Privée d’extrême droite, la Belgique francophone joue à se faire peur


LETTRE DE BRUXELLES Le président du Vlaams Belang (formation politique d’extrême droite), Tom Van Grieken, lors d’un meeting à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs, à Sint-Niklaas (Belgique), le 1er mai 2022. NICOLAS MAETERLINCK / AFP S’ennuie-t-elle, avec son régime de coalitions bancales ? Est-elle saisie par le désir d’imitation ou désireuse de se trouver un véritable adversaire ? Durant l’entre-deux-tours de la présidentielle française, la Belgique politique et médiatique a, en tout cas, largement joué avec le thème d’une possible prise de pouvoir de l’extrême droite chez son grand voisin. Pour justifier, a posteriori, leur insistance à évoquer ce risque, des médias et des commentateurs ont, ensuite, appuyé la thèse selon laquelle Emmanuel Macron avait, en fait, été « mal élu ». Au-delà, une évidence demeure : si tous ses voisins (la Flandre en tête, mais aussi la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et même le Luxembourg) ont vu éclore des formations d’extrême droite, la Fédération Wallonie-Bruxelles (ou Communauté française de Belgique) est étonnamment préservée. Au cours des dernières décennies, toutes les tentatives visant à faire éclore un courant xénophobe ou national-populiste y ont, en effet, échoué ou se sont soldées par des règlements de compte entre les quelques protagonistes de ce courant. Lire aussi En carte : la progression des extrêmes droites en Europe Les méchantes langues disent que c’est l’absence d’identité des deux régions qui explique cette singularité : difficile de jouer sur la corde nationaliste dans une région bruxelloise symbolisée par le « zinneke » (le bâtard, le corniaud) aux origines métissées ou pluriethniques. Ou dans une Wallonie qui, même si elle cultive toujours la nostalgie de sa richesse défunte, ne sombre pas dans la quête identitaire. Pas d’extrême droite en vue, donc, mais une sorte de peur latente, un souci constant d’en parler, de comprendre, de débattre. C’est pour débattre, précisément, que Georges-Louis Bouchez, jeune président du Mouvement réformateur (MR), parti libéral de centre droit, a brisé un tabou : il est allé se confronter, jeudi 21 avril, sur un plateau de la chaîne publique flamande VRT, à Tom Van Grieken, le tout aussi jeune président du Vlaams Belang, une formation séparatiste, xénophobe, bien ancrée à l’extrême droite (elle est, aux côtés du Rassemblement national français, membre du groupe Identité et démocratie au Parlement européen).

« Une ligne rouge a été franchie »

Au lendemain du débat entre les deux prétendants français, la VRT voulait organiser un « débat miroir » entre un supposé macroniste – le MR est membre, comme La République en marche, du groupe Renew à Strasbourg – et un soutien avéré de Marine Le Pen. Ce franchissement d’une double frontière (linguistique et idéologique) par un responsable francophone a engendré une tempête : depuis une vingtaine d’années, tous les partis du sud de la Belgique respectaient, comme les médias, un « cordon sanitaire ». Ce qui signifie qu’il n’est pas question d’alliances, de négociations, ou d’entretiens avec les dirigeants extrémistes. Il vous reste 52.49% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.