Procès de l'attentat de Nice : « Nice  ? Non, je ne me souviens pas de celui-là »


la justice française est visiblement épuisée On ne connaît quasiment pas de précédent, à cette échelle, de procès contre la violence religieuse ou politique. Quel modèle trouver ? Nuremberg ?Dans ces circonstances, la réaction française est un triomphe de dignité et de pondération.

Par le poids inhabituel et bienvenu accordé à la défense des victimes et des familles, par le point de vue équilibré et impartial sur les actions de la police et des services de sécurité. Même les huit accusés ont été bien et justement représentés. Une espèce de miracle.

Procès de l'attentat de Nice : « Nice  ? Non, je ne me souviens pas de celui-là »

Parce qu’ils sont absolument lamentables, une poignée d’ignares embourbés dans la petite délinquance, la violence domestique et plus généralement la merditude du merdier. Souvent, la justice criminelle se résume à un choc de classes. Avocats éminents et juges de bonne famille qui, face aux défavorisés contre-­performants, décident de leur avenir.

Ces procès ont un effet loupe sur cette pénible confrontation. La plupart de ces pauvres types sont des ratés pitoyables à un degré que la précarité et les privations seules ne sauraient produire. Les mecs feraient passer Donald Trump pour Descartes.

Impossible de les citer, rien de ce qu’ils disent n’a de sens. Ce qui s’est dit de plus articulé pendant les premiers jours, on le doit à Mohamed Ghraieb, l’un des principaux accusés, qui a déclaré  : « Je n’ai rien à voir avec ce qui s’est passé. Le terrorisme, c’est pas moi.

 » Bah non, lui, c’est Madame Gustave Bovary. Lumpen grandeur à vomir.On s’en fiche, de l’attentat de Nice.

On n’a plus le temps. On a donné toute notre énergie pour ce qui s’était passé avant – plusieurs millions de personnes dans la rue pour Charlie, une dépression nationale de six mois après le 13 novembre 2015. La première semaine du procès de Nice l’a bien montré.

C’était ennuyeux et décourageant, parce que c’est dans l’ordre des choses. La justice n’est pas une très bonne narratrice, son truc, c’est la comptabilité.Je quittais les lieux, à la fin du premier jour, quand un touriste américain m’a arrêté pour me demander s’il pouvait entrer dans le bâtiment principal.

Je lui ai répondu que je n’en étais pas sûr, à cause d’un grand procès en cours contre le terrorisme. « Oh, c’est cette terrible nuit dans la boîte ? » (Le Bata­clan, j’imagine.) J’ai dit  : « Non, celui de Nice, vous savez, le feu d’artifice, le camion, tous ces enfants.

 » « Oh, je ne me souviens pas de celui-là », il a dit. Se souvient-il du nom des mecs ­d’Apollo 12 ? J’ai oublié de lui demander. •Traduit de l’anglais par Myriam Anderson

La plus triste histoire jamais racontée

reconnaissables à leur badge orange Des images douloureuses et bouleversantes, évidemment. En particulier le tatouage géant de sa fille qui lui couvre le dos.

Le plus terrible, c’est qu’il ne s’agit pas de la représentation d’une enfant de 2 ans, mais du portrait rêvé de celle qu’il imagine qu’elle serait devenue, une belle jeune femme aux cheveux brillants, aux yeux pétillants. La profonde émotion de Me Mouhou se lisait sur son visage. Il n’en finit pas de raconter  : « Après le choc, un jeune étudiant en médecine a fait un massage cardiaque à la petite fille, et elle a recommencé à respirer.

L’étudiant a dit “c’est bon, là, elle va survivre”, et il est parti aider les autres. Mais ça n’a pas duré. Elle est morte.

Alors, Kamel s’est allongé à côté de sa fille pour la protéger à nouveau, pour dormir avec elle une dernière fois. De 23 heures à 6 heures, il est resté là. » L’avocat s’interrompt, son visage a vieilli d’un coup.

« C’est inimaginable. » Voilà pourquoi on se fout de l’attentat de Nice. L’homme qui passe la nuit sur le bitume auprès de sa petite fille morte.

Nous ne pouvons plus, nous ne voulons plus y penser. Parce que ce n’est pas la mort ni la cruauté que nous ne pouvons plus endurer. C’est l’amour.

C’est l’amour qui est insupportable. •.