dans le sillage du gaz et sur fond de tensions pour l’approvisionnement cet hiver. Selon Sylvain le Falher, Cofondateur du comparateur Hello Watt, cette hausse des prix record est attribuée principalement à « la tension géopolitique avec la Russie qui a effectivement restreint ses livraisons de gaz. Il y a également quelques autres éléments qui expliquent les prix élevés : les températures plutôt basses en ce moment, mais c’est aussi que le stock européen de gaz était un niveau plutôt bas au début de l’hiver ».
Quelles solutions pour les États et les consommateurs ?, s’interroge-t-elle.
Comment sortir de l’ornière ?
a expliqué à RFI Patrice Geoffron, professeur d’économie à Paris-Dauphine, où il dirige l’équipe énergie-climat. L’évolution du prix dans les prochains mois dépendra en partie de la rudesse de l’hiver dans l’hémisphère nord. L’impact sur l’économie d’Omicron pourrait aussi avoir des conséquences.
Si l’activité ralentit, la demande en énergie baissera et cela tirera les prix vers le bas
Gel des prix
Quoi qu’il en soit, les marges de manœuvre sont minces, en particulier pour les Européens qui sont ce qu’on appelle des « price takers », des preneurs de prix, rappelle Thomas Pellerin-Carlin, le directeur du Centre énergie de l’Institut Jacques-Delors. Les prix dépendent de l’offre, et par conséquent de la production consentie par les pays producteurs, et de la demande mondiale « qui est surtout déterminée par les pays comme les États-Unis, la Chine et d’autres pays du Sud-Est. »
L’une des rares options de court terme avancées par Thomas Pellerin-Carlin, c’est de renégocier : « Une chose qui peut être faite et qui est déjà partiellement tentée par l’Union européenne notamment sur la question du gaz, c’est de trouver un accord avec nos partenaires pour qu’ils augmentent leurs exportations.
Les Norvégiens ont accepté, les Algériens ont un petit peu accepté pour le dire vite, les États-Unis de Joe Biden n’ont pas répondu et la Russie a répondu négativement puisqu’elle a baissé ses exportations vers l’Union européenne. »
Stocks stratégiques : effet modéré
Pour que l’offre augmente et pour limiter la surchauffe, une autre option a été envisagée. Les États-Unis, où le prix de l’essence s’est envolé, et d’autres pays comme la Chine, l’Inde et le Japon ont puisé dans leurs stocks stratégiques de pétrole.
Une méthode qui ne convainc pas vraiment Patrice Geoffron : « Ce sont en quelque sorte des fusils à un coup que l’on ne peut pas réutiliser. L’idée était d’envoyer un signal au marché. Mais l’effet a été assez limité car les stocks stratégiques de pétrole dans les pays importateurs de l’OCDE correspondent à trois mois de consommation.
Ce n’est pas rien mais ce n’est pas de nature à changer la donne ! Par ailleurs, concernant le gaz, à l’heure actuelle dans certaines parties d’Europe, on a des stocks qui sont plus réduits qu’à l’abord des précédents hivers. C’est également un sujet de préoccupation. »
La Commission européenne a proposé, à la demande notamment de l’Espagne, de la Grèce et de la Roumanie, d’instaurer un mécanisme permettant les achats groupés de gaz.
Mais « cela va jouer à la marge », analyse Jacques Percebois, professeur émérite à l’Université de Montpellier et spécialiste de l’énergie.
Pour des pays importateurs, les mesures politiques pour bloquer les prix restent donc finalement à très court terme l’une des options les plus simples. Plusieurs gouvernements, dont ceux de l’Italie, de la France ou encore de l’Espagne, ont gelé ou limité les hausses de tarifs, y compris parfois en réduisant des taxes.
par exemple Certains risquent d’ailleurs de faire faillite.
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Et d’ajouter : « De toute façon la hausse interviendra plus tard. Si elle n’a pas lieu en 2022, elle aura lieu en 2023. Et entre-temps, le gouvernement devra trouver les crédits nécessaires pour permettre aux fournisseurs de résister.
On espérait que cela ne coûterait pas plus de 4 à 5 milliards d’euros aux finances publiques françaises. Aujourd’hui, les estimations sont plus proches de 8 à 10 milliards d’euros. »
Efficacité énergétique
Comme solution pour les consommateurs, Jacques Percebois suggère « un retour à des contrats à long terme ».
Cela permettrait de stabiliser les prix, car il faut rappeler que cette flambée intervient alors qu’il y a un an, sous l’effet de la crise, les cours étaient descendus très bas.
Autre solution, à long terme, pour éviter ces chocs : transformer les habitudes en matière d’énergie. Et en premier lieu, la consommation.
« La meilleure réponse, estime Patrice Geoffron, c’est l’efficacité énergétique. C’est le fait en particulier d’avoir des logements mieux isolés. Cela peut conduire à consommer globalement moins d’énergie et donc mécaniquement à être moins sensibles aux chocs.
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Mais faute d’efficacité, les restrictions d’usage pour le moment seront aussi le fait, pour certains ménages, de « la précarité énergétique », déplore Patrice Geoffron. Les entreprises très consommatrices d’énergie peuvent aussi accuser le coup. L’usine Nyrstar d’Auby au nord de la France, dernière à fabriquer du zinc dans le pays avec 300 salariés, sera ainsi mise à l’arrêt le 2 janvier pour au moins deux mois.
La plus vaste fonderie d’aluminium, Aluminium Dunkerque, a, quant à elle, réduit sa production.
« Sortir des énergies fossiles »
À plus longue échéance, pour les pays importateurs du moins, c’est une transformation de la nature de l’énergie consommée qu’il faut envisager, explique Thomas Pellerin-Carlin : « La seule manière de sortir d’une crise des énergies fossiles, c’est de sortir des énergies fossiles. Là, on a un cas très concret où l’intérêt de l’économie et de l’écologie se rejoignent.
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L’idée est de « déployer très rapidement des solutions de sobriété énergétique et de production d’énergie non fossile, toutes les énergies renouvelables et l’atome pour les pays qui choisissent de maintenir ou de renforcer le nucléaire. »
Avec des délais différents en fonction des solutions choisies. De l’ordre d’un à deux ans pour un parc solaire, cinq ans environ pour un parc éolien et dix ans pour une nouvelle centrale nucléaire « quand tout se passe bien, voire 20 ans en cas de retard.
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À plus brève échéance, Thomas Pellerin-Carlin évoque aussi la possibilité de déployer « des chauffe-eau solaires. Cela a déjà été très développé dans certains pays comme l’Autriche ou Israël. Vu que le chauffage de l’eau représente 15 % de la consommation d’énergie dans les bâtiments, ce n’est pas négligeable.
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« Les gaz issus de déchets verts ou l’hydrogène pourraient constituer une partie de la solution », ajoute Patrice Geoffron.