Le nouveau Michael Cimino a des mèches très blondes qui lui tombent sur le front
Quand il nous a donné ce portrait, je lui ai demandé qui c’était ! » Même à Los Angeles, où les coups de bistouri sont monnaie courante, l’apparence du réalisateur a vite fait jaser. Au début des années 1990, il se murmurait dans les bureaux des agents et autres repaires de l’industrie hollywoodienne que ce garçon viril, dont les films se déroulaient dans des aciéries, des jungles ou des déserts écrasés par le soleil, était en fait un transexuel en attente de son opération, prêt à recevoir le dernier coup de scalpel, le « final cut ».Un bide monumentalLes patrons d’United Artists avaient au départ alloué 12 millions de dollars à Cimino pour qu’il conçoive La Porte du paradis.
Celui-ci leur fera finalement cracher 44 millions pour achever son histoire de querelle entre immigrants et propriétaires terriens dans le Wyoming. Le prodige était convaincu que son génie naturel suffirait à faire venir les spectateurs par millions, et que ce spectaculaire dépassement de budget ne serait plus qu’un mauvais souvenir. Et puis les critiques tombèrent.
« L’échec est si cuisant que l’on en vient à se demander si, pour réussir avec Voyage au bout de l’enfer, M. Cimino n’avait pas vendu son âme au diable, et si ce dernier n’est pas venu collecter son dû… Ce film un désastre à tous points de vue », disait ainsi un article du New York Times signé de la plume de Vincent Canby, pourtant connu pour sa modération. Le bide monumental de La porte du paradis a provoqué la faillite d’United Artists, qui sera racheté par Metro Goldwyn Mayer.
Un livre entier a été consacré au sujet par l’un des cadres du vénérable studio, Steven Bach. Tout est dans le titre : Final Cut: Art, Money, and Ego in the Making of Heaven’s Gate, the Film That Sank United Artists (Final Cut : art, argent et ego sur le tournage de La Porte du paradis, le film qui a coulé United Artists). Quand je mentionne l’ouvrage, Cimino me répond qu’il s’agit d’une « œuvre de pure fiction » écrite par « un dégénéré qui n’a jamais mis les pieds sur le tournage ».
Il ne mentionne évidemment pas le fait qu’à l’époque, Bach n’était pas le seul à vouloir « se le payer ». Il n’a probablement pas oublié les Rolls Royce qui sillonnaient L.A.
leurs pare-chocs flanqués de stickers qui disaient « Au diable La Porte du paradis ». Partout, il était dépeint comme un escroc, un manipulateur, un paranoïaque. Hollywood déteste l’échec, et lui se trouvait au plus mal.