Des questions sur les déviances sexuelles ? Le service namurois Séos y répond


ce service est né le 28 juin 2021. Le projet a été porté par l’UPPL, l’Unité de psychopathologie légale (une référence dans le traitement de la délinquance sexuelle), avec l’aide d’autres partenaires. « Dans la pratique de l’UPPL, on s’est rendu compte qu’il manquait un maillon, explique Marie-Hélène Plaëte, coordinatrice. Un certain nombre de personnes qui étaient déjà suivies sur le plan psychologique nous ont dit qu’elles n’avaient pas osé parler de leur problème lié à la sexualité ou qu’elles ont ressenti un malaise lorsqu’elles l’ont fait. On a donc imaginé ce projet qu’on a soumis aux pouvoirs subsidiants (Fédération Wallonie-Bruxelles d’abord puis Région wallonne aussi). »C’est ainsi qu’est né ce service unique sur le territoire de la Wallonie et de Bruxelles, qui est disponible par mail, via un tchat et le numéro 0800 200 99. Appelants et écoutants sont anonymes.

Fantasme n’est pas déviance

Mais qui est ce public qui contacte le Séos et que qualifie-t-on de comportement sexuel déviant ? « L’intitulé de départ se destinait aux personnes ayant des fantasmes sexuels déviants. Mais a priori, on a le droit d’avoir un fantasme. On peut même avoir tous les fantasmes qu’on veut même s’ils sont déviants par rapport à la morale ou à la loi, expose Marie-Hélène Plaëte. Ce qui n’est pas autorisé, c’est le passage à l’acte, la réalisation de ce fantasme, qu’il soit déviant ou sans l’accord de l’intéressé(e). »L’offre de service du Séos s’est donc articulée autour de la question de la souffrance. « C’est l’appelant lui-même qui va déterminer ce qu’est un fantasme sexuel déviant et pourquoi c‘est un problème pour lui ou cela lui pose question, poursuit-elle. La majorité des gens qui appellent ont une inquiétude, un mal-être, une souffrance, et pourraient faire souffrir autrui en passant à l’acte. »L’entourage et les professionnels peuvent aussi contacter le Séos. « Par exemple, une femme nous a appelés parce qu’elle pensait que son mari la trompait. Elle a fait ce que beaucoup font dans ce cas: fouiller dans le GSM. Elle n’a pas découvert une maîtresse mais du matériel pédopornographique, raconte la coordinatrice. Un tsunami s’est abattu sur elle. Le couple a deux enfants et elle se demandait ce qu’elle devait faire et si c’était dangereux pour eux. » Le Séos est un premier endroit où l’on peut se décharger, poser les choses et réfléchir plus sereinement.

Des questions sur les déviances sexuelles ? Le service namurois Séos y répond

Écouter, informer, orienter

« Si rien n’est dit, ça reste comme une plaie non soignée »

Souvent, dans le traitement des gens qui ont commis des délits, un problème de couple, d’absence de sexualité ou de frustration, est à l’origine. Ce qui ne veut aucunement dire que la femme est responsable. »

S’occuper des auteurs pour préserver les victimes

Le Séos fait-il en sorte de déculpabiliser les auteurs ? Absolument pas, selon la coordinatrice, mais il permet de faire le point, débroussailler, détricoter une situation dans laquelle l’appelant(e) se sent totalement englué(e). « Je ne veux pas donner l’impression qu’on s’occupe des auteurs et pas des victimes, nuance-t-elle. Pourtant, quand on s’occupe des auteurs, on s’occupe des victimes. »La coordinatrice se souvient d’un autre cas où le Séos a pu décanter la situation et permettre à l’appelant de vider son sac : « Séparation, perte d’emploi, dépression… ce monsieur était au 36e dessous, se souvient-elle. Pendant deux mois, il a alors eu une relation avec une ado de 15 ans, la fille d’un copain à lui. Elle était d’accord même si légalement, elle n’était pas en âge de consentir. Lui était dans sa bulle comme un adolescent. Le père a découvert le pot aux roses et a déposé plainte. Une fois sorti de cette histoire, il s’est rendu compte de son acte et s’est trouvé ridicule. Il s’en voulait, le regrettait. Il y a beaucoup de situations desquelles les gens n’arrivent pas à se dépatouiller. Nous sommes là pour les aider ! « 

L’addiction à la sexualité

c’est une forme d’addiction conclut-elle.

Gérer émotion et frustration

les répondants du Séos sont formés et expérimentés. Cela peut être émotionnellement prenant et frustrant aussi puisqu’ils/elles ne savent pas ce qu’il advient de l’appelant. « Ça fait partie de la réalité du travail par téléphone. Ils travaillent ailleurs, notamment à l’UPPL, où ils ont un suivi pour en parler et réduire cette frustration », assure-t-elle.

L’obligation du secret professionnel

Le Séos a l’obligation de respecter le secret professionnel. Il peut s’y soustraire seulement sous certaines conditions strictes. « En revanche, on est soumis à une obligation d’assistance à la mesure de nos possibilités. Au téléphone, on ne sait pas qui est la personne au bout du fil. On ne peut pas lui porter assistance, on ne peut pas se déplacer. Mais si la personne demande de l’aide ou nous dit qu’elle va passer à l’acte, on va mettre en place nos missions, c’est-à-dire trouver rapidement l’aide la plus adaptée, détaille la coordinatrice. On ne va pas la dénoncer parce que la loi ne nous y oblige pas et que l’anonymat est primordial. Si le bruit courait qu’on est dénoncé quand on appelle le Séos, plus personne n’appellerait. Ce serait scier la branche sur laquelle on est assis. »Le Séos travaille notamment avec des services d’urgence en psychiatrie qui peuvent recevoir assez vite. « On doit parfois gérer des détails très pratiques. Il n’est pas question qu’une personne qui est attirée par des enfants et qui sent qu’elle pourrait passer à l’acte se rende en bus chez le psychiatre. On lui suggère alors de trouver un autre moyen pour ne pas côtoyer des transports où il y aurait des enfants. » En cas de situation gravissime, un protocole est mis en place. « Comme le numéro de l’appelant ne s’affiche pas, on peut juste prendre l’heure et informer le procureur du Roi, qui va appeler l’opérateur téléphonique. Mais entre-temps, si les faits doivent être commis, ils le seront. On ne peut dénoncer à la police que quand il y a un risque imminent pour un tiers identifié », prévient la coordinatrice.