C’est ce qu’on appelle un flop. Alors qu’Anne Hidalgo, qui s’écrase jour après jour dans les sondages, a finalement proposé aux autres candidats de « la gauche » une primaire début janvier, ses camarades rouges verts roses clairs roses foncés, ont tous répondu par la négative. Et la plupart n’ont pas pris de pincettes pour faire passer le message à la maire PS de Paris. Décidément, cette campagne présidentielle devient un véritable supplice pour Anne Hidalgo. Du côté du parti socialiste, cela fait déjà des mois que l’ambiance ressemble à Petits meurtres entre amis. Après avoir laissé la maire de Paris prendre la direction des opérations, chacun, en coulisses, s’est employé à pousser son avantage. L’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve pensait déclarer sa candidature cet automne, et finalement non. Derrière, on trouvait même Jean-Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du PS, pour laisser entendre qu’il serait en fait l’homme de la situation… Bref, en proposant cette primaire sous forme de rétropédalage, la maire de Paris a creusé définitivement sa tombe. Dans les prochains jours, il ne serait pas surprenant que les sondages la donnent aux mêmes scores qu’un Fabien Roussel ou Arnaud Montebourg. C’est que ces trois-là ont oublié, c’est que la politique n’est pas un télé crochet, comme si les électeurs choisissaient leur candidat en fonction de leur humeur du jour, ou d’impressions… Ce constat vaut également pour les deux jokers que sont Christiane Taubira et François Hollande, tous deux se tâtent depuis des semaines pour y aller, et multiplient donc les cartes postales dans les médias. Pourtant, là encore, la politique réduite au simple marketing ne peut fonctionner. Alors qu’un vent droitier a soufflé sur les débats de rentrée avec l’arrivée tonitruante des deux Éric, Zemmour et Ciotti, sans parler de Marine, fille de son père, qu’ont dit ces deux figures d’une « gauche » réduite à la petite « morale » et aux « symboles » ? Pas grand chose ou presque. Quand ils « interviennent », on a l’impression d’écouter un cours d’instruction civique. Mais qu’ont-ils à dire aux Français sur la France et le monde ? Là, les sourires prédominent en guise d’idées fortes, sans parler de l’absence d’un projet ou d’une vision… Autant dire que Taubira ou Hollande, toujours en embuscade, comptent d’abord sur un malentendu pour se positionner… Un brin opportuniste, cynique ? Car tout ça se passe à quatre mois et demi à peine de la présidentielle. Rappelons-le : Emmanuel Macron a décidé, lui qui maîtrise si bien le tempo politique, d’avancer au maximum cette présidentielle pour essayer de couper l’herbe sous le pied à ses adversaires. En réalité, c’est sur LCI que la politique a repris ses droits ce vendredi matin : certes, dans cette interview, Ségolène Royal n’a pas pu s’empêcher de dire qu’elle « était disponible », et « serait disponible » en cas de primaire impromptue, et si on venait la chercher, provoquant bien sûr les railleries et les parodies sur Twitter (dans cette époque de la cour de récréation généralisée ou du bureau des élèves à l’échelle de la France, c’est normal…), mais ce n’était pas là l’aspect le plus intéressant de son propos. En effet, ce matin-là, Ségolène Royal, qui a été la candidate du PS à l’élection présidentielle en 2007 face à Nicolas Sarkozy, a tout simplement donné une leçon de politique et d’union à ses petits camarades. Au passage, l’ancienne conseillère de François Mitterrand a explosé en mille morceaux Anne Hidalgo, présentant sa proposition comme « une initiative prise trop tard, au mépris des électeurs, et masquant une volonté de désistement ».
« Hidalgo doit se désister pour l’un des deux candidats qui est devant elle [Jadot ou Mélenchon] » (Ségolène Royal)
L’ancienne candidate à la présidentielle rappelle alors quelques évidences qui ont été un peu vite oublié par un parti socialiste qui se félicitait il y a encore peu de ses scores aux dernières régionales : « L’union ne se décide pas sur un plateau de télé, c’est un travail, c’est un respect, c’est un long cheminement ». Ajoutant : « Ça s’est fait par le travail, par la discussion, par la construction de convergences communes, idéologiques et intellectuelles, et par conséquent, c’est ce travail là qui a manqué ».
Quel est le programme du PS ?
Après quasiment tout un quinquennat, quel est le programme du PS ? Sa vision d’un monde en plein bouleversement ? Ou son projet ? En dehors de quelques slogans et de quelques propositions surprises, on ne connait pas grand-chose du projet Hidalgo depuis le lancement de sa campagne. « Il faut respecter les électeurs à un moment (…) l’enjeu majeur, c’est l’absence de projet, les gens veulent savoir pour quoi faire ? », rappelle l’ancienne leader. Et Royal fait tomber sa sentence : « Hidalgo doit se désister pour l’un des deux candidats qui est devant elle [Jadot ou Mélenchon] ». Concernant ce dernier, la socialiste rappelle : « il a fait un travail, il a été excellent dans son meeting, ses équipes ont travaillé, il est lancé dans cette campagne ». Pour Mélenchon, cette séquence catastrophique pour Hidalgo est du pain béni. Lui expose depuis plusieurs jours son programme avec pas moins de « 694 mesures ». Il occupe l’espace et se positionne contre Éric Zemmour. Alors, après la proposition de la maire de Paris, il a préféré répondre par l’humour : « Hier soir j’ai mangé tranquillement mes spaghettis jusqu’au bout ». Tout en avertissant : « Cela fait un an et demi que ce cirque dure (…) Avec ce genre de comédie, on finit par dégouter tout le monde (…) C’est quelque chose qui ne produit que de la résignation ». Mélenchon tente par tous les moyens de cliver de nouveau les débats sur les questions économiques et sociales sur un axe droite/gauche. À l’inverse, Macron, son premier adversaire non déclaré, fait tout pour jouer sa réélection sur les valeurs, se postant comme le principal rempart contre Éric Zemmour. En 2017 pourtant, le chef de l’État avait créé la surprise en axant une bonne partie de son discours sur l’économie, mettant de côté sciemment les thématiques dites « identitaires ». Cinq ans plus tard, il semble d’abord compter sur ces petits meurtres entre amis pour tenter d’acheter l’électorat de gauche à la baisse, jouant valeurs contre valeurs. La (vraie) gauche va-t-elle réussir à se sortir de ce piège ? C’est une des principales inconnues de la campagne qui reste à venir… _________ Retrouvez notre entretien vidéo : « La Grande Tribune de la présidentielle » avec Jean-Luc Mélenchon et le texte de l’interview ici.
latribune.fr
11 Déc 2021, 15:55