le mirage du ravitaillement de Gaza par la voie maritime


Menace de famine

À grand renfort de déclarations politiques, l’accès par la Méditerranée est présenté comme la solution pour apporter de l’aide aux 2,2 millions de Gazaouis menacés de famine par le blocus imposé par Israël en représailles aux attaques du Hamas le 7 octobre. Jeudi, les Américains ont annoncé vouloir construire une jetée au large de Gaza où des navires pourraient s’amarrer et y transférer leur cargaison à de petits bateaux capables d’accoster à une des plages de Gaza. Vendredi, c’est la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui dévoilait depuis Chypre la mise en place d’un corridor maritime entre le port de Larnaca et le territoire meurtri de Gaza. Un navire de l’ONG espagnole Open Arms espérait prendre la mer hier avec 200 tonnes de nourriture fournies par l’association américaine World Central Kitchen. Stéphane Séjourné, le ministre français des Affaires étrangères, a confié à La Tribune Dimanche réclamer « l’ouverture de points de passage dans le nord de Gaza pour faire entrer davantage d’aide humanitaire ». Peu probable que les Israéliens acceptent. L’installation du ponton américain demandera deux mois, et des semaines de négociations ont été nécessaires afin d’obtenir l’accord des Israéliens pour ouvrir la route de dix heures de mer entre Chypre et Gaza, distantes de 370 kilomètres.

Des questions sans réponse

Le navire va se diriger vers le sud, la jetée américaine devrait être située dans le Nord. Et ensuite ? Une fois les palettes d’eau, de nourriture et de matériel médical arrivées près des côtes, qui pour décharger ? Pour conduire les convois, les sécuriser ? Distribuer les colis ? Des questions sans réponse. « On va faire le boycott du commentaire, prévient Claire Magone. Hors de question d’alimenter une espèce de discussion d’ingénierie collective. C’est comme si des mots avaient été jetés sur un paperboard par des chargés de communication : ponton, défi logistique, Chypre, corridor, déploiement. C’est absurde. » « On est rongés d’inquiétude », reconnaît l’humanitaire. Depuis longtemps, les Gazaouis n’ont plus le temps d’attendre. Selon l’OMS, 5 % des enfants de moins de 2 ans souffrent de malnutrition aiguë dans le sud de Gaza, où est entassée la majorité de la population. La situation dans le nord du territoire est plus critique. Coupé du reste de cette bande de terre, il a été pulvérisé par les bombes ; il n’y a plus d’infrastructure civile, pratiquement aucune ONG. Les convois d’aide, conditionnés à de rares autorisations de l’armée israélienne, sont très peu nombreux à y pénétrer. Dans cette zone, 15,6 % d’enfants de moins de 2 ans sont touchés par une malnutrition aiguë, dont 3 % par une malnutrition aiguë sévère.

le mirage du ravitaillement de Gaza par la voie maritime

Une vingtaine de personnes déjà mortes de faim et de déshydratation

précisant qu’il continuerait d’effectuer ses « contrôles de sécurité [ Ils sont régulièrement refoulés. Les fouilles des véhicules sont si contraignantes qu’elles ralentissent le franchissement des camions aux points de passage terrestres : Rafah, à la frontière égyptienne, et Kerem Shalom, à la frontière israélienne. Des dizaines de semi-remorques attendent aux portes de Gaza. Largages de colis, corridor maritime, jetée flottante. « On se donne bonne conscience avec des stratégies de contournement en se disant qu’on fait quelque chose, relève Agnès Levallois, mais cela ne répond en rien aux besoins dramatiques de la population de Gaza. Le seul moyen de pression possible serait l’arrêt de livraison d’armes de la part des Américains. »