Par Lilou Boulanger
Publié le 22 Fév 23 à 22:02
Le Républicain Sud-Gironde
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Cinq plaignantes ont témoigné à la barre de la cour d’Assises de la Gironde à Bordeaux contre le radiologue de Langon, Bassam El-Absi. (©Lilou Boulanger / Le Républicain Sud-Gironde)« Je ne peux pas dire ce qu’il se passe dans la tête des plaignantes. Elles imaginent. » A la barre du tribunal de Bordeaux (Gironde) pour le troisième jour de son procès, Bassam El-Absi, ancien radiologue de Langon, campe sur ses positions.Accusé d’agressions sexuelles et de viols sur plusieurs patientes et anciennes secrétaires du cabinet Imagix de Langon et Béguey, Bassam El-Absi continue de nier en bloc les accusations. Et, lors de longs monologues, celui qui fut radié par l’Ordre des médecins en 2019 explique que ces plaignantes fantasment. Que tout cela n’est qu’un complot fomenté contre lui.Ce à quoi le président de la cour répond : « On va donc passer cinq jours ici parce que des femmes imaginent trop ? » Sans réponse de la part de l’accusé.
Les troubles de l’érection de Bassam El-Absi pour débuter la journée
Avant de démarrer les différentes auditions, mercredi 22 février 2023, une question a été posée au médecin légiste, Dr Benali, qui a reçu en examen, en 2018, Bassam El-Absi. Motif de la consultation : les troubles de l’érection dont le mis en cause assure souffrir. Ces troubles sont-ils avérés ? La réponse est oui. Depuis 2014, Bassam El-Absi présente des troubles érectiles dysfonctionnels. Ils sont d’origine hormonale sur la production de testostérone. Ces dysfonctionnements pourraient être liés au tabagisme important du natif de Damas, qui consomme un paquet par jour.
Le procès du radiologue de Langon (Gironde), Bassam El-Absi a débuté lundi 20 février 2023 à la cour d’Assises de la Gironde à Bordeaux. (©Lilou Boulanger / Le Républicain Sud-Gironde)En 2018, un examen médical permet de tester les capacités érectiles de Bassam El-Absi en injectant un produit dans la verge donnant une érection. Résultat : les stimulants sont voués à l’échec. Cet examen a confirmé que les stimulants sont inefficaces. L’expert indique, qu’en 2018, Bassam El-Absi ne pouvait pas pénétrer une femme. Pour autant, le spécialiste souligne qu’il est impossible de savoir si ce non-fonctionnement de l’érection existait ou non avant 2014. « On peut penser qu’il y avait des dysfonctionnements épisodiques avant 2013. »Vidéos : en ce moment sur Actu
De possibles relations sexuelles
Il poursuit en disant qu’avec des stimulations, Bassam El-Absi a pu avoir une érection partielle par « tumescence ». Dans le rapport, il n’est pas précisé que l’intéressé n’a pas pu avoir de relations sexuelles courtes grâce à d’autres facteurs d’excitation.Même si ces troubles existent, la personne peut tout de même ressentir du plaisir, de l’excitation et du désir autrement. L’expert termine par dire que rien ne contredit mécaniquement la réalisation d’une pénétration pénienne en 2012 ou 2016 (dénonciation de viol et agressions).La première plaignante du docteur El-Absi est venue témoigner à la barre de la cour d’Assises de la Gironde, ce mercredi 22 février. Les faits se sont déroulés en 2002. Nous sommes le 18 octobre et cette femme pousse le cabinet de radiologie pour une échographie liée à des problèmes aux ovaires.La première échographie se déroule normalement. Le médecin conseille à la plaignante, âgée de 27 ans à l’époque des faits, de revenir quelques jours plus tard pour faire un nouvel examen pendant sa période d’ovulation.
« Il a commencé à me masser le ventre puis à me mettre un doigt dans mon anus »
Au moment de cette deuxième échographie, la plaignante indique s’être retrouvée en soutien-gorge et en culotte sur la table d’examen.
