« Toujours une question d’équilibres », pour Isabelle Pargade


Maire d’une commune rétro-littorale de plus de 7 500 habitants et vice-présidente de l’Agglomération Pays basque en charge de l’agriculture (avec ses terres si convoitées), Isabelle Pargade porte une double casquette qui lui permet de bien maîtriser les enjeux liés à la crise du logement au Pays basque.Maire d’une commune rétro-littorale de plus de 7 500 habitants et vice-présidente de l’Agglomération Pays basque en charge de l’agriculture (avec ses terres si convoitées), Isabelle Pargade porte une double casquette qui lui permet de bien maîtriser les enjeux liés à la crise du logement au Pays basque. La création d’un statut de résident a été évoquée, afin de permettre aux habitants du Pays basque d’être prioritaires. Qu’en pensez-vous ?

Comment considérer les personnes originaires du Pays basque, qui se sont installées ailleurs pour le travail et reviennent chez eux ? Je comprends que cela pourrait avoir un impact sur le nombre de résidences secondaires, mais la complexité engendrée par un tel statut me laisse perplexe. Par ailleurs, ce statut n’aurait pas d’effets positifs pour la population qui n’arrive pas à louer un bien à l’année. À mon sens, il convient plutôt de réglementer le prix au mètre carré des logements, à l’instar de ce qui se fait pour les terres agricoles. Prenons en compte certains critères comme la vétusté du bien et surtout la zone géographique où il se trouve.

« Toujours une question d’équilibres », pour Isabelle Pargade

Le règlement dit de compensation (1) sur les meublés touristiques, voté par l’Agglomération, est entré en vigueur pour favoriser le logement à l’année. Est-ce la clé du problème ?

Il s’agit d’une mesure utile. Elle amènera une prise de conscience, dans un contexte tendu, avec plus de 2 500 logements manquants recensés alors même qu’il y a près de 15 000 meublés touristiques au Pays basque. Un impact de cette compensation, même mesuré, permettra de libérer une partie des logements manquants. Face à la crise du logement, les axes de travail sont nombreux. Celui-ci en est un.

Construire plus de logements, est-ce à vos yeux la priorité absolue ?

Non. Cela vient après la rénovation des logements vacants existants. Cela évite l’étalement urbain et permet de redynamiser un centre-ville. À Hasparren, nous venons d’acquérir un immeuble vacant du centre, où il y aura 25 logements. Nous en convoitons trois autres.

Le Pays basque peut-il se contenter de rénover et de récupérer les friches des centres-villes, autrement dit de construire la ville sur la ville, pour faire face à la crise ?

Tous les opérateurs nous le disent  : cela ne suffira pas. Pour autant, il est devenu compliqué de proposer des prix de sorties abordables. Si le pouvoir public fait une acquisition pour construire des logements inabordables, cela ne sert à rien. Or depuis la guerre en Ukraine, les prix des matériaux ont tellement augmenté qu’il n’est jamais simple de se situer en dessous de 2 500 euros le mètre carré. Nous y parvenons souvent en équilibrant les opérations via la promotion privée.

Quid de la commune d’Hasparren, soumise à la règle des 25 % de logements sociaux et actuellement à 7 %

Il faut être une commune de plus de 5 000 habitants au sein d’une agglomération de plus de 40 000 habitants pour y être soumis, ce qui n’était pas le cas Hasparren avant la création de l’Agglomération Pays basque, en 2017. Depuis, nous tâchons d’y remédier. J’aimerais faire des opérations 100 % sociales, mais ce n’est jamais simple, entre les équilibres financiers des opérations et les recours. Tout est toujours une question d’équilibres.

À Hasparren, quelle est votre stratégie en matière d’urbanisme ?

Nous souhaitons d’abord aller à la rencontre de tous les propriétaires de logements vacants, soit 11 % des biens de la commune (2), pour que ces habitations servent enfin. Entre les indivisions et les personnes âgées qui ne conçoivent pas de vendre – même quand elles n’ont pas de descendance –, c’est compliqué, mais nous ne lâchons rien. Ensuite, nous construisons à la périphérie du centre-ville. La difficulté consiste à sortir de la culture du pavillon (l’etche, au Pays basque). Dans les quartiers ruraux d’Hasparren, éloignés du centre-ville, nous restons beaucoup plus attentifs aux équilibres  : l’habitat collectif peut vite dégrader la notion du vivre-ensemble. Dans ces secteurs, des propriétaires ne comprennent pas que l’on puisse construire près du centre et qu’ils en soient privés sur leurs terrains familiaux. En zone urbaine, il est possible de tirer des chemins, des réseaux. En zone rurale, c’est beaucoup plus coûteux et contraire aux enjeux environnementaux.

Dans ces conditions, parvenez-vous à suivre le rythme du Plan local de l’habitat, fixé par l’Agglomération ?

Oui. Le PLH exige 50 nouveaux logements par an et nous délivrons 60 permis chaque année.

La nécessité d’accompagner la croissance démographique par les services et la mobilité idoines est-elle entrée dans les mœurs ?

Oui. Chaque jour, plus de 1 500 voitures quittent Hasparren pour se rendre sur la côte. Cette année, une ligne directe vers Bayonne doit être mise en place deux fois par jour, puis quatre fois par jour en 2024. Quant aux services, nous travaillons sur le périscolaire ou encore la capacité d’accueil en centre de loisirs, pour répondre à une demande croissante.

(1) Pour favoriser le logement à l’année, le propriétaire souhaitant créer un meublé de tourisme doit concomitamment proposer un autre logement accessible à la location annuelle.(2) Hasparren compte 85 % de résidences principales et 4 % de résidences secondaires. Le reste est vacant.