Présidentielle : entre Macron et Le Pen, un second débat sous haute tension


Publié le 21 avr. 2022 à 6:15Un débat au ton plus policé qu’en 2017 mais non exempt de vraies tensions. Pour leur nouvelle confrontation en vue du second tour de la présidentielle, Emmanuel Macron et Marine Le Pen se sont retrouvés mercredi soir à la télévision. Aux studios du Lendit, à Saint-Denis, tout avait été réglé au millimètre, depuis les conditions de la réalisation jusqu’à la température du studio (19 degrés) en passant par la position de chacun (Macron à gauche, Le Pen à droite) sans oublier la distance (2,50 mètres) séparant les tables des candidats et la durée (2h45)…

Le pouvoir d’achat en entrée

Loin de l’agressivité qui avait caractérisé son intervention de 2017, Marine Le Pen a attaqué le débat en se voulant sereine et apaisée. Dans ses premiers mots, elle a loué le « peuple » français, « le plus grand atout » de la France, mais qu’elle dit avoir vu « souffrir » au cours des cinq années passées.De son côté, Emmanuel Macron s’est lui aussi s’exprimé sur un ton posé. « J’ai traversé ces difficultés à la tête de notre pays et je veux continuer de le faire car nous pouvons rendre notre pays plus indépendant et plus fort », a-t-il répondu dans son introduction en n’omettant pas de rappeler qu’il souhaite se saisir de la question écologique .Par tirage au sort, c’est le pouvoir d’achat qui a été le premier thème d’un débat qui en a comporté huit. Après quelques échanges polis au cours desquels les deux candidats ont déroulé leurs propositions, la tension est néanmoins très vite montée. Les deux candidats se sont vivement opposés sur la question des primes et des salaires ou sur le bouclier pouvoir d’achat mis en place par le gouvernement. Entre inflation et croissance, le débat a tourné à une guerre des chiffres et au dialogue de sourds, les deux candidats se révélant incapables de s’accorder sur le même constat.

La tension s’est installée progressivement

L’international a suivi comme deuxième thème. Là aussi les tensions sont vite apparues. Mercredi après-midi, le président ukrainien Volodimir Zelensky avait affiché ostensiblement son soutien en faveur du président sortant. Depuis sa prison en Russie, l’opposant russe Alexey Navalny a lui aussi appelé à voter en faveur d’Emmanuel Macron.Soutenant les « efforts » d’Emmanuel Macron dans le dossier ukrainien, Marine Le Pen a exprimé sa solidarité et soutenu la quasi-totalité des mesures de rétorsion contre la Russie. Emmanuel Macron n’a pas manqué cet angle d’attaque contre sa rivale. Il l’a taxée d’ambiguïté et rappelé les contradictions entre sa position actuelle et celles de son parti d’une part, et celles qu’elle a tenues historiquement d’autre part, puisque Marine Le Pen avait approuvé l’annexion de la Crimée. « Vous dépendez du pouvoir russe et du pouvoir de Monsieur Poutine », a attaqué Emmanuel Macron qui l’a longuement prise à partie à propos du prêt contracté par le RN auprès d’une banque russe.Autre angle d’attaque d’Emmanuel Macron : l’Europe. Il a accusé Marine Le Pen de « vouloir mentir sur la marchandise » via ses propositions. A plusieurs reprises, il a repris son adversaire, prenant parfois un ton doctoral face à une Marine Le Pen souvent sur la défensive. En milieu de débat, la gestion de la crise du Covid, et son coût, ont également donné lieu à de vifs échanges entre les candidats.

« Climato sceptique » contre « climato hypocrite »

Autre sujet d’affrontement, l’écologie et la question des éoliennes. Marine Le Pen veut leur suppression tandis qu’Emmanuel Macron y voit une filière en plein développement. Une nouvelle fois, Marine Le Pen a accusé Emmanuel Macron de changer de pied constamment sur le nucléaire, notamment sur la question de la fermeture de Fessenheim . L’occasion aussi de sortir des « punchlines » destinées à nourrir les réseaux sociaux et l’histoire des débats de la présidentielle. Le président sortant a traité sa concurrente de « climato-sceptique », elle lui a répondu qu’il était « climato-hypocrite ».Sur chaque thème, les visions des deux candidats se sont opposées de façon diamétrale. Quand Marine Le Pen accuse Emmanuel Macron de ne parler qu’aux villes, il l’accuse de vivre de la peur des Français. Parmi les derniers sujets évoqués, la sécurité a permis à Marine Le Pen de renouer avec les fondamentaux de son parti. Elle a évoqué la « barbarie » et « l’ensauvagement » et souhaité mettre fin à « l’immigration massive et anarchique ». Sur le sujet, l’offensive de Marine Le Pen a été longue. Emmanuel Macron a répondu en évoquant son bilan : les 10.000 postes créés dans les forces de l’ordre et la baisse de certaines données sur la délinquance.

« Vous allez créer la guerre civile »

La laïcité était aussi invitée du débat. Face à la volonté de Marine Le Pen d’interdire le voile dans l’espace public, Emmanuel Macron s’est montré ferme. « Le principe d’égalité fait que vous interdirez tous les signes religieux. Vous allez créer la guerre civile », lui a-t-il rétorqué. Sur ce point, les deux candidats n’ont plus que constater leurs profondes divergences. Même chose sur les questions de gouvernance. Emmanuel Macron a rappelé sa proposition de commission transpartisane pour réformer les institutions, Marine Le Pen a répété sa volonté de mettre en place un référendum d’initiative citoyenne.Après près de trois heures de débat, à quatre jours du scrutin, les sondages ne sont pas favorables à la candidate du RN. Marquée par son débat raté de 2017 , elle jouait une partition délicate : rester sur sa ligne de « dédiabolisation » tout en devant rattraper son retard. Mais un débat ne fait pas l’élection. Selon le baromètre OpinionWay Kea Partners pour « Les Echos » , seules 14 % des personnes interrogées attendaient le débat pour savoir pour quel candidat voter.