Très vite, il m’a retiré la culotte et m’a demandé de me mettre debout. Il a dit de mettre mon pied sur sa jambe. Il a commencé à me masser le ventre puis à mettre un doigt dans mon anus. J’étais complétement tétanisée, je ne pouvais plus bouger. Je ne comprenais pas ce qui était en train de se passer.
La patiente ressort de cet examen en pleurant, sans compte-rendu, ni aucun cliché.Ne sachant pas si les actes décrits étaient appropriés ou non, la femme téléphone à son médecin traitant pour avoir son avis. Ce dernier est formel : il ne s’agit pas d’un examen normal. Une plainte est déposée au conseil de l’ordre des médecins, le 25 octobre 2002.
Le comportement de Bassam El-Absi a agacé le président, lors de la troisième journée de ce procès aux Assises. (©Lilou Boulanger/ Le Républicain Sud-Gironde)Après plusieurs procédures (conciliation, plainte à la gendarmerie,…), le magistrat classe le dossier pour infraction insuffisamment caractérisée, le 4 septembre 2003.De son propre aveu, l’avocat général regrette la situation. Les faits sont prescrits depuis 2012. Aujourd’hui, cette femme a quand même pu témoigner à la barre de son histoire. « Cette plainte enrichit la procédure des autres plaignantes, appuie l’avocat général. Elle est prise en considération ».Vingt ans après, l’émotion et le traumatisme sont toujours aussi présents pour la plaignante. « On fait sa vie avec, mais quand on reparle du sujet, c’est toujours difficile. Si on m’avait écoutée un peu plus, on aurait évité que d’autres filles subissent la même chose. « Aujourd’hui, la plaignante assure qu’elle est toujours incapable de consulter un médecin homme.
« Docteur El-Absi disait, et je m’exécutais »
Une ancienne maîtresse (2003 à 2006) du docteur, également secrétaire du cabinet, est également venue à la barre de la cour d’Assises pour témoigner à la barre. Elle dit avoir été sous l’emprise de Bassam El-Absi ; comme « redevable » des nombreux cadeaux et aides financières du radiologue à son égard. « Docteur El-Absi disait, et je m’exécutais. »Cette ancienne secrétaire reconnaît que Bassam El-Absi a déjà pratiqué des attouchements sur elle au cabinet. « Il s’immisce dans la vie privée des gens pour les acheter et obtenir ce qu’il veut », précise-t-elle.D’autres plaignantes de la partie civile ont témoigné à la barre des différents examens médicaux pratiqués par le docteur El-Abi en 2013 et en 2016. Des examens qui se traduisent tous sur le même mode opératoire : des massages pour « déstresser, détendre, être moins timide ». D’abord sur le ventre, puis le dos, les fesses, le sexe et enfin « une pénétration digitale anale ».
Le président reprend Bassam El-Absi : « Je vous vois sourire et bâiller »
Pendant les différentes auditions, l’accusé fait d’ailleurs preuve d’une attitude que le président qualifie d’ « inadmissible ». Alors qu’une plaignante est à la barre, Bassam El-Absi est sur son téléphone. « Du jamais vu », selon les dires du président. Qui ajoute : « Votre téléphone a sonné deux fois, je vous vois sourire et bâiller, je vous demande de faire preuve de respect ». Cette attitude méprisante à l’égard des plaignantes agace les avocates des parties civiles. A chaque question de la cour, le radiologue Bassam El-Absi raconte que tous les propos « sont des mensonges ». Il se lance dans de longs discours remplis pour expliquer ce que sont des examens médicaux, des échographies endovaginales, pelviennes, abdominaux pelviennes… « Il est dans le déni total, on ne pourra jamais avancer », souffle une avocate de la partie civile.Les débats doivent se poursuivre jeudi 23 février avant d’entendre le réquisitoire et les plaidoiries des deux parties vendredi 24 février.Suivez toute l’actualité de vos villes et médias favoris en vous inscrivant à Mon Actu.