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La France se droitise-t-elle ?
Tentant de répondre à cette question, le sociologue Vincent Tiberj émet, notamment à l’aide de sondages (qu’il critique par ailleurs), un diagnostic de la société française assez conforme à la réalité ; mais il perd de sa lucidité, hélas, au moment de sa conclusion. Sa thèse : s’il y a « droitisation », elle se vérifie d’abord au sommet de la société et non au sein des couches populaires. En somme, les élites politiques, intellectuelles et médiatiques auraient basculé, tandis que le peuple, moutonnier et impuissant, se laisserait « droitiser ».Il y a du mépris à dénier aux citoyens éclairés un libre arbitre et à les présenter telles des marionnettes sous influence. En outre, et c’est la petite musique du livre, le sociologue laisse entendre que la droitisation est une déviance, tandis que l’état naturel de l’individu devrait le situer ailleurs – à gauche ? Un essai qu’il faut toutefois lire pour constater à la fois les évolutions sociales, les dynamiques électorales et, plus instructif, les maladresses idéologiques d’un pourtant bon sociologue. Saïd Mahrane « La Droitisation française. Mythes et réalités », de Vincent Tiberj (PUF, 144 p., 15 €).
Famille, Familles…
« Derrière chaque système familial, une grille de lecture imparable des mécaniques politiques, économiques, philosophiques des sociétés humaines ! » C’est un Emmanuel Todd d’encre et de papier qui le clame, les bras levés, heureux de sa trouvaille. À ceux qui n’entendent rien à l’influence des structures familiales (famille nucléaire, communautaire, souche…) sur le devenir des êtres et des nations, il est conseillé de se plonger dans la BD, à la fois drôle et instructive, Il était une fois la famille.Les rapports à la fratrie, au père, à l’héritage, à la liberté, à l’égalité, à l’émancipation, à la vie en communauté sont autant de thèmes abordés à travers le prisme de la structure familiale. Todd se pose en éducateur, un peu caricatural, certes (c’est le jeu !), avec pour élève Terreur Graphique, l’auteur des dessins. « Il y a pire que mourir : il y a mourir idiot… », affirme le héros à la mèche noire. On suit les deux personnages avec délectation dans leur déambulation historique et géographique – avec un passage, bien sûr, par la Russie. S. M. « Il était une fois la famille », de Terreur Graphique et Emmanuel Todd (Casterman, 120 p., 23 €).
Fièvres insulaires
La Tamise noyée dans le smog, des cabs longeant Big Ben sous un ciel maussade… Voici qu’un livre réjouissant vient corriger cette image trop convenue de l’Angleterre. Car la perfide Albion est aussi l’île du désir. C’est ce que rappelle un diplômé d’Oxford, Grégoire Ming, dans une histoire érotique allant du XIXe siècle à nos jours.Au fil de brefs chapitres à l’érudition allègre, l’universitaire évoque les dilly boys, ces prostitués qui hantent les environs de Piccadilly Circus à l’époque victorienne, les « week-ends coquins » dans les hôtels garnis de Brighton ou encore la frénésie des rencontres dans les brasseries souterraines pendant le Blitz. Moins coincée qu’on ne le croit, l’Angleterre sait concilier érotisme et élégance, comme le montrent, dans les années 1960, les sous-entendus audacieux de la série Chapeau melon et bottes de cuir. Grégoire Ming a trouvé là un moyen original de raconter par la bande l’histoire de notre fiévreuse voisine. Et de rendre l’hommage qui lui est dû à un pays de liberté. Samuel Dufay « Une histoire érotique de l’Angleterre », de Grégoire Ming (Payot, 368 p., 22 €).
Retour aux sources
C’est un narratif, comme on dit. Les passions que déchaîne le wokisme, selon sa dernière appellation en date, ne seraient qu’une énième résurgence du conflit, pour le moins archaïque, entre Anciens et Modernes, entre progressistes et conservateurs, entre forces visant l’évolution sociale et forces visant la stagnation. En un mot, entre droite et gauche – le wokisme se rangeant dans ce dernier tiroir.Soit tout ce que fait exploser Susan Neiman, philosophe américaine installée en Allemagne et qui se définit comme socialiste – le wokisme n’étant tout simplement pas de gauche, selon elle. Pourquoi ? Parce que ce mouvement sape l’héritage des Lumières, à commencer par son universalisme, en lui préférant un identitarisme balkanisant, réduisant les individus à leur origine ethnique ou sexuelle et, évidemment, facteur de divisions, dont le « grand capital » s’est toujours repu pour mieux régner. Un livre qui remet les pendules à l’heure, où l’on regrettera cependant un long et très mal informé développement sur les sciences comportementales darwiniennes, considérées à tort comme vectrices de tribalisme. Peggy Sastre « La gauche n’est pas woke », de Susan Neiman. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Cécile Dutheil de la Rochère (Climats, 256 p., 22 €).