-là ?Anne Hidalgo : On va le chercher là où il est. Je compte rétablir l’impôt sur les grandes fortunes et dégager des marges de manœuvres supplémentaires grâce à une loi sur les successions. Je ne suis pas dans une vision comptable et étriquée qui consisterait à dire “Surtout ne touchons rien de ce que les plus riches gagnent”. Franchement, vous croyez qu’il y aurait vraiment une grève des milliardaires si l’on rétablissait l’impôt sur les grandes fortunes. Vous croyez que les gens iraient vivre ailleurs ? Les inégalités sont en train de miner notre démocratie.
Anne Hidalgo avec nos lecteurs ce mardi à Nancy./L’Est Républicain.
Sur le grand âge : « Je veux créer un grand service public très décentralisé »
Il faut pour cela recruter mais aussi faire en sorte que les collectivités accompagnent l’adaptation des logements. Deuxièmement, nous devons embaucher dans les Ehpad. En France, on compte environ 6 professionnels pour 10 résidents, ce qui est très faible. Je propose de recruter au moins 40 000 agents supplémentaires. Nous devons aussi garantir des tarifs adaptés et mieux encadrer ces établissements. Il a fallu attendre le scandale Orpéa pour que ce sujet passe le mur du son alors que c’est un sujet majeur, qui concerne toutes les familles. Il faut aussi considérer la pénibilité subie par les personnes travaillant dans les Ehpad. Quand vous avez passé une partie de votre vie à soulever les personnes, vous êtes abîmé physiquement.
Sur la sécurité intérieure : « Une police républicaine mieux formée à la désescalade »
Anne Hidalgo :, il faut le réprimer, et sans doute plus durement. Parce qu’il n’a pas à faire usage de ce pouvoir contre nos concitoyens.
Anne Hidalgo avec nos lecteurs ce mardi à Nancy./L’Est Républicain.
Sur la vie démocratique : « Tout diriger depuis l’Elysée n’a rien donné »
Anne Hidalgo : Notre démocratie est totalement étouffée par une monarchie républicaine et un pouvoir ultra-vertical. Je pense qu’il faut donner du pouvoir direct aux citoyens, notamment en reprenant la proposition des gilets jaunes pour le référendum d’initiative citoyenne (RIC). Toutes les décisions concernant la gestion du pays ne se prendraient pas de cette façon-là, mais il est indispensable de faire confiance aux Français. C’est pourquoi je veux aussi créer un droit d’amendement des citoyens dans le processus d’élaboration de la loi. Je propose qu’il y ait dans chaque département une assemblée qui permette d’accompagner ce travail et qui soit un espace de consultation avec les parlementaires.Dominique Pocreau : Ne faut-il pas réformer le Sénat ?Anne Hidalgo : Sur le Sénat, je n’ai pas de réforme particulière. En revanche, j’ai une proposition sur le Conseil économique social et environnemental , qui doit se transformer en véritable chambre de la société civile, et qui aura des déclinaisons dans les départements, comme je le disais auparavant.Dominique Pocreau : Sur la décentralisation, ne pensez-vous pas qu’une certaine modernisation s’impose ?Anne Hidalgo : La façon d’Emmanuel Macron de tout vouloir diriger depuis l’Élysée n’a rien donné. Il faut que l’on aille vers une décentralisation réelle, que l’État assume financièrement le transfert de ses compétences, ce qu’il ne fait pas aujourd’hui. Je ne reviendrai pas sur la suppression de la taxe d’habitation, mais je ferai en sorte que les collectivités, notamment les communes, aient véritablement les dotations leur permettant de fonctionner. Je ne considère pas que le millefeuille territorial soit un problème en soi. Aujourd’hui les choses sont relativement bien posées mais ce qui manque c’est le lien de confiance qui a été purement et simplement rompu par Emmanuel Macron au nom d’une efficacité de gestion.